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Le dispositif des contrats de destination : un nouvel instrument d’Etat pour l’action publique

Chapitre III: Gouvernance et contrat de destination : entre instrument et méthode de

1. Le dispositif des contrats de destination : un nouvel instrument d’Etat pour l’action publique

Aussi bien l’utilisation du contrat de destination que le recours à l’appel à projets pour en diffuser le modèle constituent des instruments de l’action publique au sens où l’entendent Lascoumes et Le Galès soit « un dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il est porteur »77. Dans notre cas, les destinataires sont les

territoires candidats à l’appel à projets. En reprenant la typologie que proposent ces deux auteurs, le contrat de destination peut être considéré comme un instrument de type conventionnel et incitatif dans lequel l’Etat est mobilisateur.

1. Le contrat de destination : un dispositif de contractualisation

Le contrat de destination est conçu comme un dispositif contractuel permettant à l’Etat de mettre en place sa « politique nationale du tourisme » et de favoriser « la coordination des initiatives publiques et privées dans le domaine

du tourisme. »78. A ce titre, le contrat de destination possède les caractéristiques des démarches contractuelles telles

qu’elles sont développées depuis le début des années 80. Gaudin identifie trois critères de forme qui précisent les modalités procédurales de ce qu’il appelle les « contrats d’action publique »79 :

 une phase de discussion sur des objectifs mêmes d’action : c’est le critère le moins prégnant des trois dans le dispositif du contrat de destination. En effet, bien qu’il soit demandé aux candidats de définir des objectifs et les principaux axes d’action, ceux-ci sont fortement orientés par la proposition de cavenas faite dans l’appel à projets qui définit 4 axes d’action : structuration/ingénierie de l’offre ; marketing et promotion ; qualité d’accueil et observation et évaluation.

 l’engagement sur un calendrier de réalisation qui s’inscrit, dans un terme moyen, entre l’annualité budgétaire et l’horizon classique de la planification. Le contrat de destination s’inscrit bel et bien dans la durée, entre 3 ans minimum et 5 ans au plus. Le contrat-cadre est complété annuellement par des conventions annuelles précisant les plans d’action et les modalités de financement.

 des contributions conjointes des parties prenantes à la réalisation des objectifs (en termes de financements ou de compétences humaines et techniques) ; le tout inscrit dans un texte d’engagement cosigné par différents participants. Dans le dispositif des contrats de destination, un tableau des contributions financières est demandé une fois la signature du contrat, de même qu’un budget prévisionnel « prévoyant les contributions financières des différents partenaires sur la durée du contrat » est requis lors de la réponse à l’appel à projets.

2. Le pouvoir normatif du dispositif

L’Etat, moins influent suite au partage de la compétence tourisme, n’a cependant pas renoncé à toute intervention et Pinson précise, en rappelant les travaux néomarxistes réalisés, que d’une manière générale : « l’intervention de l’État consiste désormais à soutenir l’offre et de moins en moins la demande. Cela passe par des politiques exigeant des individus comme des territoires qu’ils soient compétitifs »80. Dans cette logique, l’Etat se fait

moins redistributeur et cherche, au contraire, à favoriser davantage les territoires identifiés comme compétitifs. Les contrats de destination s’inscrivent parfaitement dans cette lecture de l’action de l’Etat et sont par exemple assez éloignés des dispositifs antérieurs comme les Zones de Revitalisations Rurales introduits par la LOADT de 1995 auxquels s’ajoutait le régime fiscal incitatif en matière de tourisme de la loi Demessine de 199981.

L’utilisation d’un appel à projets permet à l’Etat d’affirmer ses ambitions : accroitre les retombées économiques du tourisme ainsi que faire émerger de nouvelles destinations. Le recours à un appel à projets permet d’édicter des normes, que ce soient des critères d’éligibilité auxquels s’ajoutent des critères de sélection, sans s’imposer aux autres acteurs du tourisme, en se présentant comme un dispositif incitatif. Au vu du nombre de candidatures reçues lors du

78 « Code du tourisme - Article L121-1 », L121-1 Code du tourisme § (s. d.), consulté le 29 juillet 2017.

