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Caractéristiques des matières à composter

1.3.3 Partie 2 : description chimique

Cette deuxième partie est consacrée à la description des mécanismes biologiques et chimiques participant à la dégradation de la matière organique. Nous commencerons par décrire la cinétique de consommation de la matière organique puis nous expliciterons dans un second temps les divers termes de consommation et de production intervenant dans les bilans de matière (§1.3.2.1).

Cinétique de biodégradation de la MO

Les processus de biodégradation du substrat peuvent être résumés en trois étapes (Pujol 2012) (cf. Chapitre 1) :

- hydrolyse du substrat solide en phase liquide ;

- consommation du substrat hydrolysé par réaction d’oxydation des micro-organismes qui s’accompagne d’une croissance des micro-organismes ;

Trois types de cinétiques sont utilisés dans la littérature pour modéliser les différents processus de biodégradation du substrat (Mason 2006, Pujol 2012). Il peut s’agir d’une cinétique du premier ordre, d’une cinétique de type loi de Monod, ou d’une relation empirique.

L’objectif de cette étude n’étant pas de suivre l’évolution des populations microbiennes ni de détailler les nombreux mécanismes biologiques tel qu’il a été proposé par Sole-Mauri et al. (2007), nous avons exclu l’utilisation d’une loi de Monod pour modéliser la cinétique de biodégradation. De même, ne pouvant pas mesurer expérimentalement la cinétique de biodégradation du substrat (relation empirique), nous nous sommes orientés vers une cinétique de biodégradation du premier ordre en suivant le modèle d’Haug (1993). En effet, une cinétique du premier ordre a été observée expérimentalement dans le cas du co-compostage de boues avec un mélange de copeaux de bois, de paille de blé et de feuilles (Kulikowska 2016). Le modèle d’Haug (1993) a quant à lui été utilisé dans plusieurs études (Y. Wang et al. 2015, Kim et al. 2000, Zhou et al. 2014, Petric et Selimbašić 2008, J. Zhang et al. 2010) dont deux correspondaient au co-compostage de boues (Kim et al. 2000, Zhou et al. 2014).

Le modèle d’Haug (1993) est basé sur une cinétique du premier ordre par rapport à la masse de solides volatils biodégradables (BVS). La masse de BVS, mesurée par perte au feu à 550°C, représente en première approximation (Guibelin 2014) la masse de matière organique (MO) contenue dans le substrat. Le substrat à dégrader étant constitué de nombreux éléments dont chacun possède sa propre cinétique, Haug (1993) a fait le choix de simplifier le substrat en deux types de composés : les composés rapidement biodégradables (RB) et les composés lentement biodégradables (LB). D’autre part, dans l’objectif de prendre en compte l’effet de la température, de l’humidité, de la fraction volumique de gaz et de la disponibilité en oxygène, le modèle d’Haug présente une correction de la constante cinétique en fonction de ses paramètres (cf. équations (68) et (69)). Enfin, il est important de relever que ce modèle présente une cinétique globale de biodégradation du substrat sans différencier les cinétiques des trois étapes précédemment listées.

Cependant, comme le précise Zhou et al. (2014), le modèle d’Haug ne tient pas compte de l’influence des populations microbiennes sur la constante cinétique de biodégradation. Or les populations microbiennes évoluent en fonction de la température et interviennent sur la cinétique de biodégradation du substrat. Ainsi, Zhou et al. (2014) a intégré dans son modèle cinétique (basé sur le modèle d’Haug (1993)) l’influence des micro-organismes mésophiles et thermophiles sur la constante cinétique de biodégradation. Il considère notamment que seuls les micro-organismes thermophiles participent à la dégradation des composés lentement biodégradables. Les températures d’inactivation des deux types de microorganismes sont également prises en compte dans le calcul de la constante cinétique (soit T>45,5°C pour les micro-organismes mésophiles, et T>75°C pour les micro-organismes thermophiles). Cette modification du modèle d’Haug (1993) proposée par Zhou et al. (2014) a été utilisée dans nos travaux.

