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Participer à une diversité économique

L’ANALYSE DES RESULTATS

4.1 L’analyse descriptive

4.1.2 L’alternative comme modèle de développement endogène

4.1.2.1 Participer à une diversité économique

autonomie principalement alimentaire et énergétique. Bien que certaines personnes voient dans leur mode de vie une certaine marginalité sur ces aspects, les habitants de La Martre – Cap-au- Renard et certains acteurs institutionnels nuancent cette marginalité en spécifiant certains points communs entre les différents modèles de vie et en soulignant l’apport de leur action pour l’innovation locale.

4.1.2 L’alternative comme modèle de développement endogène  

Faisant face à une population vieillissante (âge médian de 45 ans en 2006 (Statistique Canada, 2006)), à un niveau économique bas (revenu médian de 17 566$ en 2006 (Statistique Canada, 2006) ; aucune industrie locale) et un taux d’inactivité représentant 145 personnes sur une possibilité de 235 personnes (Statistique Canada, 2011), le village de La Martre – Cap-au- Renard correspond à ce que l’indice de « défavorisation » (Jean, 2006) qualifie de communauté dévitalisée (73,1 % de la population de la Haute-Gaspésie se trouve dans le quintile le plus défavorisé au Québec en 2001 (Emploi et Solidarité Sociale, 2005)). En outre, certaines caractéristiques telles qu’un conseil municipal ayant connu quelques difficultés (mise sous- tutelle d’avril 2012 à octobre 2012 (Fournier, 2012) et un solde migratoire de – 3 % entre 2006 et 2011, principalement du fait de l’arrivée de jeunes et de jeunes familles (Gélinas, 2014)), donne à ce village un caractère original. Face à cette collectivité représentant une ruralité typique en crise en termes socio-économiques et socio-démographiques, un regard plus approfondi permet de voir que la crise n’est pas stagnante ; elle est nuance par des dynamiques locales et plurielles. Pour les habitants interrogés, cette crise prend trois formes. En premier lieu, crise économique ; en deuxième lieu, crise politique ; et finalement, une crise communautaire. Se pose alors la question, de la place ou du rôle que l’éco-hameau peut avoir dans cette communauté élargie.

4.1.2.1 Participer à une diversité économique  

Le village de La Martre – Cap-au-Renard est représentatif de la réalité de l’économie des régions ressources (peu diversifiée et dépendante de l’extérieur). Face à la dépendance économique du milieu, pour la quasi totalité des répondants (sauf un), le développement

économique de la région doit miser sur le développement de petites et moyennes entreprises locales. Autant pour les gens de l’éco-hameau que pour le reste de la population (citoyens et acteurs traditionnels), le développement de la Haute-Gaspésie doit se baser davantage sur le modèle de la petite entreprise issue du territoire que sur la venue de grandes entreprises de l’extérieur ;

« la micro-entreprise de 1-2-3 employés allant jusqu’à 20. Les petits projets, petit train va loin. Il y a plus de création d’emplois sur le long-terme que les méga projets. Ça fait des gens plus fiers qui ont créé eux-mêmes leur entreprise et c’est des gens qui mettent du temps » (R250 : 3).

Le Hameau-18 est porteur et acteur de cette vision du renforcement économique par la multiplication de petites entreprises.

Au niveau du territoire, manquant d’exemples de coopérative, le Hameau-18 a permis la mise en place de la Coop-du-Cap : « c’est sûr qu’avoir le modèle d’une coop qui fonctionnerait bien, ça permet de véhiculer cette valeur-là que, tout le monde, on peut travailler ensemble » (R360 : 4). Cherchant à créer des emplois à proximité de leur milieu de vie, les membres, en collaboration avec d’autres habitants de La Martre-Cap-au-Renard ont développé une coopérative de solidarité fonctionnant sur le mode des projets ; c’est-à-dire « chacun est responsable de son projet, de ses budgets et vient en débattre au CA et on voit la cohérence de tout ça » (R110 : 1). Stimulant le monde de l’innovation territoriale, l’implantation du Hameau- 18 a aussi permis à plusieurs de ses membres de partir en affaire avec des petites entreprises. Cependant, pour une personne de la population extérieure, il importe de faire la distinction entre les entreprises et l’éco-hameau : « la Coop-du-Cap, le Café, les Algues, c’est un autre affaire. L’éco-hameau, c’est une place pour vivre, pas pour faire des business non plus » (R250 : 4). Dans ce sens, il est possible de nuancer que le Hameau-18 n’est pas une innovation économique dans le sens qu’en soit, le Hameau-18 ne crée aucune ressource monétaire. Néanmoins, les initiatives émergeant de cette structure telle que la coopérative de solidarité et les entreprises d’affaires ou culturelle sont des initiatives économiques locales. Face à cela, nous pouvons dire que l’éco-hameau sert de lieu d’émergence ou d’incubateur à l’innovation.

