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Les parties d’oraison dans les théories grammaticales des XVII e et XVIII e siècles : faisceau de questionnements et problématiques d’analyse

Présentation des parties d’oraison aux XVII e et XVIII e siècles : de la description

IV- La description générale des parties d’oraison aux XVII e et XVIII e siècles

1- Les parties d’oraison dans les théories grammaticales des XVII e et XVIII e siècles : faisceau de questionnements et problématiques d’analyse

1- Les parties d’oraison dans les théories grammaticales des XVIIe et XVIIIe siècles : faisceau de questionnements et problématiques d’analyse envisagées

Le succès rencontré par les parties d’oraison et le calque qui en découle dans les grammaires du corpus ne doivent pas conduire à un contresens. Peut- on dire que le mode de répartition ne fait l’objet d’aucune réflexion, d’aucun accommodement ? Loin s’en faut. Le respect de ce carcan antique n’empêche nullement des questionnements et des polémiques, qui touchent plus particulièrement deux classes de mots : le participe et l’article.

Nous avons dit plus haut qu’un des reproches adressés couramment aux classes de mots concerne la difficulté à classer certaines occurrences. L’adjectif reste traditionnellement, jusqu’au XVIIIe siècle inséré dans la classe du nom, sous l’appellation de nom adjectif. S’il n’est pas confondu avec le nom substantif, il demeure cependant subordonné à ce dernier et se voit, en

114 « […] (idia ennoia). Il s’agit […] de l’élément de signification qui détermine

l’appartenance à une classe de mots. En effet chaque partie du discours est définie par « un sens particulier » : le nom par l’imposition du nom, le verbe par la diathèse, l’article par l’anaphore, le pronom par la deixis, pour prendre les exemples les plus clairs » (F. Lambert,

op. cit., p. 144). 115

C’est également la position défendue par M. Baratin (1989c) qui rend compte de la thèse de la concordance morphologique, centrale chez Apollonius Dyscole, en ces termes : « Cette conception repose sur le découpage présent dans toute la tradition artigraphique : les mots sont étudiés par catégories morphosyntaxiques (noms, verbes, participes, etc.), et la présentation de chacune de ces catégories s’effectue selon ses accidents, c’est-à-dire selon les traits qui caractérisent la catégorie concernée (genre, nombre, cas, temps, etc.) ; dans cette perspective, un mot constitue un faisceau de déterminations, ce faisceau étant l’ensemble des catégories dans lesquelles il entre. Or, dans un énoncé, chaque détermination de chaque mot apporte sa part de sens […] » (p. 234).

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conséquence, refuser toute autonomie aussi bien sur le plan syntaxique que dans le cadre général des parties d’oraison.

Le participe, parce qu’il a un statut hybride déjà dans le modèle antique, cristallise, lui aussi, bon nombre d’hésitations. A-t-il sa place parmi les verbes ? A-t-il sa place parmi les noms ? Mérite-t-il au contraire, comme chez les grammairiens alexandrins, d’être considéré comme une classe autonome ? L’article, lui non plus, n’est pas épargné. Son existence même, puis son intégration au sein des parties d’oraison, sont loin de faire l’unanimité dans notre corpus. La question sera néanmoins abordée plus tard : nous pensons, en effet, avoir suffisamment insisté dans notre introduction générale sur la nécessité de lui accorder un développement autonome116.

Quoiqu’il en soit, cette volonté de regroupement (le nom avec l’adjectif ; le participe avec le verbe ; l’adverbe avec l’interjection comme chez Régnier-Desmarais117 (1706)) ou, au contraire, de séparation, a une influence certaine sur le nombre de parties du discours, qui lui aussi fait l’objet d’un débat, qui s’inscrit dans le prolongement d’une polémique beaucoup plus ancienne.

Dans un second temps, force est d’admettre, qu’au sujet des parties d’oraison, les grammairiens ne proposent pas des analyses uniformes. La lecture des exposés du corpus fait apparaître, en effet, différentes conceptions : si les mots sont unanimement étudiés dans le cadre des parties d’oraison, ces dernières ne sont pas envisagées sous le même angle. Ainsi, certains auteurs accordent la priorité à une présentation morphologique en insistant sur la répartition des occurrences en deux sous-groupes, en fonction du critère de la variabilité. D’autres, comme nous l’avons évoqué plus haut, prennent pour point de départ le nom et le verbe dont l’association est considérée comme le centre de la proposition. Enfin, certains analysent les mots, non plus pour eux- mêmes, mais du point de vue des objets de pensée qu’ils désignent.