En utilisant une cinétique d’ordre 1 selon le modèle d’Haug (1993), les cinétiques de biodégradation des composés RB et LB contenus dans les boues et les écorces s’écrivent respectivement selon les équations (65) à (67). 𝑑𝑚𝑅𝐵𝑏𝑉 𝑑𝑡 = −𝑘𝑅𝐵𝑏. 𝑚𝑅𝐵𝑏 𝑉 (65) 𝑑𝑚𝐿𝐵𝑏𝑉 𝑑𝑡 = −𝑘𝐿𝐵𝑏. 𝑚𝐿𝐵𝑏 𝑉 (66)

𝑑𝑚𝐿𝐵𝑒𝑉

𝑑𝑡 = −𝑘𝐿𝐵𝑒. 𝑚𝐿𝐵𝑒

𝑉 (67)

où 𝑚𝑅𝐵𝑏𝑉 et 𝑚𝐿𝐵𝑏𝑉 sont les masses des composés rapidement et lentement biodégradables contenus dans les boues par unité de volume d’andain ; 𝑚𝐿𝐵𝑒𝑉 est la masse des composés lentement biodégradables contenus dans les écorces ; 𝑘𝑅𝐵𝑏 et 𝑘𝐿𝐵𝑏 sont les constantes cinétiques de biodégradation des composés rapidement et lentement biodégradables ; 𝑘𝐿𝐵𝑒 est la constante cinétique de biodégradation des composés lentement biodégradables contenus dans les écorces. Les constantes de vitesse 𝑘𝑅𝐵𝑏, 𝑘𝐿𝐵𝑏 et 𝑘𝐿𝐵𝑒 sont corrigées en fonction de l’effet de la température (𝑘𝑅𝐵𝑏,𝑇, 𝑘𝐿𝐵𝑏,𝑇 et 𝑘𝐿𝐵𝑒,𝑇), de l’humidité (𝑘𝐻2𝑂), de la fraction volumique de la phase gaz (𝑘𝜀𝑔) 35 et de la disponibilité en oxygène (𝑘𝑂2) (Haug 1993).

𝑘𝑅𝐵𝑏= 𝑘𝑅𝐵𝑏,𝑇𝑘𝐻2𝑂𝑘𝜀𝑔𝑘𝑂2 (68)

𝑘𝐿𝐵𝑏= 𝑘𝐿𝐵𝑏,𝑇𝑘𝐻2𝑂𝑘𝜀𝑔𝑘𝑂2 (69)

𝑘𝐿𝐵𝑒= 𝑘𝐿𝐵𝑒,𝑇𝑘𝐻2𝑂𝑘𝜀𝑔𝑘𝑂2 (70)

Les constantes cinétiques 𝑘𝑅𝐵𝑏,𝑇, 𝑘𝐿𝐵𝑏,𝑇 et 𝑘𝐿𝐵𝑒,𝑇, fonctions de la température, sont exprimées selon le modèle proposé par Zhou et al. (2014) :

𝑘𝑅𝐵𝑏,𝑇= 𝑘𝑅𝐵𝑏,20(𝑓𝑚𝑒𝑠𝑜(𝑇) + 𝑓𝑡ℎ𝑒𝑟𝑚𝑜(𝑇)) (71) 𝑘𝐿𝐵𝑏,𝑇= 𝑘𝐿𝐵𝑏,20(𝑓𝑡ℎ𝑒𝑟𝑚𝑜(𝑇)) (72) 𝑘𝐿𝐵𝑒,𝑇= 𝑘𝐿𝐵𝑒,20(𝑓𝑡ℎ𝑒𝑟𝑚𝑜(𝑇)) (73) 𝑓𝑚𝑒𝑠𝑜(𝑇) = {1,066(𝑇−20)− 1,21(𝑇−45,5) 0 quand 𝑇 ≤ 58,25°𝐶 quand 𝑇 > 58,25°𝐶 (74) 𝑓𝑡ℎ𝑒𝑟𝑚𝑜(𝑇) = {1,066(𝑇−20)− 1,21(𝑇−75) 0 quand 𝑇 ≤ 102°𝐶 quand 𝑇 > 102°𝐶 (75)

𝑘𝑅𝐵𝑏,20 et 𝑘𝐿𝐵𝑏,20 sont les constantes cinétiques à 20°C des composés rapidement et lentement biodégradables contenus dans les boues. 𝑘𝐿𝐵𝑒,20 est la constante cinétique à 20°C des composés lentement biodégradables contenus dans les écorces. T est la température du substrat en °C. 𝑓𝑚𝑒𝑠𝑜 et 𝑓𝑡ℎ𝑒𝑟𝑚𝑜 sont des fonctions permettant de prendre en compte l’impact de la température du substrat et du type de micro-organismes (mésophiles et thermophiles) sur les constantes cinétiques de biodégradation. Les températures d’inactivation de chaque type de micro-organismes sont notamment utilisées dans ces fonctions.

