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DEUXIEME PARTIE : DE L’ACCOUPLEMENT AU POST-PARTUM

I. CONDUITE DE LA SAILLIE

5. PATHOLOGIE DE LA GESTATION

Les affections de la gestation chez l'ânesse sont représentées par les risques d'avortement liés à de multiples facteurs. Selon les causes, ces expulsions seront précoces ou tardives et seront dues soit à la mort in utero du fœtus soit à une lésion du placenta engageant la survie de ce même fœtus. Les origines sont non-infectieuses ou infectieuses et dépendent de facteurs d'élevage.

5.1. Pathologies non infectieuses

5.1.1. Gestation gémellaire

Nous avons déjà constaté que les ânesses présentent un taux d'ovulations multiples plus important que les juments, surtout chez certaines races ("Mammoth"). Naturellement, le taux de gestation gémellaire apparaît aussi plus élevé. Ces gestations arrivent plus souvent à terme chez l'ânesse alors qu'elles sont interrompues chez la jument. Malgré tout, les données sont rares car elles nécessitent un suivi précoce des animaux, ce qui n'est pas toujours le cas chez l'âne. Néanmoins, l'observation du Docteur Lagarde sur la race "Grand noir du Berry" nous indique que 5 % des 20 % de doubles ovulations constatées, aboutissent à des gestations gémellaires. D'autre part, l'étude d'un échantillon de 58 gestations en Espagne sur des races locales a mis en évidence un taux de naissance de jumeaux de 5 % (Galisteo et al, 2010).

Ces gestations sont rares et les raisons font s'opposer deux théories : d'une part le manque d'échanges nutritionnels entre la mère et les fœtus du fait d'un manque de surface de placenta. Ainsi les fœtus souffrent de retards de croissance importants. D'autre part, la théorie de l'existence de réactions immunologiques d'un fœtus contre l'autre.

Les risques lors de gestations gémellaires de perte des fœtus amènent les éleveurs à éviter soigneusement ce type de gestation soit en différant la saillie lors de détection d'ovulations multiples (ce qui reste difficile lorsque ces deux ovulations s'effectuent de façon espacée), soit en détruisant l'une des deux vésicules embryonnaires lors de la détection des jumeaux. Cette intervention peut être effectuée par aspiration ou par écrasement d'une des deux vésicules.

5.1.2. Perturbation de l'équilibre fœto-maternel.

Plusieurs entités peuvent expliquer une expulsion précoce du fœtus alors qu'aucun signe pathologique n'est mis en évidence. Ainsi, une implantation défectueuse du placenta, une anomalie de développement des annexes fœtales ou du cordon ombilical, et toute atteinte par compression ou lésion des vaisseaux utérins peuvent entraîner un avortement.

D'autre part, l'influence de l'état physiologique de la mère au moment de la gestation s'avère, comme dans toute espèce, déterminant. On évitera d'avoir des animaux carencés et les conditions d'élevage devront prévenir de tout stress lié à un traumatisme ou une pathologie récente (colique, refroidissement brusque, excitation, etc...).

Enfin, il ne faut pas oublier l'existence de troubles endocriniens pouvant mettre un terme à tout début de gestation. Les phénomènes de rejet liés à des incompatibilités immunitaires sont également à prendre en considération. Les avortements peuvent aussi être d'origine toxique : médicaments, aliments, mycotoxines, métaux lourds, etc...

En dernier lieu, nous pouvons évoquer les anomalies chromosomiques ainsi que les malformations congénitales qui aboutissent à l'expulsion des avortons. Un cas d'avortement 2 mois avant terme d'un fœtus anencéphale chez une ânesse miniature est décrit dans la littérature (Stauffer, 1989).

Souvent ces avortements passent inaperçus car ils interviennent soit très précocement en cas de mort embryonnaire, soit dans une période où les individus ne sont pas surveillés.

5.2. Les avortements d'origine infectieuse

Nous avons déjà évoqué les différents agents pathogènes susceptibles de créer des désordres pathologiques au niveau de la sphère génitale. Certains sont à l'origine d'avortements le plus souvent tardifs (à partir du 5ème mois).

iHerpès virus (EHV1, AHV3 et EHV4) : les avortements sont consécutifs à une contamination par les voies respiratoires. Rapidement, une virémie à médiation cellulaire permet la dissémination du virus dans l'organisme et notamment au sein d'organes cibles tels que l'utérus. L'atteinte des cellules endothéliales qui bordent les capillaires de l'utérus gestant entraîne une inflammation nécrosante au niveau des vaisseaux et une thrombose. Le fœtus et ses annexes peuvent également être infectés par voie vasculaire. On retrouve ainsi des lésions nécrotiques chez le fœtus. L'expulsion de ce dernier est rapide et sans signes avant-coureurs chez la mère. Le diagnostic doit être rapidement établi car l'avorton ainsi que toutes les annexes constituent une source de contamination importante pour les autres animaux. L'infection à EHV4 provoque des lésions vasculaires similaires.

iArtérite virale équine : contrairement à la jument, l'avortement suite à une infection par ce virus n'a pas été décrit chez l'ânesse, que ce soit dans des conditions expérimentales ou naturelles. Ainsi, suite à l'inoculation expérimentale chez des femelles, on n'observe ni délivrance prématurée, ni anomalies macroscopiques du placenta. Tous les ânons sont nés normaux et ne développent pas de maladie consécutivement. Les analyses montrent une absence du virus au niveau du placenta ainsi que dans les leucocytes des nouveau-nés (Nelias, 2012).

iAvortement d'origine bactérienne : nous avons déjà évoqué les souches bactériennes mises en cause dans les affections de l'appareil génital femelle. Il en résulte une atteinte placentaire avec un épaississement et des ulcérations des enveloppes fœtales et une atteinte du fœtus lui-même avec un état septicémique.

iLeptospirose : les études montrent que l'âne reste sensible à cette infection puisque des anticorps anti-leptospires ont été retrouvés chez des individus mais aucun cas d'avortement n'est décrit.

iBrucellose : aucun cas d'avortement lié à une infection par Brucella abortus n'est décrit chez l'ânesse malgré une certaine sensibilité des individus à cette bactérie.

Les affections rencontrées chez la jument se retrouvent également chez l'ânesse mais l'absence de surveillance systématique des cheptels altère notre appréciation de l'incidence de ces affections. L'ânesse paraît néanmoins plus résistante que la jument à certaines atteintes.