Nos différents objectifs d’analyse présentés au sein des deux chapitres suivants peuvent se résumer ainsi. Nous nous intéresserons tout d’abord aux différentes présentations des parties d’oraison dans notre corpus. Notre étude

116 Voir la deuxième partie.

117 L’auteur du Traité s’inscrit dans une tradition grammaticale très ancienne. L’adverbe est

déjà chez les Grecs une classe très hétérogène. L’interjection est quant à elle une invention de la grammaire latine.

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ne vise en rien l’exhaustivité : présenter toutes les analyses des grammairiens sur la question n’aurait, du reste, que très peu d’intérêt. Une telle démarche consisterait pour l’essentiel, selon nous, à un exposé répétitif et stérile. Nous lui préférons de loin l’analyse organisée et raisonnée, présentée succinctement au paragraphe précédent : les différents traitements des parties d’oraison aux XVIIe et XVIIIe siècles s’inscrivent, selon nous, selon les trois axes thématiques dont il a été sommairement question plus haut. Au sein du premier que nous pouvons qualifier de traditionnel118 (c’est-à-dire ancré dans une tradition grammaticale déjà ancienne), les auteurs s’appuient essentiellement sur l’opposition entre les mots déclinables et les mots indéclinables, pour insister sur les caractéristiques morphologiques et les subdivisions de chaque classe.

Le deuxième axe privilégie une démarche syntaxique, qui peut prendre différentes formes. Buffier (1709) et Dangeau (1754), cités précédemment, placent le nom et verbe au centre de leurs présentations. Les autres classes, parce qu’elles sont non essentielles à la construction de la proposition, sont appelées « modificatifs ». Buffier va plus loin encore en démontrant que la répartition en classes est subordonnée au rôle syntaxique de chaque occurrence. Dans une perspective bien différente, Girard (1747) choisit de présenter les différentes classes de mots dans l’ordre où elles apparaissent au sein de la phrase prototypique et relance la polémique sur le statut du participe. Enfin, la GGR de Port-Royal (1660) envisage les mots exclusivement du point de vue du service qu’ils rendent à l’expression de la pensée. Beauzée (1767) se fixe le même objectif, ce qui ne l’empêche pas pour autant de remettre en question les définitions données aux différentes classes par Arnauld et Lancelot, et plus particulièrement celle du verbe. De plus, il établit une nouvelle classification des mots qui se superpose à celle dictée par la répartition en parties d’oraison. C’est ce que nous décidons d’appeler l’approche logique des parties d’oraison.

Se pose alors la question cruciale de l’ordre de présentation de ces différentes approches. La question est de savoir si on doit, dans le cadre de la présentation générale des parties d’oraison, privilégier la dimension

118 C’est au final la proposition faite par Aristote et reprise par les grammairiens alexandrins :

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chronologique ou au contraire un aspect thématique. Les deux orientations comportent leurs lots de contraintes. La première est celle qui est généralement privilégiée dans les études, qui comme la nôtre, se proposent de rendre compte de phénomènes linguistiques, sur une période étendue. Elle permet davantage que l’autre de mettre en lumière les continuités et les ruptures théoriques dont nous avons souligné l’intérêt dès l’introduction. Ainsi, en explorant cette voie, il faudrait procéder dans cet ordre : approche morphologique – approche syntaxique – approche logique. Cependant, deux obstacles s’opposent à une telle présentation. Premièrement, le corpus supporte difficilement un découpage strictement chronologique. Les trois approches se superposent tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles. Ainsi, l’approche morphologique qui concerne surtout, il est vrai, les premières grammaires, continue d’exister au milieu du XVIIIe siècle, notamment sous la plume de Vallart (1744). Pareillement, en ce qui concerne l’approche logique, plus d’un siècle sépare la

GGR (1660) de la GG (1767). Pareillement, l’ouvrage d’Arnauld et de

Lancelot influence (notamment pour ce qui est de la définition générale du mot) des grammaires morphologiques et syntaxiques. L’ordre de présentation strictement chronologique peine donc à mettre en valeur cette continuité sur laquelle il faut nécessairement insister. Privilégier l’aspect thématique de la présentation des parties d’oraison, comme nous avons choisi de le faire, permettrait de faire figurer l’approche logique en première position et de rendre ainsi évidente les filiations que nous venons d’évoquer. Cette entreprise a néanmoins l’inconvénient de négliger la continuité chronologique : il peut sembler en effet étrange de faire figurer, au début de l’étude, la GG (1767) qui fait partie des grammaires les plus tardives et les plus complexes du corpus. Il convenait cependant de faire un choix et ce dernier nous semblait le plus motivé et le plus en accord avec notre ligne directrice définie dès l’introduction. Qu’on nous pardonne donc de privilégier l’aspect thématique aux dépens d’une approche proprement historique.