79 Jean-Pierre Gaudin, « Chapitre 1. L’émergence des politiques contractuelles », in Gouverner par contrat, vol. 2e éd.,

2011, 15‑36, https://www.cairn.info/gouverner-par-contrat--9782724610499-page-15.htm.

80 Gilles Pinson, « Introduction », in Gouverner la ville par projet, 2011, 9‑56, https://www.cairn.info/gouverner-la-ville-par-

projet--9782724611014-page-9.htm.

premier appel à candidatures (une quarantaine), on ne peut douter de l’attractivité du dispositif auprès des territoires et des acteurs du monde du tourisme. D’ailleurs le recours à l’appel à projets conduit les candidats à respecter au plus près les critères de l’appel puisque les territoires se retrouvent mis en concurrence entre eux pour l’obtention d’un contrat.

On peut noter que les critères présents dans l’appel à projets peuvent avoir un double objectif. D’une part ils permettent de sélectionner les projets sur une base d’évaluation commune et transparente, devant être la plus juste possible. Ils facilitent le travail de sélection et d’évaluation du comité de sélection des candidatures. D’autre part, ces critères ont un pouvoir normatif : à titre d’exemple les conditions d’éligibilité imposent la présence d’acteurs privés, aux côtés d’acteurs publics ou encore ils valorisent « le caractère exceptionnel de la destination et sa visibilité internationale ».

Enfin on remarque que le dispositif des contrats de destination permet d’inclure des territoires dans une stratégie nationale et de leur faire partager des objectifs d’une politique qui n’a, a priori de sens que dans un référentiel national. En effet, l’Etat a tout intérêt, dans sa stratégie nationale du tourisme, à vouloir capter des clientèles internationales et rééquilibrer la répartition de la fréquentation touristique sur le territoire national en faisant émerger de nouvelles destinations. En effet, les clientèles internationales lui permettent d’assurer des rentrées de devises étrangères et de diminuer le déficit de la balance commerciale française tandis que l’émergence de nouvelles destinations tend à s’inscrire dans une tradition, même si les moyens pour y parvenir peuvent sembler dérisoires, d’un Etat régulateur et aménageur du territoire. Cependant ces deux objectifs n’ont que peu d’intérêt pour les territoires des contrats. En effet, il importe peu pour les collectivités territoriales, toutes choses égales par ailleurs, que les dépenses touristiques qui sont réalisées sur leur territoire soient d’origine nationale ou internationale.

3. Définir le rôle de l’Etat dans le dispositif

Dans le cadre de l’action publique touristique, l’Etat et ses services apparaissent comme des acteurs devenus, selon les termes de Pinson « moins centraux et davantage nodaux dans les processus d’élaboration et de mise en œuvre des projets (…) »82. L’Etat est en effet moins central car le champ d’action touristique est partagé avec d’autres

collectivités. Par ailleurs, l’Etat dispose de moins de ressources (75 000€ au mieux dans le cadre des contrats) ce qui amenuise tant son contrôle et sa légitimité dans l’élaboration et la conduite du contrat. Nodaux, l’Etat et ses services le sont et à plusieurs titres : ils disposent de ressources leur permettant de rassembler des acteurs du monde du tourisme, ou de « générer les conditions d’une coopération entre ces acteurs »83. En ce sens, l’appel à projets est une

concrétisation de cette position nodale que joue l’Etat en appelant les acteurs, notamment les territoires, à travailler de concert avec les acteurs privés. L’Etat à un rôle nodal car il maitrise l’instrument que représente le contrat de destination et son déploiement au travers de l’appel à projets. Enfin, le contrat est aussi une opportunité pour redéfinir, auprès des candidats, la contribution de l’Etat : celui-ci doit être considéré comme un partenaire de premier ordre, assurant le suivi et l’accompagnement des contrats, sa participation financière devant servir dans « une logique d’amorçage ».

2. Quelles modalités de gouvernance prévues dans le