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Pathogénie des effusions pleurales métastatiques

1. Introduction

1.4. Pathogénie des effusions pleurales métastatiques

Les études autopsiques rapportent plusieurs mécanismes dans l’apparition d’une pleurésie métastatique :

• l’invasion des vaisseaux pulmonaires à la surface de la plèvre viscérale par des emboles tumoraux, avec extension subséquente à la plèvre pariétale (principal facteur pathogénique dans les cancers pulmonaires),

• l’invasion directe de la plèvre par la croissance loco-régionnale de la tumeur primitive (néoplasie pulmonaire et mammaire),

• l’implant de métastases hématogènes de tumeur extrapleurale au niveau de la plèvre pariétale,

• et l’infiltration des vaisseaux lymphatique (45,54,55,8)

.

Même si les mécanismes cellulaires et moléculaires précis de l’apparition de métastases pleurales ne sont pas complètement élucidés de nos jours, une succession d’évènements est nécessaire pour qu’une tumeur puisse développer des métastases à distance du site primitif, notamment au niveau de la plèvre. Une fois cette séquence réalisée, la plèvre sera ensemencée de cellules tumorales et une croissance indépendante de la tumeur au sein de la plèvre apparaîtra. Ces étapes

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d’adhésion, de migration, de propagation et d’angiogénèse sont médiées par l’intermédiaire d’interaction entre les cellules mésothéliales et les cellules tumorales

(56,57)

.

Initialement, la cellule tumorale doit d’abord se détacher de la tumeur primitive.

Ensuite, elle doit adhérer et traverser la paroi vasculaire. Dès lors, elle doit migrer du vaisseau sanguin à la surface pleurale. Enfin, la croissance et la dissémination locale de la lésion métastatique nécessitent des facteurs autocrines de croissance et l’induction d’une néo-angiogénèse.

1. Plusieurs systèmes de médiateurs influencent le remodelage du stroma conjonctif pleural et la croissance de la tumeur au sein de l’espace pleural, dont notamment les systèmes de coagulation et de fibrinolyse (58,59). Au cours de toute réaction pleurale aiguë inflammatoire, quelqu’en soit l’origine, bénigne ou maligne, on observe une abrasion du mésothélium, un dépôt de fibrine en regard s’étendant de la plèvre pariétale à la plèvre viscérale, secondaire à une anomalie de l’équilibre fibrinogénèse-fibrinolyse (60). Ces lésions peuvent compromettre l’intégrité de la membrane basale et favoriser les proliférations fibroblastiques et angiogéniques. Ces dépôts de fibrine peuvent produire des effusions pleurales loculisées et des épaississements pleuraux chroniques compliquant tant des pleurésies parapneumoniques et des empyèmes que des pleurésies tuberculeuses ou malignes. La quantité de fibrine déposée au sein de la plèvre inflammatoire résulte de la balance entre la fibrinogénèse et la fibrinolyse. La fibrinogénèse survient lorsque des facteurs comme le TNF-α, le TGF-β et le Plasminogen activation inhibitor-1 (PAI-1) active la transformation du fibrinogène en fibrine par la thrombine. La fibrinolyse apparaît lorsque le plasminogène activé par le tPA dégrade la fibrine (61). Les cellules mésothéliales humaines expriment le tPA mais présente pas une activité fibrinolytique significative en raison de la production

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de PAI-1 (61). Les pleurésies parapneumoniques et tuberculeuses présentent des taux plus élevé de PAI-1 et de TNF-α comparativement aux pleurésies malignes. A l’inverse ces dernières montrent des taux de tPA approximativement 3 fois supérieurs à ceux retrouvés dans les pleurésies tuberculeuses (62,63,60,64)

. Ces facteurs expliqueraient la plus grande quantité des dépôts de fibrine et des épaississements pleuraux au sein des pleurésies infectieuses et tuberculeuses comparativement aux pleurésies tumorales.

