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Particularités Tactiles chez les personnes avec TSA

Bien que mentionnées dès les premières observations de l’Autisme par Kanner, les études caractérisant les particularités tactiles restent encore assez rares en comparaison aux recherches sur les particularités visuelles ou auditives. En effet, celles-ci sont assez complexes à étudier, du fait de la multitude de récepteurs différents, de ses canaux neuronaux, de sa relation avec le système vestibulaire et de sa contribution au développement cognitif.

Les récits autobiographiques de personnes avec autisme mentionnent une sensibilité tactile inhabituellement aiguë ou une incapacité à moduler l’entrée tactile de nature à entraver le comportement social lorsque celui-ci implique le toucher interpersonnel (Grandin, 1992). Par exemple Temple Grandin écrit « When I was a child I craved the feeling of being hugged but then I withdrew because I was overwhelmed by the tidal wave of sensation» (Grandin 1992, p108), que l’on peut traduire par « Quand j’étais enfant, j’avais envie d’être étreinte, mais je me retirais parce que j’étais submergée par le raz-de-marée des sensations. » L’aversion au toucher social fait partie des comportement atypiques observés chez les nourrissions plus tard diagnostiqués autistes (Baranek, 1999).

Dawson et al. (2000) relatent l’observation, par des professionnels de santé, d’un enfant durant la première et deuxième année de vie. L’enfant présentait des hypersensibilités au toucher dès les 6 premiers mois, ainsi que des problèmes musculaires, moteurs, de coordination, puis des difficultés dans les interactions sociales. Toujours concernant les observations sur de jeunes enfants, Baranek et al. (1999) ont observés des vidéos, enregistrées par des parents, entre les 9ème et 12ème mois de vie de leurs enfants et ont annotés les comportements sensori-moteurs

et sociaux observés. Ils ont comparé les vidéos de trois groupes de participants : un groupe de 11 enfants avec Autisme, un groupe de 10 enfants avec des troubles du développement et le dernier groupe incluant 11 enfants avec un développement typique. Les résultats indiquent une aversion pour les toucher sociaux et l’exploration buccale d’objets plus marquée chez les enfants avec TSA que dans les deux autres groupes.

Des compléments d’informations sur les particularités de sensibilité tactile dans l’autisme seront indiqués dans le chapitre Interfaces Tactiles et Haptiques pour le Trouble du Spectre de l’Autisme

II.6 Conclusion

Les troubles sensoriels sont communs dans l’autisme mais non universels et aucun pattern de fréquence ou d’intensité ne semble émerger des différentes études. Ces troubles sont le plus souvent présents dans plusieurs modalités sensorielles, leurs fréquences et leurs intensités permettent de distinguer les individus TSA d’autres groupes cliniques. Ces troubles sont modulés par l’âge et le niveau cognitif des individus. Les capacités de coordination sensorimotrice sont impactées dans l’autisme, en particulier en ce qui concerne la motricité fine impliquant les mouvements des membres supérieurs. Au vu de l’importance du toucher dans les relations humaines et les activités de tous les jours, les troubles sensoriels tactiles et la coordination sensorimotrice manuelle sont susceptibles d’avoir une influence sur le développement de compétences sociales et d’interaction. Le développement de technologies tactiles et haptiques pourraient contribuer à améliorer la qualité de vie des personnes avec autisme. Nous abordons cette question dans le chapitre suivant.

Les interfaces tactiles/haptiques pour personnes avec

Trouble du Spectre de l’Autisme

III.1 Introduction

Le sens du toucher dans le Trouble du Spectre de l’Autisme

Une des sources de variabilité interindividuelle importante dans le Trouble du Spectre d’Autisme (TSA) se manifeste au niveau du traitement sensoriel. Selon la dernière version des critères diagnostiques reconnus internationalement (American Psychiatric Association, 2013), les particularités sensorielles font partie intégrante du syndrome. Les symptômes comportementaux observés sont des réactions atypiques ou des intérêts inhabituels envers certaines stimulations sensorielles. Ben-Sasson et al. (Ben-Sasson et al., 2009) distinguent trois profils différents : les hyper-sensibles, les hypo-sensibles et ceux qui sont en recherche de sensations. Ils se manifestent sur différents registres sensoriels, tant visuel qu’auditif ou encore tactile (Marco et al., 2011). Dans le domaine tactile, les comportements d’hypo-sensibilités et de recherche de sensations seraient fortement corrélés aux symptômes sociaux, communicatifs et de comportements répétitifs associés aux critères diagnostiques (Foss-Feig, Heacock, & Cascio, 2012).

Sur le plan tactile, il n’y a pas actuellement de consensus quant à des altérations perceptives propres au TSA. Ce sens, bien qu’essentiel, est relativement peu étudié dans le TSA (Pernon, Pry, & Baghdadli, 2007). Puts, Wodka, Tommerdahl, Mostofsky et Edden (2014) rapportent des déficits dans le traitement de l’information tactile. En revanche, Cascio et al. (2008) et Blakemore et al. (2006) mettent en évidence une sensibilité accrue chez des adultes avec TSA. Les résultats de Tommerdahl, Tannan, Cascio, Baranek et Whistel (2007) suggèrent un traitement cérébral inhabituel des informations tactiles avec des performances supérieures aux personnes typiques dans la localisation des stimulations tactiles, mais aussi une moindre adaptabilité des capacités de perception tactile. Nakano, Kato et Kitazawa (2012) montrent que des participants avec TSA avaient de meilleures aptitudes que des personnes typiques dans une tâche où il fallait transférer de l’information haptique vers le visuel. Ainsi, bien que la perception tactile soit considérée comme atypique dans les TSA, l’hétérogénéité du spectre ne permet pas de conclure quant à des déficits ou des sur-compétences perceptives (Marco et al., 2011). Il n’y a donc pas, a priori, de raisons de restreindre l’accès des personnes avec TSA aux

interactions homme-machine impliquant le sens du toucher. Bien au contraire, les recherches récentes sur les circuits neuronaux liés au toucher montrent l’existence de voies spécialisées dans l’induction de sensations plaisantes (Morrison, Löken, & Olausson, 2010). La stimulation du sens du toucher, adaptée et maîtrisée grâce à des technologies appropriées, pourrait s’avérer propice au bien-être des personnes avec TSA.