Notre second chapitre vise un objectif plus particulier, en s’intéressant à la description du nom, classe de mots en mutation au XVIIIe siècle.

Outre l’analyse des critères sémantico syntaxiques qui permettent la définition de cette partie d’oraison, nous aimerions répondre aux interrogations suivantes : quels sont les critères qui autorisent les grammairiens,

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parallèlement au nom appellatif (ou substantif), à parler de nom adjectif ? Au-delà de la contamination en genre, en nombre et éventuellement en cas subie par l’adjectif, quelles sont ses relations sémantiques et syntaxiques avec le substantif ? Par ailleurs, comment les grammairiens (Girard (1747) et Beauzée (1767)), qui au XVIIIe siècle dissocient ces deux catégories, justifient-ils, sur le plan théorique, cette séparation ?

À l’intérieur de la catégorie nominale, débarrassée ou non de l’adjectif, demeure la bipartition Nc / Np, héritée, elle aussi, des théoriciens grecs. Il ne s’agit donc nullement d’une nouveauté aux XVIIe et XVIIIe siècles. Néanmoins, il nous semble intéressant de revenir sur la description de ces deux subdivisions et sur les traits distinctifs qui les autorisent.

1-1-De la définition de la partie d’oraison dans les grammaires du corpus Nous aimerions, dans un premier temps, aborder un point de terminologie, en revenant sur les différentes appellations synonymiques des classes grammaticales, en vigueur aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les grammairiens du corpus parlent en effet indistinctement de « parties d’oraison », de « parties du discours », d’ « éléments de l’oraison » (Beauzée (1767)), de « classes de

mots » (Wailly (1759)), ou encore de « parties du langage119 » (Buffier (1709)). Fait remarquable, il n’existe pas dans le corpus de

questionnement à ce sujet : la multiplicité des terminologies n’est ni justifiée, ni remise en cause. De même, si la préférence est largement donnée à l’expression parties d’oraison, cette dernière, traduction de l’expression pars

orationis, est rarement expliquée. Régnier-Desmarais (1706) se contente, par

exemple, de rappeler son origine latine et la rapproche de l’expression « parties du discours », insinuant ainsi la proximité sémantique des deux. L’écho n’est pas anodin puisqu’il permet en effet de légitimer l’étude que l’auteur s’apprête à mener :

Dans toutes les langues chaque mot eƭt conƭidéré par les Grammairiens comme pouvant faire une certaine partie du Diƭcours ; & ƭuivant cette idée, comme la pluƭpart des Grammairiens Latins ont reconnu dans la leur huit ƭortes de mots

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L’expression parties de langage est loin d’être neutre : elle sous-entend, au contraire, l’universalité de la répartition en classes. Une telle approche s’explique par l’orientation particulière choisie par Buffer pour étudier les différentes classes de mots. Nous y reviendrons.

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d’une nature différente, ils les ont tous rangez ƭous huit classes ou diviƭions differentes, qu’ils ont appellées Parties d’Oraiƭon (p. 139).

Seul Beauzée (1767) se livre à une explication étymologique poussée :

L’Oraiƭon, dans le langage des grammairiens, c’eƭt l’exercice actuel de la faculté de la parole appliqué à la manifeƭtation des penƭées. Le mot oraison eƭt tiré immédiatement du latin oratio, formé d’oratum, ƭupin d’orare ; et orare a une première origine dans le génitif oris du nom os (bouche), qui eƭt le nom de l’inƭtrument organique du matériel de la parole : orare, faire de l’organe de la bouche l’usage naturel pour exprimer la penƭée ; oratio (oraison), l’uƭage actuel de l’organe de la parole pour l’énonciation des penƭées (tome I, p. 233).