Toutefois, l’expertise développée par les membres de l’éco-hameau place le projet au cœur d’un accroissement de pouvoir individuel sur le développement local. Pour plusieurs, les membres du Hameau-18 sont une référence au niveau agricole et l’éco-hameau devient un lieu propice pour trouver de l’aide et répondre à des problèmes dans ce sens : « il y avait toujours quelqu’un pour me donner un coup de main. Pour répondre à un problème que j’avais chez nous. Ça aussi, c’est des petits gestes mais qui sont difficiles à quantifier » (R360 : 5).

« ne serait-ce [que] le fait que plusieurs personnes se sont mis ou remis à faire leur jardin, leur compost, juste le fait de voir que, nous, on fait pousser plus que patate, carotte, navet. Juste nos voisins d’en face, ils se sont mis à en faire un petit peu plus. Ce rayonnement-là, cette prise en charge là des gens de leur jardin, de leur alimentation » (R110 : 19),

Le projet d’éco-hameau permet, d’une part, la transmission ou la revalorisation de certaines valeurs, et d’autre part, de renforcer l’autonomie individuelle que certains appellent l’empowerment. Que ce soit un échange sur le fonctionnement d’habitat collectif ou encore sur les modes de communication, autre que le niveau alimentaire, l’expérience de la gestion consensuelle a permis à certains membres de l’éco-hameau d’apporter un soutien à la mise en place d’autres projets collectifs sur le territoire (R170 ; R310)19.

Finalement, la population de La Martre – Cap-au-Renard encourage le développement économique par de petites et moyennes structures locales. Par l’entremise de la coopérative la Coop-du-Cap et de ses petites entreprises localisées dans le Hameau-18, le projet collectif de Cap-au-Renard s’inscrit dans la vision locale de l’économie et valorise l’expertise et l’innovation locale.

      

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Quelques projets sur le territoire (projet d’habitat collectif à Mont-Louis et projet de micro-brasserie à St-Anne- des-Monts) ont, lors de leur mise en place, consultés formellement ou informellement les membres de Hameau-18 sur la gestion collective. (« Il y a un projet de micro-brasserie à St-Anne, et quelques membres d’entre nous ont partagé des outils de communication » (R170 : 5) : « Il y a aussi peut-être une solidarité en tant que personnes qui ne vivent pas à Saint-Anne-des-Monts. Il y a une espèce d’échanges de connaissances. Les gens de Hameau-18 comme le projet de Mont-Louis ont une vision commune aussi à quelque part. » (R310 : 4). )

4.1.2.2 Participer à l’accroissement du pouvoir local  

Une autre crise, cette fois particulière à la municipalité de La Martre – Cap-au-Renard, est une crise politique. Selon Dionne et Klein (1995), il est indispensable de renforcer le milieu territorial pour lutter contre la dégradation sociale. Pour Fournis (2012), cet investissement social doit passer par les actions politiques qui s’articulent entre l’État et ses instances et les actions collectives. Néanmoins, la municipalité de La Martre – Cap-au-Renard a surtout été connue pour les dysfonctionnements de son conseil municipal. Cette ambiance non participative, démobilisant voire agressive, remet en doute le pouvoir de la municipalité à chapeauter le développement de sa communauté élargie. Le niveau municipal est considéré comme n’ayant « aucun espèce de pouvoir » (R210 : 1) vu qu’ « il n’y a tellement pas de marge de manœuvre. C’est finalement gérer des rues, du déneigement et des chicanes de villages » (R220 : 1). Cependant, la principale cause du manque d’investissement au conseil municipal est liée à la « politicaillerie » (R150). Après les conflits internes, plusieurs considèrent que :

« Ça ne m’a pas donné envie non plus d’être conseiller. C’est extrêmement ingrat comme tâche. Ces personnes-là font vraiment du bénévolat et les citoyens ne se gênent pas pour chialer ou s’en prendre personnellement aux gens. Souvent, il y a un peu le climat de tribunal où les conseillers se font juger et attaquer par les gens. Ça a brassé les dernières années à partir de l’histoire des lampadaires et tout ça. C’est un peu comme si les gens accusent les conseillers de mal faire leur job. Et les conseillers s’expliquent là publiquement, et il manque de dialogue » (R160 : 2).

Si le conseil municipal ne semble pas apte pour certains à assurer le développement endogène, l’action citoyenne pour sa part est perçue comme relativement efficace. Par le biais de la Coop-du-Cap, un projet de compostage a été porté par les citoyens. Proposant le compost à la maison plutôt que par des bacs qui nécessiteraient par la suite un transport vers les grands centres, la Coop-du-Cap a permis la mise en place d’un projet de compostage à La Martre – Cap- au-Renard, une initiative où le compost non utilisé par les particuliers est récupéré par la Coop- du-Cap et l’éco-hameau pour les jardins collectifs (R120 : R220). Dans ce projet, les citoyens,