Le sens du toucher nous permet d’interagir physiquement avec notre environnement, et ce avec n’importe quelle partie de notre corps. Dijkerman et de Haan (2007) font une distinction entre le sens haptique et le sens tactile, définissant : le sens haptique comme le sens qui permet de ressentir les actions extérieurs (surtout les forces) appliquées sur notre corps, et contribuant à déterminer la position de nos membres dans l’espace auprès de notre système vestibulaire. Il existe effectivement des mécanorécepteurs ayant ce rôle. Ils sont présents dans les différentes articulations du corps, tels les organes tendineux de Golgi situés dans les jonctions myotendineuses (jonction muscle–tendon) et sont sensibles aux variations de la force contractile du muscle (Burke, Hagbarth, Löfstedt, & Wallin, 1976; Ferrell, Gandevia, & McCloskey, 1987; Goodwin, McCloskey, & Matthews, 1972) .

Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre 1, le sens tactile désigne la perception induite par le contact de notre peau avec des objets extérieurs. Il dépend de quatre types de mécanorécepteurs présents dans notre peau, nous permettant de distinguer la douleur, la chaleur, la pression ou les vibrations (Richard, Camps, & Eugène, 2013). Ces récepteurs sont reliés à différents types de terminaisons nerveuses, qui sont à adaptation rapide ou lente, et passent par la colonne vertébrale pour aboutir au cerveau, pour finalement innerver le cortex somato-sensoriel (Dijkerman & de Haan, 2007; Stillman, 2002).

Le sens du toucher, tactile ou haptique, permet, bien entendu, d’interagir avec l’environnement physique de l’individu, mais il joue également un rôle essentiel dans le domaine social. Le contact tactile, est pour l’être l’humain, un vecteur de relations sociales primordial (Bonanni, Vaucelle, Lieberman, & Zuckerman, 2006; Rochat & Senders, 1991). Dès la naissance, le bébé est touché, câliné, caressé, maintenu dans les bras, recevant ainsi ses premières relations avec autrui (de Ajuriaguerra, 1989). Tout au long de la vie, le contact tactile permet de générer des liens sociaux (Dunbar, 2010), transmettre des émotions, influencer les comportements d’autrui (Gallace & Spence, 2010), ou encore favoriser l’apprentissage (Streri & Féron, 2005). Il semble donc naturel que les sciences et technologies de l’information s’intéressent à ce sens pour développer des interfaces offrant à l’utilisateur des stimulations

tactiles et haptiques. Les interfaces homme-machine explorant le sens du toucher apparaissent comme un canal d’interaction potentiellement intéressant pour les personnes avec TSA. Le but de ce chapitre est d’établir une revue systématique de l’existant concernant les interfaces tactiles et haptiques dédiées au TSA. Ce chapitre met l’accent sur les approches de développement et les études utilisateurs effectuées

Interfaces Haptiques – Interfaces Tactiles

A travers le toucher, l’être humain peut récupérer de nombreuses informations sur son environnement (chaleur, texture, poids, etc.). Ainsi, les interfaces tactiles et haptiques peuvent servir dans différents domaines d’applications, tels que la chirurgie, l’assistance aux personnes avec handicap ou l’industrie agroalimentaire (M. H. Lee & Nicholls, 1999). Une des utilisations les plus populaires est celle remplaçant la sonnerie sur les téléphones portables. Sur le plan tactile, les interfaces font appel à des stimulations de pressions, de vibrations, de chaleur et de déformations sur des zones localisées sur la peau, par exemple sur la main, le bout des doigts ou la langue (pour plus d’informations voir Benali-Khoudja, Hafez, Alexandre, & Kheddar (2004). Dans le domaine haptique, les interfaces stimulent différentes parties du corps grâce à des dispositifs physiques dits « à retour de force », c’est-à-dire qui simulent une force de pression active ou de résistance lorsqu’on les manipule (Hayward & Maclean, 2007; K.E. MacLean & Hayward, 2008) ou requièrent un changement de position du corps de la part de l’utilisateur (pour une revue voir Varalakshmi, Thriveni, Venugopal, & Patnaik (2012)).

Dans la revue systématique de la littérature présentée ci-après, notre objectif est de décrire l’existant en matière d’interfaces tactiles et haptiques développées pour les individus avec Trouble du Spectre d’Autisme. Par interfaces nous désignons tout objet ou dispositif permettant des interactions entre différents acteurs humains ou agents artificiels (Hayward, Astley, Cruz-Hernandez, Grant, & Robles-De-La-Torre, 2004). Nous ne nous focaliserons pas sur un symptôme particulier, ni sur une technologie spécifique. Etant donné que les interfaces tactiles et haptiques pour les TSA constituent un domaine encore en émergence, nous avons opté pour une exploration assez large du domaine.