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IV. Fractionnement physique et chimique des métaux dans les eaux naturelles

IV.1 Partition des métaux entre les phases solides et solution des métaux

sein des sols et de la solution de sol ainsi qu’au contexte physico-chimique (Baize, 1997).

IV.1.1 Phases solides en présence

Les ETM sont présents dans le réseau cristallin des minéraux primaires du fait de leur intégration à ce réseau lors de la formation des minéraux ou du fait de leur association aux minéraux secondaires. Au cours de la pédogénèse, ces minéraux sont altérés et les ETM sont ainsi associés à différentes phases secondaires au sein des sols.

 Matière organique

Les sols forestiers sont plus riches en matière organique (MO) que les autres types de sol (Ranger et al., 2005). Les horizons de surface sont enrichis en MO du fait des apports de la litière. En effet, la minéralisation non complète des résidus organiques et des retombées de feuillage conduit à l’accumulation de matière organique en surface des sols. Les processus d’humification (transformation de la matière organique par les micro-organismes et condensation des molécules) conduisent à la formation de la matière organique des sols (Duchaufour, 2001). La MO des sols est composée de macromolécules complexes, fractionnées opérationnellement entre acide humiques et fulviques, en fonction de leur solubilité dans l’acide. Cette distinction opérationnelle ne permet pas de caractériser précisément la MO du sol. Celle-ci présente une structure complexe et des propriétés physiques (poids moléculaire, surface spécifique, propriétés optiques) variées (Tipping, 2002). Toutefois, la MO des sols possède des propriétés universelles qui lui confèrent une réactivité importante vis-à-vis des cations (Tipping, 2002). Notamment, la MO des sols possède de nombreuses fonctions hydroxyles et carboxyles. La dé-protonation de ces fonctions implique une charge négative conduisant à la complexation des cations. Différents types d’association entre la matière organique du sol et les ETM sont possibles. Des sites d’association de faibles affinités pour les ETM sont présents en grandes quantités (groupes carbonyles et acides faibles). D’autres sites, moins abondants, présentent des affinités beaucoup plus fortes pour les métaux (groupes N ou S). Les complexations s’effectuent sous formes de complexes mono-di ou tridentés (Tipping, 2002).

 Phases oxy-hydroxylées (Fe, Al, Mn)

Les oxydes sont des solides ioniques chargés négativement en surface du fait de la présence de groupement OH à leur surface. Les ETM, chargés positivement, peuvent être complexés en surface de ces hydroxydes (Sparks, 1995).

 Le complexe d’échange du sol

Le complexe d’échange du sol est constitué de la matière organique et des argiles (Duchaufour, 2001). Le complexe d’échange du sol est occupé, en fonction des caractéristiques chimiques du sol (pH en

particulier) par des protons ou cations (Ca, Na, K, Al). L’occupation du complexe d’échange renseigne sur l’état nutritif du sol. Des ETM peuvent être associés à ces complexes d’échange. Ils seront facilement mobilisables par échange avec des protons ou cations basiques.

IV.1.2 Modélisation et facteurs de contrôle

La partition des ETM entre les phases solide et la solution de sol a été largement étudiée. En effet, l’impact potentiel des ETM sur la biosphère dépend en grande partie de leur passage dans la solution de sol (Jopony et Young, 1994; Benedetti et al., 1996; Christensen et al., 1996; McBride et al., 1997; Romkens et Salomons, 1998; Sauvé et al., 2000; Sauvé et al., 2003;Tipping et al., 2003; Watmough et al., 2005; Luo et al., 2006; MacDonald et Hendershot, 2006; Pampura et al., 2007; Ponizovsky et al., 2008; Fest et al., 2008; Degryse et al., 2009).

La partition des ETM au sein des sols est contrôlée par des mécanismes de sorption et de complexation (Welp et Brummer, 1999) plutôt que par des mécanismes de précipitation. Bien que dans des sols très contaminés, des phases solides aient pu être observées (Sarret et al., 2004), celles-ci sont peu réactives et ne contrôlent pas les concentrations en ETM en solution (Degryse et al., 2009).

La partition des métaux entre les phases solides et la solution de sol peut être exprimée par un coefficient de partage simple (Kd) :

solution

d

M

Msol

K

(Eq 1. 3), où Msol est la concentration en métal dans la phase solide du sol (en mol ou g.kg-1) et [Msolution] est la

concentration dans la solution de sol (en mol ou g.l-1). Le coefficient de partage est donc homogène à une unité de volume par unité de masse, classiquement des l.kg-1.