Les « éléments » ou « parties d’oraison » s’entendent donc comme l’ensemble des éléments physiques de la parole (écrits et oraux), dictés par la pensée.

Cependant, dès lors qu’il s’agit d’analyser les différents éléments qui les composent, oraison et discours ne se recoupent pas totalement, comme le fait remarquer l’Encyclopédie, dans l’article qu’elle consacre à la première. Si l’introduction peut faire naître l’ambiguïté, le reste de la définition ne laisse pas place au doute :

ORAIʃON […], DIʃCOURS […] (ƭynonyme) Ces deux mots en Grammaire

ƭignifient également l’énonciation de la penƭée par la parole ; c’est en quoi ils ƭont ƭynonymes.

Dans le diƭcours, on enviƭage ƭurtout l’analogie & la reƭƭemblance de l’énonciation avec la pensée énoncée.

Dans l’oraiƭon, on fait plus attention à la matière phyƭique de l’énonciation, & aux ƭignes vocaux qui y ƭont employés120. […].

Le diƭcours est donc plus intellectuel ; ƭes parties ƭont les mêmes que celles de la penƭée, le ƭujet, l’attribut, et les divers compléments néceƭƭaires aux vues de l’énonciation […]121. Voyez ʃUJET, ATTRIBUT, LOGIQUE, etc. il eƭt du reƭƭort de la logique.

L’oraiƭon est plus matérielle ; ƭes parties ƭont les differentes eƭpèces de mots,

l’interjection, le nom, le pronom, l’adjectif, le verbe, la prépoƭition, l’adverbe et la conjonction, que l’on nomme aussi les parties d’oraiƭon. Voyez MOT. Elle

ƭuit les lois de la grammaire (Beauzée, Art. « ORAISON », vol. 11, p. 549). L’expression parties du discours ferait donc plus volontiers référence à des éléments qui rendent compte de l’organisation de la parole, perçue comme le reflet de la pensée. L’expression parties d’oraison serait davantage du coté de la capacité physiologique du locuteur à prononcer les différents types de mots.

120 On trouve ici la justification étymologique de Beauzée (1767).

121 C’est d’ailleurs dans une telle perspective que Dangeau évoque, au sein de son analyse sur

les parties du discours, les quatre seuls constituants que sont le sujet, le verbe, l’attribut et les « modificatifs ».

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Si les grammairiens du corpus accordent donc aux classes de mots une pluralité de synonymes, ils sont néanmoins unanimes sur leur finalité, qu’ils ne manquent pas de rappeler, dans le préambule de leurs analyses. Les mots, parce qu’ils émanent de l’entendement, servent à exprimer les pensées. Contentons-nous d’en présenter quelques-unes :

Les mots ƭont des signes instituez par les hommes pour exprimer leurs penƭées, & ƭe les communiquer les uns aux autres, ƭoit par la parole, soit par l’eƭcriture (Régnier-Desmarais, 1706, p. 137).

Rappelons que pour l’auteur de la Grammaire sur un plan nouveau (1709), « l’expreƭƭion la plus ƭimple dont on ƭe ƭerve pour indiquer les penƭées ƭ’appelle un mot » (p. 46).

La présentation de Restaut (1730) va elle aussi dans le même sens, comme en témoigne cet extrait du début du premier chapitre, qui n’est pas sans rappeler la discussion d’ordre terminologique dont il a été question plus haut :

Demande : QU’ENTENDEZ-VOUS par le mot de Grammaire ? Réponse : J’entends l’art de parler.

D. Qu’eƭt-ce que parler ? R. C’eƭt exprimer ƭes penƭées.

D. De quoi ƭe ƭert-on pour exprimer ƭes penƭées ?

R. On ƭe ƭert de ƭignes qu’on appelle mots, ou parties du diƭcours, ou parties d’oraiƭon (p. 6).

Ces définitions empruntent incontestablement certains éléments à celle de Port-Royal (1660) qui fait des mots la manifestation orale et écrite de l’entendement :

Ainƭi on peut définir les mots, des ƭons diƭtincts & articulés dont les hommes ont fait des ƭignes pour ƭignifier leurs penƭées. C’eƭt pourquoi on ne peut bien comprendre les diverƭes ƭortes de ƭignifications qui ƭont enfermées dans les mots, qu’on n’ait compris auparavant ce qui ƭe paƭƭe dans nos penƭées, puiƭque les mots n’ont été inventés que pour les faire connoître (GGR, 1660, p. 56).

