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Particularités des essais cliniques dans la maladie d’Alzheimer

1) Prise en charge multidisciplinaire

De part la complexité de la maladie d’Alzheimer et des critères d’évaluation de l’effet du traitement, sa prise en charge dans les essais cliniques fait intervenir de nombreux professionnels dont notamment des gériatres, des neurologues, des neuropsychologues, des radiologues des services d’imagerie et de médecine nucléaire, des Attachés de Recherche Clinique (ARCs), des infirmières et des techniciens de laboratoire. Chacun a un rôle prédéfini dans l’essai clinique. L’investigateur principal délègue une partie des activités à ces professionnels lors de la conduite de l’essai. Ainsi les médecins seront des investigateurs responsables du suivi clinique du patient ; ils auront pour activité primordiale le suivi de la tolérance au produit une fois administré. Une de leurs responsabilités est d’évaluer l’imputabilité de la relation entre un EI et le traitement à l’étude. Les neuropsychologues quant à eux seront des évaluateurs pour l’étude, ayant pour rôle principal d’administrer les différentes échelles au patient et/ou à l’aidant. La conduite d’un essai clinique dans cette indication nécessite une organisation méticuleuse et la prise en compte de la disponibilité de tous ces intervenants. Une visite d’un patient est de ce fait prévue bien en amont et l’organisation du calendrier des visites nécessite une planification rigoureuse.

2) Recrutement de patients

Plusieurs réseaux de gérontologie et de neurologues existent et regroupent les différents acteurs de la prise en charge des patients atteints de MA aux niveaux médical et social dont les principaux membres sont : le médecin généraliste coordonnateur, l’équipe médicale de l’hôpital de proximité, les médecins de ville spécialistes, les assistantes sociales, les auxiliaires médicales, les associations d’aide à domicile, les collectivités locales, un service de soins infirmiers à domicile, les associations d’aide au maintien à domicile et les bénévoles. Les patients et les aidants font appel à ce réseau, en passant tout d’abord par leur médecin généraliste coordonateur afin de mettre en place une prise en charge fluide et organisée. Un des enjeux est également le maintien à domicile dans des conditions n’entraînant pas la dégradation de l’état du patient. Il existe actuellement 124 réseaux de gérontologie répartis sur le territoire français [107].

Les CMRR proposent une prise en charge régionale adaptée aux besoins de chaque patient avec une coordination des relations avec les structures publiques, privées, les EHPAD, les consultations de proximité, les médecins généralistes, les neurologues de ville et les hôpitaux. Ils participent activement à des protocoles de recherche, notamment industriels. Le réseau Alzheimer dont le coordonateur national est le Pr Vellas du CMRR Midi-Pyrénées regroupe 18 CMRR. Un des buts de ce réseau est de permettre l’accès des différents CMRR aux nouveaux essais cliniques pour un accès homogène des patients aux innovations thérapeutiques. Le Centre national de gestion des essais de produits de santé (Cengeps)

83 soutient ce réseau. La Fédération nationale des CMRR dont le coordonateur national est le Pr Dubois de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière regroupe 28 CMRR. Les patients, familles et associations de patients sont impliqués dans l’activité des CMRR. Les consultations mémoire sont un autre pilier dynamique pour la recherche clinique agissant en association avec les CMRR. Elles peuvent être hospitalières, dans les CMRR ou de ville. L’Observatoire National de la Recherche sur la maladie d’Alzheimer (ONRA) tient à jour un registre des essais cliniques sur la MA. Il envoie de plus tous les 2 mois une lettre d’information personnalisée pour chaque CMRR précisant les différents essais cliniques en cours et futurs dans la région afin d’optimiser le recrutement de patients dans des essais cliniques au niveau national. Un dossier informatisé commun aux CMRR est en place notamment afin d’évaluer l’activité de ces structures.

Le recrutement de patients dans des essais cliniques dans la maladie d’Alzheimer peut poser des difficultés : patients à des stades trop avancés, sous-diagnostic de patients à des stades précoces, sous référencement de patients aux stades précoces de la MA, critères d’éligibilité et procédures de l’étude, nécessité d’avoir une structure et une équipe d’une capacité suffisante et organisée…

La Banque Nationale Alzheimer (BNA) a été créée suite au plan Alzheimer 2008-2012 afin de mesurer l’activité des CMRR ou encore des consultations mémoire et ainsi permettre un suivi épidémiologique des patients. L’interface informatique Calliope, conçue par le CMRR de Nice, est un outil permettant de saisir les consultations informatiquement et est en lien avec la BNA. Calliope est un outil important pour le recrutement de patients dans les essais cliniques et une généralisation de son utilisation serait à déterminer.

