• Aucun résultat trouvé

Dernières précisions et plan pour une analyse du nom dans les grammaires françaises des XVII e et XVIII e siècles

Avant d’évoquer notre plan général, il convient d’apporter trois précisions de taille. Nous avons dit précédemment que dans les grammaires du corpus, le nom et l’adjectif formaient en règle générale une même partie d’oraison. Les auteurs concernés ont donc cette bipartition à l’esprit lorsqu’ils évoquent, sans précision particulière, la classe dans sa globalité. Cependant, dans notre étude, lorsque nous évoquerons, notamment dans notre deuxième partie, les différents classements des occurrences, c’est exclusivement ceux des Nc et des Np dont il sera question.

Deuxièmement, notre objectif d’étude ne vise nullement l’exhaustivité. Ainsi, qu’il s’agisse du Nc ou du Np, nous ne tiendrons compte que du nom prototypique. Voilà qui exclut pour les premiers, les noms composés (du type

table à repasser, une belle-sœur), et pour les seconds, les noms de titre qui

constituent des subdivisions particulières très peu étudiés dans le corpus et qui n’ont pas leur place dans une analyse qui vise la généralité.

De même, les occurrences ne seront envisagées que dans le cadre du Gn de type déterminant + N + adjectif (ou adjectif + N). Les relations sémantico syntaxiques que les noms et les verbes entretiennent, évoquées brièvement dans la première partie, nous semblent rattachées à d’autres problématiques fort éloignées de celles qui nous concernent présentement.

Enfin, le caractère bien souvent achronologique des différentes thèses proposées par les auteurs du corpus nous a incitée à privilégier, lorsque c’était

37

possible, une approche thématique aux dépends de la dimension purement historique. Ce choix méthodologique pleinement assumé peut donner au lecteur l’impression faussée que les grammaires du corpus sont traitées de manière juxtaposée, comme si elles étaient contemporaines. C’est d’autant plus vrai que certains auteurs se louent ou se contredisent nommément, alors que plusieurs décennies les séparent. Il s’agit là d’un écueil auquel nous avons voulu remédier en précisant systématiquement les dates de publication des ouvrages.

Ainsi, notre première partie intitulée (« Les parties d’oraison aux XVIIe et XVIIIe siècles : de la description des classes de mots et plus particulièrement, des noms ») permettra, à partir de la présentation des différentes présentations de la subdivision des unités grammaticales, de répondre aux questions suivantes :

- Quelle est l’utilité, et par là même, la légitimité des parties d’oraison chez les grammairiens des XVIIe et XVIIIe siècles ? Que sont-elles susceptibles de nous apprendre sur les théories générales du langage ? - Quels sont les différents traits distinctifs (sémantiques, syntaxiques et

morphologiques) qui légitiment la répartition ? Sont-ils appliqués de manière uniforme dans le corpus ? Permettent-ils de regrouper certaines parties d’oraison ?

- Dans quel ordre particulier les subdivisions sont-elles présentées ? Cet ordre est-il susceptible de varier dans le corpus ? Si oui, en fonction de quel objectif d’analyse ?

- Pourquoi le nom occupe-t-il une place centrale ? Quelles relations particulières entretient-il avec les autres parties d’oraison ? Comment les différentes subdivisions qui le concernent (nom / adjectif, Nc / Np) sont-elles justifiées ? Au contraire, sur quels critères et sous quelle présentation, l’adjectif gagne-t-il son autonomie chez deux auteurs du corpus ?

La deuxième partie (« Classements morphologiques, syntaxiques et sémantiques des noms substantifs aux XVIIe et XVIIIe siècles ») s’intéresse aux différentes subdivisions du Nc et du Np et sur les critères et les

38

justifications qui les autorisent. Elle permettra notamment de mettre en parallèle un premier modèle de répartitions purement lexicologique et un second, davantage porté sur des considérations sémantico-syntaxiques. Là encore, nous saisirons l’occasion de nous interroger sur les points suivants :

- Quels sont les intérêts et les limites du classement lexicologique, essentiellement en vigueur dans les premières grammaires du corpus ? - Sur quels critères les classements sémantico-syntaxiques sont-ils

introduits ?