Enfin, les récepteurs à l’urokinase ont été rapportés comme associés aux potentialités invasives des cellules malignes mésothéliales (65,66).

2. Les tumeurs produisent des médiateurs spécifiques de croissance, de perméabilité et d’adhésion. En particulier, le « Vascular Endothelium Growth Factor » (VEGF) est important facteur angiogénique qui joue un rôle primordial dans la formation de nouveaux vaisseaux et dans l’altération de la perméabilité mésothéliale (67).

3. De même, l’interleukine 8 (IL-8) est un facteur de croissance tant des cellules de mélanome que des mésothéliomes malins (68).

L’interaction entre les cellules malignes, mésothéliales et la matrice extracellulaire empêche l’organisme de contrôler les cellules tumorales, leurs croissances indépendantes et leurs fonctions au sein de la plèvre. Les pleurésies malignes dans lesquelles on identifie des cellules tumorales dans le liquide ou dans le tissu même pleural se constituent au travers de multiples mécanismes dont une augmentation de la perméabilité capillaire, un défaut du drainage lymphatique de la cavité pleurale, une rupture du canal lymphatique ou encore une invasion péricardique.

Comprendre la pathogénie des processus qui sous-tendent la greffe métastatique pleurale ne peut qu’améliorer les algorythmes de prise en charge de ces patients.

L’attache de la cellule tumorale au mésothélium pleural implique la mise en œuvre de multiples facteurs qui permettent le passage de la cellule tumorale à travers la couche monocellulaire mésothéliale vers la cavité pleurale. L’interaction entre l’acide

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hyaluronique (une protéine de la matrice extracellulaire dérivée des cellules mésothéliales) et son récepteur CD44 (exprimé à la surface des cellules tumorales métastatiques ayant un tropisme pour la plèvre) est un exemple de l’interrelation entre la cellule tumorale et la cellule mésothéliale (69,56,70,71,72,73,57)

. L’acide hyaluronique est un polymère de haut poids moléculaire composé de la répétition d’unités de polysaccharide. Il est produit en grande quantité par les cellules mésothéliales. Alors que l’acide hyaluronique de haut poids moléculaire demeure un composant relativement inactif, l’hydrolyse de celui-ci produit des fragments de faible poids moléculaire, fragments qui sont des protéines éminemment actives dans les signaux cellulaires. Plusieurs cellules cancéreuses, notamment celles issues des tumeurs mammaires, pulmonaires, ovariennes et gastriques, présentent une prédilection à métastaser au sein de la surface pleurale. Ces cellules, et en particulier les cellules de tumeurs mammaires, expriment le récepteur CD44 et ont précisément une prédilection pour le mésothélium pleural. Il a dès lors été démontré que l’adjonction d’anticorps anti-récepteur CD44 pouvait bloquer l’adhérence de la cellule néoplasique mammaire à la couche mésothéliale monocellulaire (74). D’autres auteurs ont étudié la colonisation pleurale par des cellules de mélanome et ont pu montrer que le blocage des récepteurs CD44 sur les cellules tumorales empêchait la formation de métastases pleurales (75,76). Des études similaires ont été rapportées dans le cadre du mésothéliome. Dès lors, il semble qu’une des raisons pour laquelle certaines cellules tumorales présentent un tropisme et une prédilection pour la plèvre réside dans la capacité d’exprimer des récepteurs de surface pour des facteurs tel l’acide hyaluronique produit par la cellule mésothéliale.