Différents outils peuvent être proposés par les promoteurs afin de faciliter le recrutement, notamment à des stades précoces de la maladie d’Alzheimer : un site internet d’information destiné à la population générale précisant un contact du centre de recherche le plus proche, des posters dans les salles d’attente, des fiches d’information sur les procédures IRM, TEP et ponction lombaire, des fiches récapitulant les principaux critères d’éligibilité et envoyées par emails aux médecins de la région…

3) Présence d’un aidant

Conduire un essai clinique avec un patient atteint de maladie d’Alzheimer n’engage pas uniquement ce dernier. Ainsi sa famille et ses proches ont un rôle primordial à jouer dans l’essai clinique. Le patient, de part ses troubles de mémoire, a besoin du support de son entourage pour la bonne conduite de l’essai. La présence d’un aidant passant plusieurs heures par semaine au contact physique du patient est indispensable, afin de pouvoir suivre l’évolution du patient et pouvoir faire un bilan le plus fiable possible à l’équipe médicale. L’équipe médicale a elle aussi un rôle très important dans la prise en compte des aidants dans la conduite de l’essai. Les aidants doivent être formés de manière adéquate et suivis pour limiter au maximum toute survenue de comorbidité. La présence requise des aidants à

84 plusieurs visites du patient inclus dans un essai clinique à l’hôpital peut être complexe pour l’aidant, notamment pour les aidants actifs pour lesquels il faut associer vie professionnelle et visites régulières à l’hôpital avec les patients pendant plusieurs heures (se référer à la partie III/ Pistes d’amélioration des essais cliniques dans la maladie d’Alzheimer).

4) Nombreuses échelles neuropsychologiques

Comme le précise la recommandation de l’EMA, il est nécessaire que les évaluateurs des échelles dans le cadre d’essais cliniques soient suffisamment formés [55]. La multiplicité des échelles utilisées dans les essais cliniques permettant de mesurer l’évolution sur plusieurs domaines nécessitent d’obtenir des certifications, notamment dans le but de garantir l’homogénéité des résultats entre centres et pays et un niveau de qualification identique (se référer à la partie III/ Pistes d’amélioration des essais cliniques dans la maladie d’Alzheimer). Une adaptation par rapport à la pratique courante est également demandée pour les évaluateurs ; ainsi le plus souvent des échelles différentes sont utilisées dans la pratique courante, moins longues à administrer. De plus en plus d’essais cliniques requièrent que certaines échelles, comme l’échelle d’état clinique global CDR, soient administrées par un évaluateur en aveugle des autres évaluateurs en charge des autres échelles. Le terme « en aveugle » signifie que l’évaluateur de la CDR n’aurait pas accès aux résultats des autres échelles et ne serait de ce fait pas influencé par les résultats obtenus sur les autres échelles. Les protocoles d’essais cliniques ont de plus pour recommandation qu’un même évaluateur suive un patient pour une échelle donnée pendant toute la durée de l’étude.

5) Contraintes du suivi

Une visite d’un patient inclus dans un essai clinique dans la maladie d’Alzheimer comprend plusieurs parties faisant intervenir plusieurs membres de l’équipe soignante dont les principales sont : le suivi clinique avec un investigateur, l’administration d’échelles avec les neuropsychologues ou des investigateurs, la réalisation d’une ponction lombaire avec des infirmières ou des investigateurs, des prélèvements sanguins avec les infirmières, la réalisation d’une IRM et d’une TEP avec des radiologues. Ces procédures doivent le plus souvent être réalisées dans un ordre bien précis pour limiter la variabilité des résultats. Ainsi par exemple les examens invasifs type ponction lombaire ou encore l’administration du produit doivent être réalisés en fin de visite, après l’administration des tests neuropsychologiques, afin de ne pas biaiser les réponses données aux tests à cause entre autres du stress. L’enjeu de l’essai clinique est de répéter les examens sur une période prolongée afin de déterminer l’effet du traitement sur l’évolution des fonctions cognitives, des capacités fonctionnelles et du statut clinique général. Un engagement du patient et de l’aidant sur le long terme est donc essentiel, dans la mesure où il n’y a pas de problème de tolérance significatif.

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III. Pistes d’amélioration des essais cliniques dans la maladie d’Alzheimer

– Expérience des investigateurs