- Quelles sont les différentes problématiques sémantiques liées aux noms abstraits et comment influencent-elles le relevé du corpus ?

- En dehors de cette dernière subdivision qui intéresse la majorité des auteurs, existe-t-il, aux XVIIe et XVIIIe siècles, d’autres répartitions internes à la catégorie des Nc ?

- Comment les rares répartitions des Np sont-elles présentées ?

- En définitive, peut-on légitimement parler d’une théorie uniforme et cohérente des classements des noms ?

Notre troisième et dernière partie (« La détermination des noms aux XVIIe et XVIIIe siècles : de la description de la classe des articles ») concerne plus particulièrement les relations que le nom entretient avec l’article, une autre partie d’oraison, à la légitimité parfois contestée. Dans le corpus, ce dernier est indissociable, nous l’avons vu plus haut, de la question de la déclinaison, théorie particulièrement controversée. Il s’agira dès lors de répondre aux questions suivantes :

- Quel est le rôle sémantico-syntaxique joué par cette classe dans le cadre du Gn et quelle est son influence sur les différentes acceptions du nom, dans le corpus ?

- Quelles sont les occurrences à regrouper sous l’appellation d’articles et en fonction de quels critères ? Nous verrons que ces derniers sont variables d’un auteur à l’autre. Peut-on évoquer, à travers les différentes études proposées, les prémisses d’une théorie générale, non plus seulement de l’article, mais de la détermination dans son ensemble ?

39

- D’une façon plus générale, quel est le statut accordé à l’article dans le cadre des parties d’oraison aux XVIIe et XVIIIe siècles? Celui de catégorie de l’adjectif ? Celui de particule ou au contraire celui de classe grammaticale à part entière ?

- En quoi la présence de l’article, obligatoire dans le Gn prototypique, permet-elle de défendre ou au contraire, de contester la théorie des cas, et par là même, celle de la déclinaison des noms, en français ?

- En ce qui concerne plus particulièrement le Np, quelles sont les données théoriques qui freinent sa mise en relation avec l’article ? Dans quels cas la séquence est-elle tolérée et comment cet usage est-il alors justifié ?

- Quels sont les traits qui permettent aux auteurs, qui abordent la question, de différencier la préposition du partitif ? Comment la dimension partitive est-elle explicitée ?

-

En guise de conclusion, nous croyons nécessaire d’insister sur un dernier point relatif à notre méthode de travail. Bien évidemment, les préoccupations linguistiques mises en évidence dans le corpus semblent, à juste titre, éloignées de celles que nous connaissons de nos jours. À titre d’exemple, prenons la normalisation du Gn de type [déterminant + Np], ou encore la liste définitive des huit classes de mots, au sein de laquelle les statuts de l’article et de l’adjectif ne font plus débat. Voilà la preuve incontestable que les pratiques langagières, et avec elles, les théories grammaticales qui les autorisent et les explicitent, sont en perpétuelle évolution. Une telle mise en perspective est nécessaire pour comprendre et apprécier à leur juste valeur les exposés des auteurs des XVIIe et XVIIIe siècles. Ces analyses ne doivent nullement être perçues comme des commentaires archaïques, mais comme un état des lieux des connaissances grammaticales, riche d’enseignements, établi à une période donnée. Ce dernier ne saurait faire l’objet d’aucun préjugé d’ordre qualitatif : il semble en effet évident que nous en savons de nos jours plus sur le nom et les classes de mots en général que les grammairiens des époques passées45. De

45 Si les théories sur la classe du nom et sur les parties d’oraison en général étaient restées

40

ce fait, se livrer à une comparaison systématique entre les théories de l’époque et celles qui sont actuellement mise en avant, n’a aucun sens. Pour autant, la mise en parallèle (on l’aura bien compris, non pas dans une démarche qui vise l’opposition) reste intéressante dans la mesure où elle permet de mieux comprendre les enjeux des différentes problématiques du corpus. C’est ce lien nécessaire entre le passé et le présent (qui sous-tend toute recherche dans le domaine de l’histoire des idées linguistiques, notamment par la mise en lumière de continuations et de ruptures) que nous avons voulu privilégié, en créant, lorsque cela était possible, des échos entre les centres d’intérêt des auteurs du corpus et ceux de linguistes beaucoup plus proches de nous.

42