Les participants aux scènes dans la pratique et dans les lieux de sociabilité

Pour présenter l’ensemble des personnes liées à une communauté autour des musiques

rock, je veux dresser ici une typologie qui permette d’expliquer les rôles de chacun, du

plus simple spectateur jusqu’à l’activiste des musiques amplifiées affichant plusieurs casquettes.

a) Lors des concerts.

C’est peut-être la typologie la plus classique, celle qui parait la plus évidente. Puisque le lieu de réunion par excellence est la salle de concert, il est le premier endroit où s’opère une distinction. L’habitué de ces rassemblements peut y lire trois types de participants :

-Les spectateurs : C’est la catégorie la plus importante. Ce sont tous ceux ou celles qui sont venu assister aux concerts. S'il est constitué en grandes majorité par ceux qui ont payé leur entrée, on peut se demander si cette catégorie ne recoupe pas tous les participants. Pour avoir déjà participé à un concert comme spectateur, musicien ou participant à son organisation, tout le monde est plus ou moins là pour assister à la performance scénique. De plus, avec le caractère spectaculaire de certaines activités se déroulant pendant le concert, le spectacle à également lieu dans la fosse148 : pogo149, stage diving150, mosh-pit151

147 _{L’intégration des musiques amplifiés dans sa programmation à eu lieu dans les années 1990, en parallèle}

au mouvement d’institutionnalisation de ces dernières.

148_{Espace sans gradin situé juste devant la scène, avant les gradins, qui est aujourd’hui la norme dans les}

salles de spectacles dédiées aux musiques amplifiées.

149_{Danse qui consiste simplement à sauter sur place. Dans les salles bien remplies, cela entraine des}

mouvements de foules et des bousculades plus ou moins appréciés des participants.

150_{Plongeon depuis la scène ou slam ou crowdsurfing (surfer sur la foule). Désigne le fait de s’élancer depuis}

47 … Certains spectateurs particulièrement motivé, ou motivant, ont d’ailleurs parfois leurs entrées gratuites, au même titre que les musiciens.

-Les organisateurs et les gérants de salle: Ce sont ceux qui prennent les risques financiers et juridiques, ils ont donc souvent un rôle de« fusible », qui « saute » en cas de problème. La plupart de ces lieux et associations ainsi créés ont donc une durée de vie assez courte. Ce fait peut expliquer que certains bars, certaines salles ou certaines organisations soient particulièrement reconnues, voir deviennent mythiques au niveau local lorsqu’elles s’inscrivent dans la durée. Les organisateurs et gérants tiennent aussi un rôle essentiel en tant que médiateurs entre les musiciens, graphistes, créateurs de fanzines et le public.

-Les musiciens : La raison d’être (ou le prétexte) du concert, ils pratiquent le plus souvent la guitare, la basse, la batterie ou le chant. Instruments de prédilection du rock. Là encore ils sont issus du public. Leur musique est influencée par la scène à laquelle ils participent, qu’ils font progresser en fabriquant à leur tour un contenu nouveau en jouant dans d’autres villes, en jouant en première partie de groupes plus connus …

b) Dans les activités de créations.

Le classement précédemment, qui semble logique, manque pourtant un peu de nuance. C’est pourquoi il m’a paru important d’insérer la distinction proposée par Yves Raibaud, d’après Howard Becker :

Dans une perspective interactionniste, Howard Becker (1988) se propose de traiter le fait musical comme une globalité en l’inscrivant dans une chaine interactive de production. Les auditeurs, les musiciens amateurs ou professionnels, les animateurs de salles, les rédacteurs de fanzines, les élus chargés de la culture participent d’un fait social total et interagissent par le regard qu’ils portent les uns envers les autres.

Raibaud, Yves. Territoires musicaux en régions : L'émergence des musiques

amplifiés en Aquitaine.2005.Pessac. MSHA. (p.73)

Ce qui me parait intéressant est de montrer comment, pour une partie du public, la participation aux musiques rock ne s’arrête pas à la participation à un concert. Celui-ci peut même n’avoir aucun lien avec un genre quelconque de musiques amplifiées, comme pour un élu chargé de la culture. Cependant nous en resterons aux participants. En plus de

151 _{« Danse » spectaculaire basée sur des mouvements rapides et saccadés, elle n’est pas censé être violente}

48 ceux déjà évoqués, il faut donc rajouter les rédacteurs de fanzines, ou, de plus en plus, de webzines, les disquaires indépendants, les gérants de labels et ainsi de suite, qu’ils soient amateurs ou professionnels. Les objets fabriqués de cette façon utilise tous des références qui sont compréhensible par les participants, en utilisant des éléments qu’ils connaissent et apprécient. Une première piste d’un patrimoine culturel immatériel apparait.

A gauche, devanture du disquaire indépendant Total Heaven situé à côté de la place de la victoire (collection personnelle).

A Droite, Flyer inspiré des gravures du XIXème, très à la mode dans les cultures alternatives liées au rock.

Le fait qu’une personne puisse avoir plusieurs activités liées aux musiques amplifiées est clair :

Teddy : […] Si les assos qui continuent à se bouger en ce moment et qu’il y en a d’autres qui continuent à se créer, parce que y en a forcément qui vont tomber à l’eau, y en a forcément qui vont continuer … Y avait voice of theunheard qui faisait gavé de concert de post-rock, qui a arrêté … Il continue …

Charly : Il a un label lui non ?

Teddy : Ouais il a un label maintenant du coup, bon voilà, ils se recyclent dans autre chose les gens, ça meurt jamais vraiment même si le mec va arrêter une asso bah il va aider à organiser des concerts avec une autre assos, ou alors il va faire partie d’un groupe ou s’occuper que d’un seul groupe, même si c’est pas sur Bordeaux, il va organiser des tournées dans toute la France152_.

152 _{Teddy Pichou, Cindy gratecap, entretien réalisé le 01/11/2013 à Avensan de Medoc par}

49 Il ne faut cependant pas oublier l’importance que jouent les groupes venant d’autres villes ou de l’étranger, les personnes extérieures à la scène bordelaise venues pour des raisons spécifiques, ou encore les webzines, les magazines à tirages nationaux, qui permettent d’inclure, de faire évoluer la scène.