• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 : RECENSION DES ÉCRITS

1.2. LES ÉVÉNEMENTS FESTIFS MAJEURS : UN PHÉNOMÈNE EN CROISSANCE

1.2.4. Les particularités du contexte événementiel et des enjeux de sécurité

Selon Müller (2015), les méga-événements sont « des occasions ambulatoires d’une durée fixe qui attirent un grand nombre de visiteurs, ayant une portée médiatique importante, entraînant des coûts élevés et ont des impacts importants sur l’environnement bâti et la population » (p.638, traduction libre). Suivant cette définition et la littérature, on peut identifier cinq dimensions spécifiques au contexte événementiel : économique, sociale, politique, médiatique et de la sécurité. Selon Diaz (2003, 2009), les enjeux attachés à une manifestation peuvent considérablement compliquer les choses en termes de sécurité. Ainsi, la connaissance de ces enjeux par les

2 L’incident de la Love Parade de Duisbourg fait référence à une bousculade qui a causé la mort de 21 personnes

28

organisateurs entraînera nécessairement des conséquences sur l’organisation de la sécurité de l’événement.

La dimension économique

Selon Ritchie (1984), les impacts économiques retiennent manifestement une grande attention de la part des personnes concernées par l’évaluation des coûts et des bénéfices associés à un événement particulier. Pendant des années, dans le cadre des événements festifs, les budgets en matière de sécurité étaient très faibles, mais ils sont maintenant considérés comme beaucoup plus importants (Diaz, 2009). En effet, la sécurité des personnes est devenue la priorité pour les événements festifs et a un coût qui peut parfois atteindre des proportions considérables, comme le démontre l’exemple du Paléo Festival qui s’est vu recevoir une hausse des coûts pour la sécurité de ses sites après les attentats de Paris en 2015 (Khoury, 2016). De plus, au Canada, le PDG du FAME, Martin Roy, rapporte qu’il y a une hausse d’environ 60 % des frais de sécurité au niveau de ses adhérents au cours des cinq dernières années et que la part la plus importante de ces coûts serait liée à l’embauche d’agents de sécurité privés sur les sites des événements (Gorrand, 2018).

La dimension sociale

Bien que les impacts économiques d’un événement soient les plus souvent rapportés, il ne faut pas ignorer la création d’emplois par l’événement qui est considérée comme un impact positif tout aussi important (Ritchie, 1984). En ce sens, la dimension sociale reliée à la sécurité des événements festifs concerne le nombre d’employés issus de la fonction publique et des agences de sécurité privée qui sont mobilisés pour la tenue de ces événements. Au Québec, Chamard-Bois et Proulx (2014) rapportent que, pour l’ensemble des 237 organisations qui ont répondu à leur sondage, elles embauchent annuellement 6 867 employés, ce qui constitue un impact social important de ces événements. Pendant le FEQ, c’est environ 450 responsables de la sécurité qui sont mobilisés chaque soir pour veiller à la sécurité du public, sans compter les effectifs policiers présents dans la Capitale Nationale durant ces soirs (FEQ, 2018b).

La dimension politique

Ritchie (1984) explique que les impacts politiques peuvent être examinés selon deux niveaux (micro et macro), où les effets les plus considérables se situent au niveau macro. En fait, la dimension politique survient lorsqu’un règlement ou une loi en lien avec la sécurité des événements festifs est imposé par le gouvernement. À titre d’exemple, le gouvernement français a

29

appliqué la loi de programmation et de sécurité du 21 janvier 1995 qui a responsabilisé juridiquement les organisateurs de ces manifestations, en les obligeant, lorsque la manifestation accueillait plus de 1 500 personnes, à assurer un service d’ordre et la sécurité du public et des participants (Diaz, 2013). D’ailleurs, les enjeux politiques sont encore plus prédominants lorsque l’événement présente des enjeux économiques et de sécurité importants : l’État fait peser de lourdes charges sur les organisateurs et exige des réponses pour que les incidents ne se produisent pas.

La dimension médiatique

Selon Viot (2013), la médiatisation constitue un des opérateurs de production parmi d’autres de l’assemblage qui lie le territoire événementiel et ses acteurs. Ainsi, la question de la sécurité constitue un thème récurrent dans les discours médiatiques relatifs à l’organisation de tels événements. Ce phénomène s’appuie sur une diffusion médiatique importante, surtout lorsqu’un incident majeur survient au cœur de l’événement. En ce sens, Trebisacci (2008, cité dans Jones, 2013) soutient qu’un événement très médiatisé avec un grand nombre de personnes constitue une cible potentielle pour les terroristes, comme ce qui a été observé lors du marathon de Boston en 2013.

La dimension de la sécurité

Comme il a été dit dans la partie introductive de cette section, les enjeux de sécurité reliés aux événements festifs majeurs se retrouvent un peu partout en interdépendance avec les autres enjeux susmentionnés. En effet, que ce soit par les impacts économiques et sociaux liés à la sécurité de l’événement, par les risques qu’entraîne le tourisme, par les différentes politiques imposées par l’État ou encore par l’importante médiatisation de ces événements, les enjeux de sécurité se retrouvent partout. La dimension de la sécurité prend une telle place qu’elle motive la compétition et la répartition des pouvoirs, mais elle entraîne également l’adoption de stratégies pour arriver à travailler ensemble et responsabiliser les autres (Diaz, 2013). Par ailleurs, Girard (2017) raconte que les enjeux de sécurité sont propres à la nature des manifestations festives et que leur gestion doit tenir compte de ses deux principales caractéristiques, à savoir la gestion de la foule dans un espace-temps éphémère. De ce fait, les enjeux de sécurité d’un méga-événement obligent les acteurs privés et publics à planifier des procédures de sécurité et de protection, comme il a été présenté un peu plus haut (Jones, 2013). Par ailleurs, l’étude de Viot, Pattaroni et Berthoud (2010) confirme l’idée que « les enjeux de la gestion de la sécurité d’une grande manifestation se jouent

30

non seulement à l’échelle des dispositifs discursifs et pratiques qui la légitiment et l’encadrent, mais aussi à l’échelle des corps engagés et des émotions qui les animent » (p.3). Dans cette perspective, le travail policier se conçoit dans un entre-deux particulier où les policiers doivent à la fois accueillir et contrôler des personnes et des foules dans des états non prédictibles (alcool, drogues, etc.). En fait, cela correspond à une double mission contradictoire qui implique une modification profonde des formes d’intervention de la police. En d’autres mots, les interventions font maintenant appel à des notions comme celles d’accueil et de dialogue, mêlées aux figures plus classiques de la dissuasion et de la répression, ce qui suscite parfois le désarroi des policiers (Viot, Pattaroni et Berthoud, 2010). Il s’agit donc de trouver un équilibre entre l’application de la loi et le laisser-faire, tout en contrôlant les divers trafics (billets, stupéfiants, etc.) (Diaz, 2009).

31