• Aucun résultat trouvé

Particularités du métabolisme azoté

CHAPITRE II : ADAPTATION METABOLIQUE DE LA BREBIS DURANT LE

2. Particularités du métabolisme azoté

2.1. Digestion des substrats azotés non protéiques

A la différence des monogastriques et grâce aux microorganismes présents dans le rumen, les ruminants possèdent la capacité de synthétiser les acides aminés à partir d'azote non protéique d’origine alimentaire ou provenant de l’urée recyclée (Payne, 1983 ; Verite et Peyraud, 1988).

36

Ce processus métabolique débute par une activité protéolytique aboutissant à la formation de l'ammoniac. L’azote ammoniacal est utilisé ensuite principalement par les bactéries cellulolytiques pour la synthèse des protéines bactériennes. Il est à noter que le principal déterminant de la quantité de protéines synthétisée dans le rumen est l’énergie disponible pour la croissance microbienne (Bach et al., 2004).

2.2. Uréogenèse et recyclage de l’urée

En cas de manque d'énergie fermentescible ou d’excès d’azote dans la ration, l'ammoniac produit dans le rumen n'est pas complètement converti en protéines bactériennes. Le surplus en ions ammonium diffuse à travers de la paroi du rumen et passe au niveau du foie, où il sera converti en urée, puis libéré dans le sang. Néanmoins, la capacité hépatique maximale de détoxification de l’ammoniac en urée est d’environ de 2 mmol/min/kg de foie. Dès que cette capacité d’uréogénèse est dépassée, l’ammoniac passe dans la circulation générale pour être distribué aux divers tissus, sur lesquels ses effets sont néfastes (Meijer et al., 1995 cités par Zhu et al., 2000).

Chez les non-ruminants, l'urée produite dans le corps est majoritairement perdue dans les urines. Cependant, chez les ruminants, il existe un mécanisme physiologique de recyclage appelé cycle azoté rumino-hépatique (Huntington, 1989 ; Bölükbaşı et al., 1989 cités par Eryavuz et al., 2008). Ce mécanisme joue un rôle important dans le maintien d’une balance azotée positive (Lapierre et Lobley., 2001) et permet à l’urée, surtout, en cas de déficit azoté de retourner dans le rumen via la salive et à un moindre degré via la paroi ruminale, où elle sera reconvertit à nouveau en ammoniac et pourra donc servir pour la croissance bactérienne (Reynolds et Kristensen, 2008). Toutefois, la valorisation de l’ammoniac par ce cycle se trouve limitée par défaut d'énergie mais aussi par un potentiel génétique limité. Par ailleurs, les apports excessifs d’ammoniac, ajoutés aux taux élevé de butyrate provoquent la diminution de la captation hépatique du propionate ; le cycle de l’urée rentre alors en compétition avec la néoglucogenèse (Jean-Blain, 2002).

2.3. Urémie

L'urée est la molécule de choix pour suivre l’évolution du statut nutritionnel azoté. L’urée sanguine est un indicateur essentiel spécifique et sensible du taux azoté de la ration et des réserves corporelles. En effet, il existe toujours une uréogenèse basale, correspondant au catabolisme des protéines de l’organisme, mais les variations majeures de la production d’urée proviennent des apports alimentaires. L’urée produite est véhiculée par le sang vers les voies

37

d'élimination (notamment les reins et la mamelle) et éventuellement de recyclage (cycle rumino-hépato-salivaire), elle est donc décelable dans le sang, l’urine et le lait (Lapierre et Lobley., 2001). La concentration d'urée dans le lait est fortement liée à l'urémie et à la concentration ruminale en ammoniac. D’ailleurs, Wolter (1992) estime que l’urée du lait constitue un autre bon indicateur du rationnement azoté; Contrairement à l’urémie qui n’apporte qu’une information individuelle, ponctuelle, perturbée par la proximité du repas, le dosage de l’urée dans le lait offre de nombreux avantages : prélèvements faciles à réaliser en plus de la possibilité d’un diagnostic de troupeau sur le lait de mélange.