Les différents facteurs 𝑘𝑂2, 𝑘𝐻2𝑂 et 𝑘𝜀𝑔 sont décrits respectivement par les équations (76), (77) et (78) (Haug 1993).

𝑘𝑂2 = 𝑉𝑂2

𝑉𝑂2+ 2 (76)

35 𝜀𝑔, la fraction volumique de la phase gaz est notée FAS (« Free Airspace ») dans le modèle d’Haug (Haug 1993)

𝑘𝐻2𝑂 = 1 𝑒{−17,684(1−𝑥𝑀𝑆,𝑠𝑢𝑏𝑠)+7,0622}+ 1 (77) 𝑘𝜀𝑔= 1 𝑒[−23,675×𝜀𝑔+3,4945]+ 1 (78)

𝑘𝑂2 est un facteur d’ajustement pour tenir compte de l’effet de la concentration en oxygène sur la constante cinétique. 𝑉𝑂2 est le pourcentage volumique de l’oxygène dans la phase gaz, qui s’exprime en fonction des fractions massiques de la phase gaz (𝑥𝑂2,𝑔, 𝑥𝑁2,𝑔, 𝑥𝐶𝑂2,𝑔 et 𝑥𝐻2𝑂,𝑔) selon l’équation suivante : 𝑉𝑂2 = 100 × 𝑥𝑂2,𝑔 𝑀𝑂2 𝑥𝑂2,𝑔 𝑀𝑂2 +𝑥𝑀𝑁2,𝑔 𝑁2 +𝑥𝑀𝐶𝑂2,𝑔 𝐶𝑂2 +𝑥𝐻2𝑂,𝑔𝑀 𝑂2 (79)

𝑥𝑀𝑆,𝑠𝑢𝑏𝑠 est la fraction de matière sèche contenue dans le substrat. 𝜀𝑔représente le volume de gaz par unité de volume de substrat (Annexe D). Ce coefficient est calculé avec l’équation (80). Le calcul de 𝜀𝑔 est explicité en Annexe D.

𝜀 𝑔= 1 −𝜌𝑠𝑢𝑏𝑠 𝑎𝑝𝑝. 𝑥𝑀𝑆,𝑠𝑢𝑏𝑠 𝑑𝑠𝑜𝑙𝑖𝑑𝑒𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒. 𝜌𝑒𝑎𝑢 𝜌𝑠𝑢𝑏𝑠𝑎𝑝𝑝. (1 − 𝑥𝑀𝑆,𝑠𝑢𝑏𝑠) 𝜌𝑒𝑎𝑢 (80)

Dans l’équation (80), 𝜌𝑠𝑢𝑏𝑠𝑎𝑝𝑝 est la masse volumique apparente du substrat et 𝜌𝑒𝑎𝑢 est la masse volumique de l’eau. Dans ces travaux, Haug (1993) détermine la densité vraie de la phase solide (𝑑𝑠𝑜𝑙𝑖𝑑𝑒𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒) selon l’équation suivante :

𝑑𝑠𝑜𝑙𝑖𝑑𝑒𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒 = 1

𝑥𝑀𝑉,𝑠𝑢𝑏𝑠⁄𝑑𝑀𝑉𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒+ (1 − 𝑥𝑀𝑉,𝑠𝑢𝑏𝑠) 𝑑⁄ 𝑐𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒𝑠𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒 (81)

où 𝑥𝑀𝑉,𝑠𝑢𝑏𝑠 est la fraction massique de matières volatiles contenues dans le substrat. 𝑑𝑀𝑉𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒 et 𝑑𝑐𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒𝑠𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒 sont les densités réelles des solides volatils et des cendres. Selon Haug (1993) 𝑑𝑀𝑉𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒 = 1 et 𝑑𝑐𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒𝑠𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒 = 2,5.

Termes de production ou de consommation

Il reste maintenant à exprimer les termes de production ou de consommation de chacun des composés gazeux. Pour cela, nous avons fait le choix de simplifier les mécanismes réactionnels biologiques en les représentant par une seule équation de biodégradation pour chaque type de déchet : les boues et les écorces. Pour des boues d’épuration de formule 𝐶5𝐻7𝑂2𝑁 [Hyp 6], nous obtenons l’équation de réaction (82). Pour les écorces (de formule 𝐶6𝐻8𝑂4, [Hyp 6]), l’équation de réaction est donnée par l’équation (83).

