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Les écovillages : une communauté néo-rurale

L’ETAT DE LA SITUATION ET LA PROBLEMATIQUE

1.2. État de la question

1.3.1 Les écovillages comme développement endogène

1.3.1.2 Les écovillages : une communauté néo-rurale

société, ne serait-ce que par leur volonté de changement social et par le renforcement des liens sociaux qui encourage la définition d’une identité collective (Ergas, 2010 ; Cattaneo, 2013). Selon la définition de Schehr (1997), les écovillages prennent part dans un mouvement social puisqu’ils questionnent les institutions, l’organisation sociale et la culture de l’autorité, tout en redéfinissant le droit à la propriété (Ergas, 2010). L’action quotidienne devient donc par elle- même un acte politisé, puisque le modèle démocratique interne diffère du modèle de démocratie représentative dominant (Silvestro, 2005a). L’action émerge d’une volonté de se définir en tant qu’acteurs et, au fur et à mesure, l’action encourage la construction identitaire et la construction identitaire encourage l’action. Basée sur des valeurs, des orientations, des attitudes, des visions ou encore un style de vie, la construction identitaire vise à distinguer positivement les individus faisant partie du groupe de ceux qui sont hors ou contre le mouvement. Les sentiments de solidarité se transmettent moins par les contacts personnels que par le partage des aspirations et des valeurs semblables. De cette façon, les habitants se sentent plus impliqués dans leur milieu de vie. Il est donc possible de se demander comment et avec qui exprimer quotidiennement cette volonté de changement social.

1.3.1.2 Les écovillages : une communauté néo-rurale  

Les projets d’écovillages en milieu rural correspondent à une partie de ce qui est communément appelé des communautés néo-rurales. Les néo-ruraux sont des urbains qui décident d’emménager en milieu rural, principalement dans le but d’améliorer leurs conditions de vie (Simard et Guimond, 2010). Loin d’être un groupe homogène, ces nouvelles communautés dans l’espace rural tentent souvent de s’intégrer à la communauté déjà présente et d’aller au-delà des conflits potentiels pour créer des lieux de solidarité (Ibid.). Pour leur part, sans pour autant rechercher une vie en autarcie (Silvestro, 2005b), les écovillages tentent d’élargir la notion de communauté en incluant différents groupes sur les territoires, mais aussi différentes espèces en introduisant la notion d’environnement (Kasper, 2008). Dans leur propre conception, ces initiatives sociales se conçoivent comme des entités à vision holistique qui tentent d’articuler des pratiques concrètes pour l’épanouissement individuel et collectif tout en respectant l’environnement. Loin d’être une fin en soi, les écovillages sont à la recherche d’un

idéal tout en continuant d’être en interaction avec des réseaux sociaux, politiques et économiques qui leur permettent de s’inscrire dans un mouvement social plus large (Ibid.). En effet, les écovillages se définissent par une opposition à la surconsommation matérielle et optent pour le principe d’« être la critique » ; c’est-à-dire que leur mode de vie quotidien est en opposition avec les pratiques dominantes. Cette idée renvoie à la notion de « life politics » présentée par Giddens (1991) comme une politique de choix. Par les choix mis de l’avant par les individus, ces derniers tentent de présager les futurs changements sociaux, politiques et économiques dans une dynamique mondialisée d’après-modernité. Dans ce sens, les choix quotidiens deviennent politiques et doivent s’inscrire dans la lutte contre l’oppression sous toutes ses formes (Ibid.). Pour arriver à influer à grande échelle sur les choix sociaux et politiques, les écovillages se doivent de prendre en compte les caractéristiques culturelles et politiques de leur milieu (Roy, 2001). De plus, les interrelations avec le reste du milieu sont primordiales pour créer des « [espaces] de mobilisation et d’action collective, […] qui [prennent] le territoire comme un objet d’intervention » (Sénécal, Cloutier et Herjean, 2008 : 192).

Néanmoins, malgré la proximité spatiale, les liens sociaux font partie d’un construit social (Morin et Rochefort, 1998) et ne prennent pas facilement place. Par leur marginalité par rapport aux organismes communautaires ou encore leur fermeture relative à de nouveaux membres (Lambert-Pilote, Drapeau et Kruzynski, 2007), les projets autogestionnaires peuvent développer avec l’extérieur une relation appauvrie, voire utilitariste (Godbout, 1986). Cette relation puise à la tension entre une démocratie interne, basée sur le consensus, et l’opposition externe au groupe, soit le milieu. Dans ce sens, « le paradoxe de la pensée autogestionnaire, [est] qu’elle est non- utilitariste dans les relations internes, mais utilitariste dans les relations entre le système et l’extérieur » (Ibid. : 123). En favorisant un fort sentiment d’appartenance à l’interne, les écovillages développeraient des relations très utilitaristes avec l’extérieur. Or, paradoxalement, ce sont ces liens avec le monde extérieur qui permettent aux écovillages de se définir en tant qu’entité : « by creating a certain way of experiencing the world, in addition to promoting an intellectual understanding of the reasons for living this way, ecovillages represent the synthesis of knowledge and action, theory and practice » (Kasper, 2008 : 20).

1.3.1.3 Les écovillages : vecteur d’habitabilité territoriale  

Bien que les écovillages s’inscrivent dans une certaine marge de la société, ils prennent place sur des territoires où ils doivent se confronter à une pluralité d’acteurs et de logiques sociales. Dans ce sens, « les acteurs locaux développent ainsi une conscience collective délimitée territorialement, une conscience territoriale, qui oriente leur conduite et constitue une base pour le partenariat entre des acteurs sociaux et économiques » (Klein, 2006 : 156). Dans cette mêlée, les écovillages peuvent être considérés comme l’ouverture d’un lieu créant un « contre-espace à travers un projet de transformation socioterritoriale » (Champagne, 2008 : 32) pouvant permettre une modification dans les représentations et dans les comportements territoriaux (Ibid.). L’appropriation de l’espace physique et l’organisation formelle et informelle des interactions sociales au cœur des écovillages permettent à ceux-ci de cibler leur propre mode de fonctionnement indépendamment des conceptions extérieures à leur groupe ou à leur milieu (Kasper, 2008). Pour Sommier (1998 : 128), qui s’est intéressée aux centres sociaux occupés et autogérés en Italie, la recherche « d'un nouvel espace de sociabilité et de socialisation » encourage la formation de lieux alternatifs comblant des besoins négligés dans la société et proposant « de véritables laboratoires des mutations sociales en cours » (Ibid. : 122). En ouvrant ainsi de nouveaux espaces collectifs, l’affirmation sociale d’un attachement au milieu de vie devient possible (Dionne et Beaudry, 1996) et permet aussi aux individus de définir leur milieu (Lefebvre, 1974). Cependant, les écovillages ne peuvent être vus comme la représentation de l’entièreté des territoires ruraux. En effet, par le positionnement politique, social et économique, ces projets s’inscrivent dans une certaine marginalité sociale (Silvestro, 2007). Toutefois leur enracinement territorial regardé sous l’angle de la théorie du droit à la ville de Lefebvre (1974) pousse le questionnement de l’apport des initiatives marginales dans l’affirmation du monde rural comme territoire viable.