L’application des coefficients de partage implique une isotherme d’adsorption linéaire, ce qui est vérifié dans le cas des sols faiblement contaminés (Degryse et al., 2009). De nombreux auteurs ont utilisé cette approche pour décrire le fractionnement des métaux entre les phases solides et liquides. Notamment, Sauvé et al. (2000) ont établi des Kd basés sur des données issues de nombreuses études publiées. Les sols étudiés sont très divers et les méthodes utilisées pour l’extraction des solutions de sol diffèrent largement selon les études. Les valeurs de Kd présentent ainsi une dispersion importante (Tableau 1. 3). Tableau 1. 3. Valeurs de Kd moyennes, écart type (SD), coefficient de variation (CV), médiane, minimum et maximum reportées par Sauvé et al., 2000, à partir d’une synthèse bibliographique.

De nombreux paramètres, tels que le type de sol, le niveau et le type de pollution influent sur la valeur de Kd. Toutefois, il apparait que le pH du sol contrôle de façon robuste le coefficient de partage solide/solution des ETM dans les sols (Figure 1. 4). L’effet du pH étant plus marqué pour Ni, Zn et Cd que pour Cu et Pb.

21 Figure 1. 4. Evolution des coefficients de partage solide/solution (Kd) en fonction du pH de la solution de sol (extrait de Sauvé et al., 2000).

La prise en compte de la non linéarité des isothermes d’adsorption peut être faite en utilisant une approche basée sur des isothermes de Freundlich (Stumm et Morgan, 1996; Temminghoff et al., 1997) :

n solution

sol

k

M

M

Eq 1. 4 où k et n sont les paramètres de Freundlich.

Les isothermes de Freundlich sont particulièrement adaptées aux cas de milieux adsorbant multi sites avec des affinités différentes, ce qui est le cas des sols. Il est ainsi possible d’établir des modèles basés sur la compétition des métaux et des protons pour l’adsorption sur les phases du sol, « The competitive ion model », proposé par McBride et al., (1997). Les protons étant en compétition avec les métaux pour la complexation par un ligand L (en l’occurrence la matière organique du sol), la réaction s’écrit ainsi :

LHy

ML

yH

M

(Eq 1. 5), Où M est le métal considéré, L est un ligand, et H un proton qui peut être > 1, dans le cas de ligands polyfonctionnels.

La linéarisation de la constante d’équilibre de l’Eq 1.4 (

K

 ML(H

)

y

/(M)LHy)

conduit une équation de type :

M

solution

a

bpH

clogM

sol

dlogMO

log

(Eq 1. 6). Les coefficients de ces équations sont déterminés à partir de données empiriques, par régressions multilinéaires. Ces équations permettent la prédiction des concentrations en métaux traces dans les solutions de sol à partir des paramètres du sol, ce qui est un enjeu important, puisque les études d’impact des ETM sur les sols et leurs écosystèmes nécessitent la connaissance des concentrations en ETM en solution, qui sont rarement disponibles (du fait des contraintes de l’extraction et de la mesure de faibles concentrations dans la solution de sol) et, alors que les paramètres du sol sont disponibles dans de plus nombreuses bases de données.

Ce type d’équation (appelés également fonctions de transfert) a été établi précédemment (voir notamment Sauvé et al., 2000; Tipping et al., 2003; Pampura et al. 2007; deVries et al., 2007). Les équations sont établies à la fois pour prédire des concentrations totales et en ion libre en solution à partir des teneurs totales et « réactives » dans les sols.

Les paramètres du sol les plus significatifs pour expliquer le parta solide/solution et utilisés dans les fonctions de transfert sont le pH et les teneurs en MO du sol (Sauvé et al., 2000; Tipping et al., 2003) . Les teneurs en métal total ne sont pas toujours un paramètre significatif pour la prédiction des concentrations en solution, notamment dans le cas de sols faiblement contaminés (Watmough et al., 2005). Les travaux utilisés pour l’établissement des fonctions de transfert concernent rarement des sols forestiers (Pampura et al., 2007). Par ailleurs, lorsque des sols forestiers sont étudiés, seuls des sols acides sont concernés (Römkens et Salomons, 1998; Sauvé et al., 2003).

L’utilisation des seuls paramètres du sol pour la prédiction des concentrations en solution est limitante, notamment du fait du rôle de la concentration en Carbone Organique Dissous (COD) dans la solution de sol vis-à-vis de la partition des ETM, en particulier pour Pb et Cu (Sauvé et al, 2000). Ainsi, le coefficient de

partage de Cu dans les sols est corrélé plus fortement au coefficient de partage solide /solution du carbone organique qu’au pH du sol (Figure 1. 5).

Figure 1. 5. Evolution du coefficient de partage solide/solution Kd de Cu dans les sols en fonction du pH du sol (a) et du coefficient de partage de la matière organique (b). (extrait de Degryse et al., 2009).

Ainsi, l’ajout du COD comme variable d’entrée dans les fonctions de transfert permet d’améliorer la qualité de la prédiction des concentrations totales en solution (Tipping et al. 2003). Toutefois, d’un point de vue opérationnel, les concentrations en COD dans les solutions de sol doivent être connues, ce qui n’est pas souvent le cas, puisque cela nécessite l’extraction de la solution de sol.

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