𝐶5𝐻7𝑂2𝑁 + 5𝑂2→ 5𝐶𝑂2+ 2𝐻2𝑂 + 𝑁𝐻3 (82)

𝐶6𝐻8𝑂4+ 6𝑂2→ 6𝐶𝑂2+ 4𝐻2𝑂 (83)

Pour les boues :

𝑌𝑖,𝑏 =𝐶𝑜𝑒𝑓𝑖,𝑏× 𝑀𝑖 𝑀𝑏𝑜𝑢𝑒𝑠

(84)

Pour les écorces

𝑌𝑖,𝑒=𝐶𝑜𝑒𝑓𝑖,𝑒× 𝑀𝑖 𝑀é𝑐𝑜𝑟𝑐𝑒𝑠

(85)

où 𝑌𝑖,𝑏 et 𝑌𝑖,𝑒 sont exprimés en g de constituant 𝑖 par g de MO de boues ou d’écorces. 𝑀𝑏𝑜𝑢𝑒𝑠, 𝑀é𝑐𝑜𝑟𝑐𝑒𝑠

et 𝑀𝑖 sont respectivement les masses molaires des boues, des écorces et de l’espèce 𝑖 considérée. 𝐶𝑜𝑒𝑓𝑖,𝑏 et 𝐶𝑜𝑒𝑓𝑖,𝑒 sont les coefficients stœchiométriques associés à chaque espèce gazeuse 𝑖 dans les équations de biodégradation des boues et des écorces (équations (82) et (83)). Le Tableau 46 et le Tableau 47 répertorient les coefficients 𝑌𝑖,𝑏 et 𝑌𝑖,𝑒 déterminés à l’aide des équations (84) et (85).

Tableau 46 : coefficients de production ou de consommation 𝑌𝑖,𝑏 de chaque constituant 𝑖 pour la biodégradation des boues

Tableau 47 : coefficients de production ou de consommation 𝑌𝑖,𝑒 de chaque constituant 𝑖 pour la biodégradation des boues

La production (ou consommation) des gaz dissous et de l’eau est déterminée en fonction de la consommation de la matière organique (des boues ou des écorces) par les équations (86) et (87). Le diazote n’intervient pas dans la réaction de biodégradation, par conséquent 𝑅𝑁2= 0.

Pour 𝑖=O2, CO2 ou H2O : 𝑅𝑖,𝑏𝑉 = ± 𝑌𝑖,𝑏×𝜕(𝑚𝐿𝐵𝑏 𝑉 + 𝑚𝑅𝐵𝑏𝑉 ) 𝜕𝑡 (86) 𝑅𝑖,𝑒𝑉 = ± 𝑌𝑖,𝑒×𝜕𝑚𝐿𝐵𝑒 𝑉 𝜕𝑡 (87) 𝑪𝒐𝒆𝒇𝒊 masse molaire 𝒀𝒊,𝒃 (𝒈. 𝒎𝒐𝒍−𝟏) (𝒈 𝒅𝒆 𝒊 𝒈 𝒅𝒆 𝑴𝑶 𝒄𝒐𝒏𝒔𝒐𝒎𝒎é𝒆 ) C5H7O2N 1 113 O2 5 32 1,42 CO2 5 44 1,95 H2O 2 18 0,32 N2 0 28 0 𝑪𝒐𝒆𝒇𝒊 masse molaire 𝒀𝒊,𝒆 (𝒈. 𝒎𝒐𝒍−𝟏) (𝒈 𝒅𝒆 𝒊 𝒈 𝒅𝒆 𝑴𝑶 𝒄𝒐𝒏𝒔𝒐𝒎𝒎é𝒆 ) C6H8O4 1 113 O2 6 32 1,33 CO2 6 44 1,83 H2O 4 18 0,50 N2 0 28 0

Dans les équations (86) et (87), le signe « + » est utilisé pour les constituants consommés (O2) tandis que le signe « - » est utilisé pour les constituants produits par la réaction de biodégradation (CO2 ou H2O)(voir équation (82)).

Cette méthode, pour estimer les termes de production ou de consommation des espèces gazeuses, a notamment été utilisée dans deux modèles de compostage (Petric et Selimbašić 2008, Zhou et al. 2014).