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Chapitre III: Gouvernance et contrat de destination : entre instrument et méthode de

1. Particularités de mise en tourisme autour de la thématique impressionniste

Le territoire auquel nous nous intéressons et qui a obtenu un contrat de destination s’étend des confins du sud seine-et-marnais jusqu’aux côtes du Cotentin. Est-ce pour autant une destination touristique ? Comment le contrat de destination, à sa signature, envisageait la coordination de l’action à l’échelle de ce territoire ? Ainsi dans un premier sous-chapitre nous verrons quels sont les enjeux d’une mise en tourisme d’un territoire autour de la thématique de l’Impressionnisme (1). Dans un deuxième sous-chapitre, seront analysées les modalités de gouvernance telles qu’initialement prévues dans le contrat-cadre du contrat impressionniste (2). Enfin dans un dernier sous-chapitre, il sera dressé un avancement du contrat au travers des premières réalisations du contrat depuis son lancement et des premiers retours d’expérience (3).

1. Particularités de mise en tourisme autour de la thématique

impressionniste

1. Diversité de l’offre impressionniste

La mise en tourisme de la thématique impressionniste s’appuie sur plusieurs éléments. En premier lieu elle repose sur une offre de tourisme culturel assez classique : les tableaux peints par les peintres impressionnistes que l’on retrouve dans des établissements muséaux : musée d’Orsay, Marmottan-Monet et Musée du Luxembourg à Paris, Musée des Beaux-arts de Rouen, Musée d’art moderne du Havre, Musée Eugène Boudin d’Honfleur…. A ces musées s’ajoutent les maisons d’artistes : maison de Monet à Giverny, maison-atelier de Daubigny et la chambre de Van Gogh à Auvers-sur-Oise, la propriété Caillebotte à Yerres, maison-atelier de Millet à Barbizon…. Enfin s’ajoutent les établissements retraçant l’ambiance de l’époque des impressionnistes : le Château d’Auvers-sur-Oise, le musée de l’Absinthe, le musée Fournaise, le musée de la Grenouillère... Aux établissements culturels et patrimoniaux s’ajoutent les paysages où les édifices peints par les impressionnistes tels que les boucles de Seine, la cathédrale de Rouen, l’église d’Auvers-sur-Oise, l’église et le pont de Moret-sur-Loing, la plage de Sainte-Adresse, la gare Saint-Lazare, les falaises d’Etretat, la plage de Dieppe… Enfin s’ajoutent à ces offres l’ensemble des évènements tels que les festivals (Normandie impressionniste ou des évènements de plus petite envergure comme par exemple le Bal des canotiers de Bougival) ou des produits proposés comme les croisières thématisées sur la Seine.

A la diversité des types d’offres liées à l’Impressionnisme s’ajoute une définition relativement ouverte de la thématique impressionniste. Ainsi le contrat inclut, en sus des territoires marqués par les peintres impressionnistes127,

des territoires marqués par les courants pré-impressionnistes, notamment le courant du réalisme128 et l’école des

127 Principalement marqué par les peintres Boudin, Pissarro, Degas, Sisley, Cézanne, Monet, Bazille, Morisot, Renoir,

Cassatt et Caillebotte.

peintres de Barbizon129, auxquels s’ajoutent des territoires marqués par les courants post-impressionniste130 et néo-

impressionniste131. Ainsi il existe des territoires plus ou moins marqués par le courant impressionniste et qui, par leurs

éventuels autres atouts, en ont fait un axe de positionnement stratégique plus ou moins affirmé dans le cadre de leur mise en tourisme.

Schéma du positionnement des différents territoires du contrat de destination impressionniste Réalisation : Lucas Bérard

Le schéma ci-dessus, inspiré de la carte réalisée par le Routard de l’Impressionnisme, permet de mesurer la diversité des positionnements des différents territoires du contrat de destination. L’axe des abscisses différencie les territoires possédant une offre impressionniste de ceux plutôt marqués par une offre liée aux peintres pré ou post- impressionnistes ou simplement moins marquée par le courant de peinture. L’axe des ordonnées différencie les territoires positionnés principalement sur la thématique de la peinture impressionniste (au sens large en comprenant les courants « pré » et « post ») des territoires avec un positionnement plus diversifié.

Sur ce schéma, en réalisant une analyse basée sur le critère géographique Normandie/Ile-de-France, on remarque, de manière assez générale, que deux types de répartition différents. Du coté normand, des sites où le

129 Notamment les peintres Corot, Rousseau, Millet et Daubigny

courant impressionniste au sens strict est présent très marginalement mais qui disposent d’autres atouts touristiques : la côte normande dans son ensemble. A ces territoires s’ajoutent ceux pleinement marqués par le courant impressionniste et qui en ont fait leur unique spécificité touristique à l’image de Giverny. Du côté francilien, on remarque une composition différente : des territoires marqués par des courants pré-impressionnistes (Barbizon) ou à sa limite (peinture de Van Gogh à Auvers-sur-Oise) et qui ont fait de ces courants artistiques et de ces peintres leurs spécificité touristique. De manière différente on observe des territoires franciliens possédant une offre impressionniste avérée (Paris et ses œuvres d’art par exemple) mais qui s’insère dans une offre touristique beaucoup plus diversifiée.