De même, comment ne pas percevoir dans la définition de Beauzée (1767) cette même influence ?

Le détail de la ƭignification uƭuelle de chacun des mots d’une langue eƭt la matière d’un dictionnaire. La grammaire générale, qui n’embraƭƭe que des principes généraux et communs à toutes les langues122, doit enviƭager les mots

122 Nous reviendrons dans notre troisième partie sur cette définition de la grammaire générale

qui revendique son opposition avec la grammaire dite particulière, notamment sous la plume de Beauzée (1767).

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ƭous un autre aspect ; ƭon véritable office est d’aƭƭigner les caractères ƭpécifiques des différentes claƭƭes primitives et ƭubalternes dans leƭquelles on

les a rangés, et de trouver le fondement de ces diviƭions dans la nature et la diverƭité des fonctions communes des mots par rapport à l’expreƭƭion analytique de la penƭée.

C’eƭt l’objet propre de ce ƭecond livre, où il va être traité ƭucceƭƭivement des noms, des pronoms, des adjectifs, des verbes, des prépoƭitions, des adverbes, des conjonctions, et des interjections, qui ƭont […] les ƭeuls et véritables éléments d’oraiƭon (tome I ; p.234).

Voyons à présent comment sont présentés les différents mots, dans la tradition grammaticale des XVIIe et XVIIIe siècles, au sein des trois orientations évoquées plus haut (approche logique, approche morphologique, approche syntaxique).

1-2-L’approche logique dans la description des parties d’oraison : de Port-Royal (1660) à Beauzée (1767)

1-2-1-Ce qu’il faut entendre par « approche logique »

En guise de préambule, une précision terminologique s’impose. Nous choisissons de parler, à propos de la présentation des parties d’oraison de Port-Royal (1660) et de Beauzée (1767), d’ « approches logiques ». Il nous semble nécessaire, avant d’aller plus loin, de définir ce que nous entendons par là. L’Encyclopédie propose une définition sur laquelle nous nous proposons de nous appuyer. La Logique y est présentée comme : « L’art de penƭer juste, ou de faire un uƭage convenable de nos facultés rationnelles, en définissant, en divisant et en raiƭonnant » (vol. 2 ; p. 637).

On ne saurait pour autant, dans le cadre de la présente étude, faire l’économie de l’évocation de l’histoire de ce mot que L. Giard (1983) se propose de retracer brièvement. On sait que la logique prend sa source dans l’Antiquité. Si, ni Aristote ni Platon n’en sont à l’origine, il semble qu’ils aient largement contribué, à travers le contenu et l’organisation générale de leurs écrits, à l’émergence progressive de ce mot :

Entendue au sens strict du mot « logique » dans notre vocabulaire actuel, l’œuvre logique d’Aristote se trouve rassemblée dans un corpus de 6 ouvrages (1. Catégories123 ; 2. De l’interprétation […] ; 3. Premiers analytiques ; 4. Seconds analytiques ; 5. Topiques ; 6. Réfutations sophistiques […]. Ce corpus est appelé Organon. Prise au sens large, c’est-à-dire mise en rapport avec les domaines voisins de l’analyse de la langue, du discours et du texte, l’œuvre logique d’Aristote englobe les traités de Poétique et de Rhétorique. […]

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Ce nom d’Organon, d’un mot signifiant « instrument », est le titre donné par les héritiers d’Aristote à un ensemble de textes ayant à nos yeux pour objet la logique. Ce terme, Aristote l’emploie au pluriel (organa) pour désigner des procédés de recherche en général, « des instruments grâce auxquels nous ne serons jamais à court d’arguments déductifs » (Topiques I, 13,105 à 21). […] Quelle est l’origine de l’appellation commune de « logique » ? Sextus Empiricus, au IIe siècle, semble en attribuer la paternité au platonicien Xénocrate, responsable de l’Académie vers 340-315 avant notre ère, car ce dernier fait mention de la division tripartite de la philosophie (entre physique, éthique et logique) dont Platon aurait été implicitement la source. L’invention du mot « logique » revient-elle à Xénocrate ou celui-ci fut-il le premier à fixer un usage antérieur ? Sextus est muet sur ce point. […] En revanche, le mot est établi dans la langue des stoïciens, ildésigne l’une des parties de la philosophie