Plusieurs causes peuvent être à l’origine de taux élevés d’urée dans le sang, on peut citer : l’importance des apports azotés dans la ration, le catabolisme accru provoqué par le jeûne, l’intoxication par l’urée suite à une supplémentation de la ration par l'urée (qui constituera un apport hautement fermentescible en azote) ou la sous nutrition énergétique (Ndibualonji et al., 1997). Par contre, l’urémie faible peut être observée lorsque la ration est riche en amidon, ou encore pauvre en matière azotée ou encore, selon le statut physiologique des femelles (Haddad, 1981). Ainsi, Gunter et al., (1990) rapportent des baisses significatives du taux plasmatique de l’urée aux 102ième

et 132ième jours de gestation chez les brebis gestantes comparativement aux brebis vides. A contrario, Haddad, (1981) confirme que la gestation n’a aucun effet sur l’urémie, mais que cette dernière augmente au cours du premier mois de lactation.

2.4. Protéosynthèse hépatique

Une fois les nutriments absorbés dans la veine porte, ils sont dirigés immédiatement vers le foie. Cet organe demeure le site principal d’importantes activités métaboliques indispensables, dont le métabolisme du glucose, de l’insuline, du glucagon, et des composés azotés (acides aminés, ammoniac, urée), mais aussi la synthèse de la plupart des protéines plasmatiques (albumine, lipoprotéines, fibrinogène,…). Le foie permet le catabolisme de plusieurs acides aminés et la protéosynthèse des protéines plasmatiques (Ruot, 2001). En effet 8 % de la synthèse protéique corporelle est assurée par les hépatocytes. Dans le cas des animaux producteurs de viande, les tissus de l’aire splanchnique (composés des tissus drainés par la veine porte et du foie) sont des compétiteurs importants du muscle pour l’utilisation de nutriments azotés (Kraft, 2009). Le métabolisme protéique hépatique est soumis à l’action de certains hormones telles que : le glucagon qui favorise le prélèvement des acides aminés par le foie selon un mécanisme dépendant de l’AMP cyclique et la néoglucogenèse ou encore, l’insuline qui inhibe quant à elle la néoglucogenèse hépatique (Grizard et al., 1988). En effet, il a été démontré que chez les rats recevant des régimes riches en protéines, sous l’action du glucagon, il y a une stimulation de

38

transport et de la dégradation des acides aminés par le foie (Fafournoux et al, 1982 cités par Grizard et al., 1988).

2.4.1. Protéines totales plasmatiques

Les protéines totales plasmatiques, composés organiques macromoléculaires, impliquent un mélange dérivant du foie (comprenant de l’albumine, du fibrinogène et 60 à 80% de globulines du plasma) et d’autres sources (les γ- globulines synthétisées dans les tissus lymphoïdes et les autres cellules du système réticulo-endothélial) (Raggio, 2006).

Chez les Ruminants, une augmentation de 20 % à 31 % de l’apport protéique dans la ration n’augmente ni la synthèse des protéines totales exportées par le foie ni celle de l’albumine malgré une augmentation de prélèvement hépatique d’acides aminés par le foie. Les AA captés sont donc utilisés dans d’autres voies métaboliques (oxydation en particulier) (Kraft, 2009). L’évaluation du statut protéique d’un groupe d’animaux est plus difficile que celle du bilan énergétique. Il n’y a aucun métabolite mesurable qui reflète directement le statut protéique. En conséquence, une combinaison des paramètres est utilisée, comprenant l’urée, l’albumine et les protéines totales. Le taux des protéines sériques peut refléter l'état nutritionnel ou sanitaire de l'animal. En effet, une déficience protéique surtout chez les brebis laitières est caractérisée par une modification du profil métabolique avec des taux d’urée (< 0.25 g/l), d’albumine (< 25 g/l) et d’hémoglobine (< 80 g/l) (Morgante, 2004). Une balance azotée négative durant une longue période induit une baisse de la protéinémie (Moţ et al., 2011) .

D’autre part, une diminution du taux des protéines totales et de l’albumine peut être observée lors d'infestations parasitaires par spoliation sanguine par Haemonchus contortus avec une diminution moyenne atteignant plus de 15 g/L deux à trois semaines après l'infestation, où les effets étaient plus sévères chez les animaux recevant un régime pauvre en protéines (Gonzalez et al., 2008). Des augmentations des concentrations plasmatiques des protéines totales et de l’albumine ont été observées chez des brebis allaitantes recevant 60 et 80% de leurs approvisionnement normal en eau, cette augmentation est plus intense (+20 g/L) dans les conditions de restriction sévère en eau (Ghanem et al., 2008).