2. Le territoire du contrat face aux défis d’un «archipel » touristique

Le contrat de destination s’étend officiellement sur deux Régions (anciennement trois) : la Normandie et l’Ile- de-France. Face à ce vaste territoire marqué de manière différente par l’Impressionnisme, une mission d’analyse de la structuration de l’offre a été confiée à un cabinet d’étude132 fin 2015. L’étude, ayant abouti à la fin de l’année 2016, fait

ressortir une forte hétérogénéité de l’offre liée à l’Impressionnisme sur l’ensemble du territoire. En effet, le diagnostic de cette étude fait ressortir une grande diversité dans la maturité et la structuration de l’offre au sein du territoire du contrat. Le cabinet d’étude a notamment employé, pour qualifier l’offre sur les territoires d’Ile-de-France et de la Normandie, le terme d’une offre en « archipel ». Une expression qui a fait florès auprès des acteurs du contrat : « l’étude fait apparaitre qu’il y a les constellations, qu’il y a des petits archipels »133, « on avait vu dans l'étude, à un moment donné, l'histoire

des constellations.»134 et qui semble indiquer que les acteurs partagent cette vision d’un territoire à différents degrés de

développement touristique.

En effet, le territoire est constitué de points centraux de l’Impressionnisme, notamment deux sites à forte attractivité touristique que sont le musée d’Orsay et la maison de Claude Monet à Giverny. Le musée d’Orsay attire annuellement environ 3,5 millions de visiteurs depuis 2012 avec une baisse conjoncturelle suite aux attentats qu’a connue l’Ile-de-France : le musée a accueilli un peu moins de 3 millions de visiteurs en 2016 contre 3,44 millions en 2015. Parmi ses visiteurs, les étrangers représentent 63 % des visiteurs individuels, un chiffre plutôt stable d’une année à l’autre. De son côté, la maison et les jardins de Claude Monet à Giverny est le deuxième site payant normand en termes de fréquentation après l’Abbaye du Mont-Saint-Michel. En 2015, la maison et les jardins ont accueilli un peu plus de 630 000 visiteurs dont 60% d’étrangers. Ces deux lieux sont par ailleurs à la limite de leur capacité d’accueil « Etant observé au surplus, dans ce domaine de l'Impressionnisme, que les deux hauts-lieux, l'un francilien et l'autre normand: Orsay et Giverny, ne sont pas très loin de l'embolie en termes de fréquentation. »135 précise un haut-fonctionnaire de la

DIDVS.

A contrario, il existe une grande partie de l’offre touristique qui traite de l’Impressionnisme mais qui est peu structurée et peu développée et donc peu identifiée par les touristes, a fortiori par les touristes internationaux. Cette situation est notamment reconnue par les professionnels du tourisme qui reconnaissent les faiblesses des territoires sur

132 La mission a été confiée au cabinet de conseil In Extenso Tourisme, Culture et Hôtellerie, membre du groupe Deloitte. 133 Professionnelle institutionnelle yvelinoise du tourisme, Entretien n°04, réalisé de visu, 9 mai 2017.

134 Professionnelle institutionnelle seine-et-marnaise du tourisme, Entretien n°07, réalisé de visu, 18 mai 2017. 135 Haut-fonctionnaire de la DIDVS, Entretien n°13.

lesquels ils travaillent: « on ne peut pas se permettre d’avoir un musée qui est fermé la plupart du temps. »136 ou encore

« il y a effectivement les mastodontes que l'on connait parfaitement: les Giverny, les Rouen avec le festival Normandie impressionniste, Orsay etc… Et puis le tourisme en Seine-et-Marne ce n'est pas une destination impressionniste, on ne peut pas dire que l'on vient en Seine-et-Marne pour l'Impressionnisme. »137. Le contrat se déploie sur un territoire non-

homogène où les risques de divergence sont réels entre des acteurs captant déjà des clientèles touristiques internationales et ceux qui souhaitent y parvenir. Plusieurs attentes coexistent : « Ce qui nous relie, c’est qu’on a chacun quelques choses à dire sur l’Impressionnisme mais c’est totalement disparate »138 indique un acteur privé. On peut par

exemple mentionner des acteurs n’ayant pas d’œuvres mais des paysages impressionnistes, dans l’espoir d’un rééquilibrage des flux des sites fortement touristiques vers les moins visibles, « Le musée d’Orsay ce que je leur reproche, enfin pas en tant que touriste mais en tant que professionnel de tourisme, c’est qu’il y a l’œuvre mais il n’y a pas le contexte derrière et c’est dommage parce que ça serait génial (…) l’un de mes rêves c’est que quand il y a le tableau de « Marly sous la neige » de Sisley qu’il y ait une carte qui situe que Marly est à 20 minutes à peine du musée d’Orsay, qu’ils expliquent que Sisley a vécu juste là pendant un an, qu’il y ait en fait, un lien entre l’œuvre et le paysage et honnêtement je pense que sur le long terme c’est cela que l’on souhaite. »139 explique une professionnelle

institutionnelle yvelinoise du tourisme.

Face à cette pluralité d’acteurs aux attentes parfois divergentes, les risques de désaccord sur la stratégie et les objectifs que le contrat souhaite se donner peuvent exister. Ainsi pour conduire le contrat et son action, des modalités de pilotage ont été fixées dans le contrat-cadre au moment de sa signature. L’analyse de ces modalités peut nous renseigner sur la méthode de gouvernance telle qu’elle était envisagée initialement dans le contrat.

2. Les modalités de gouvernance prévues : entre nécessité de