Il a été montré que le complexe acide hyaluronique-récepteur CD44 était internalisé dans la cellule maligne et subissait une hydrolyse. L’acide hyaluronique est ainsi fragmenté en plusieurs protéines activées de faible poids moléculaire qui peuvent alors participer au processus de transmigration de la cellule maligne à travers la plèvre. En effet, un gradient de concentration d’acide hyaluronique est de la sorte établi de part et d’autre de la couche monocellulaire mésothéliale. La cellule maligne

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peut dès lors migrer de la membrane basale du mésothélium à la surface de la plèvre -environnement riche en acide hyaluronique hydrolysé- où elle peut s’établir et proliférer. Par ailleurs, comme nous l’avons évoqué, les cellules tumorales peuvent produire une grande quantité de VEGF qui modifie la perméabilité de la couche monocellulaire mésothéliale et permet la constitution de cet environnement riche en protéines au niveau de la surface de la plèvre. Cette modification de perméabilité pleurale est également un des facteurs associés à la migration de la cellule tumorale au travers de la couche mésothéliale. Enfin, la cellule néoplasique secrète du

« fibroblast growth factor » (FGF) qui agit de manière autocrine sur les propres capacités de la cellule tumorale à migrer et à grandir. Une fois établie au sein de la plèvre, la cellule tumorale produit des facteurs dont le VEGF, le FGF et l’acide hyaluronique lui-même, facteurs qui stimulent l’angiogénèse (77,78,79). Ce processus invasif induit une protéolyse de la matrice extracellulaire, une prolifération et une migration des cellules endothéliales, ce qui permet à de nouveaux vaisseaux d’émerger des cellules endothéliales des vaisseaux existants.

Une effusion pleurale paranéoplasique se définit par une pleurésie chez un patient atteint d’une néoplasie connue pour laquelle aucune cellule tumorale n’est retrouvée tant au niveau du liquide que du tissu pleural. Ces effusions ne sont pas le fait d’une invasion directe de la plèvre par la tumeur, mais sont en relation indirecte avec la présence tumorale (80). Ces effusions paranéoplasiques regroupent :

• les obstructions bronchiques (81,82) avec pneumonie d’aval associée à une pleurésie parapneumonique,

• les pleurésies transudatives secondaires à une atélectasie ou une chute de la pression colloïdosmotique induite par la dénutrition et la cachexie,

• les chylothorax consécutifs à l’invasion du canal thoracique,

• ou encore les effets secondaires des thérapeutiques oncologiques, chimiothérapeutiques ou radiothérapeutiques,

pour ne reprendre que les exemples les plus fréquents (Tableau 5).

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Il est de première importance de déterminer la cause exacte de la pleurésie dans un contexte néoplasique puisque de celle-ci dépend non seulement le choix du traitement mais également le pronostic même de la maladie.

Etiologie Commentaires

Effets tumoraux locaux :

Obstruction lymphatique Mécanisme important de l’accumulation de liquide Obstruction bronchique avec pneumonie Effusion parapneumonique Obstruction bronchique avec atélectasie Transudat n’excluant pas

l’opérabilité de la tumeur

Poumon trappé Exsudat, extension de la

tumeur/fibrose à la plèvre viscérale avec engainement des capillaires

Chylothorax Obstruction du canal thoracique

Syndrome de veine cave supérieure Transudat, augmentation de la pression veineuse pulmonaire et systémique

Péricardite néoplasique Transudat, augmentation de la pression veineuse pulmonaire et systémique

Effets tumoraux systémiques

Embolie pulmonaire Hypercoagulabilité induite par la tumeur (adénocarcinome) Hypoalbuminémie Albumine sérique < 1.5 gr/dl ;

associé à un anasarque Complications de la radiothérapie

Précoces 6 semaines à 6 mois après

radiohérapie ; exsudat souvent enkysté

Tardives Fibrose médiastinale : péricardite

constrictive ou fibrose du canal thoracique

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Effets secondaires des chimiothérapies

Méthotrexate Pleurésie hémorragique et

éosinophilique

Procarbazine Pleurésie hémorragique et

éosinophilique ; fièvre et frisson fréquents

Cyclophosphamide Pleuro-péricardite

Mitomycine/Bleomycine Association avec une

pneumopathie interstitielle

Tableau n°5 : Physiopathologie des pleurésies paranéoplasiques

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