2.4.2. Albumine

Les protéines totales et l’albumine reflètent la disponibilité en acides aminés provenant des protéines alimentaires et la biomasse ruminale (Chorfi et Girard, 2005). L’albumine est une protéine synthétisée dans le foie. Elle sert au maintien de la pression oncotique et à d’autres fonctions telles que le transport des hormones thyroïdiennes, les vitamines liposolubles, les acides gras libres, le calcium et la bilirubine non conjuguée, et fournisseur d’acides aminés pour

39

les tissus et les organes. Elle est aussi utilisée avec les protéines totales comme un indicateur de la nutrition protéique (Sakkinen et al., 2005). La relation directe entre l’état nutritionnel, ou plus spécifiquement l’apport en protéines, et la concentration d’albumine sérique est bien connue (Hoffman et al., 2001, cités par Caldeira et al., 2007).

L’albuminémie est bien corrélée avec le niveau nutritionnel, particulièrement avec la fraction protéique de la ration (Caldeira et al., 1999). Chez l’homme comme chez le ruminant, la synthèse d’albumine est stimulée par la prise alimentaire (Kraft et al., 2009). De même que l’adjonction de levures dans la ration permet d’améliorer l’albuminémie au cours de la gestation (Abdel Rahman et al., 2012). Lors d'un déficit d'apport protéique, il y a une chute de l’albuminémie par défaut de synthèse au niveau du foie (Lynch and Jackson, 1983ab ; VanSaun, 2009).

Par ailleurs, l’albuminémie est bien corrélée avec la protéinémie (Batavani et al., 2006 ; Bashandy et al., 2010). Elle augmente avec l’avancement de la gestation pour chuter dans les dernières semaines, suite au transfert des nutriments azotés du pool maternel vers le pool fœto-placentaire au vue des exigences importantes au cours de cette période, et à la préparation de la mamelle à la production de colostrum (El-Sharif and Assad, 2001 ; Sargison et Scott, 2010). Elle est plus élevée de la gestation que lors de la lactation ou de la non-gestation (Antunovic et al., 2001). Par contre, pour Piccione et al. (2009), elle est plus élevée en période sèche, que lors de la lactation et la gestation respectivement.

2.5. Créatinine

La créatine en se déshydratant spontanément donne naissance à la créatinine. Cette dernière est une petite molécule cyclique dont le taux plasmatique, pratiquement indépendant de l’apport protéique alimentaire reflète la masse musculaire du sujet concerné (Caldeira et al., 2007). La créatinine est synthétisée dans les reins, le foie et le pancréas et est transportée par le sang vers d’autres organes tels que les muscles et le cerveau. Elle est pratiquement indépendante de l’apport protéique alimentaire. Elle est éliminée par le rein ce qui en fait un très bon marqueur de la fonction rénale (Meziane, 2001). Haddad (1981) a montré que le taux de la créatinine est indépendant de l’alimentation, il augmente pendant la deuxième moitié de gestation et se trouve en corrélation négative avec la production laitière après le vêlage. Des augmentations pathologiques de ce paramètre sont observées, en particulier lors d’affections rénales graves ou lors d’entérites. La créatinine plasmatique est totalement éliminée par filtration glomérulaire, sans aucune réabsorption ni sécrétion tubulaire, d’où son importance dans l’évaluation du débit de la filtration glomérulaire (Safsaf., 2014).

L’hypercréatinemie selon Dias et al. (2010) serait attribuée à la mobilisation des protéines musculaires en fin de gestation et en début de lactation due à une insuffisance d’apport azoté ou

40

énergétique afin de combler un manque résultant d’une demande importante durant cette période critique du cycle reproductif de la brebis. A cette mobilisation s’ensuit un catabolisme protéique d’où une augmentation des niveaux d’urée et de créatinine, et que la capacité de filtration rénale se trouve dépassée. La créatinine est un paramètre de choix dans l’évaluation de la fonction rénale (Dias et al., 2010 ; Tabatabaci, 2012).