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Du partenariat homosexuel

1.

Actualité du partenariat homosexuel

En droit suisse, l'union bomosexuelle est encore aujourd'bui dans la jurisprudence du Tribunal fédéral une sorte d'aliud, ne semblant même pas être un concubinage'4<l. Selon une partie de la doctrine, le concubinage implique également que les partenaires soient de sexe opposé '41; nous ne pouvons comprendre le bien-fondé de cette exigence 14' , ce d'autant qu'il est constaté d';fuis de nombreuses années que l'union homosexuelle tend à se nonualiser' 3. Il est difficile à notre sens de nier à l'union de partenaires de même sexe au moins les effets accordés au concubinage, alors que la reconnaissance étatique d'un lien institutionnel a eu lieu en Suisse. Etant donné l'évolution des mœurs, les exigences du respect des droits fondamentaux, la tendance présente au sein de l'Union européenne visant un traitement égal quelle que soit l'orientation sexuelle, la création de nouvelles formes de solidarité en droit comparé, l'intérêt public indéniable à agir sur le plan législatif en faveur de l'union entre partenaires de même sexe a en effet été reconnu. A la défmition très étroite de la deuxième Cour de droit civil s'oppose d'ailleurs celle de deux arrêts de la première Cour de droit public, dans lesquels le Tribunal fédéral ne défmit pas le concubinage par rapport au

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'44

sexe es partenaIres .

Des efforts aux plans cantonaux, précurseurs de l'évolution au niveau fédéral, peuvent au demeurant être relevés, à l'instar de la loi genevoise sur le partenariat entrée en vigueur le 5 mai 2001 ; cette loi a pour but d'attribuer le droit à l'égalité de manière très sectorielle et ainsi insuffisante, étant déjà limitée aux domaines régis par le droit cantonal'''. Elle s'adresse au

'40 ATF 118 Il 235, 238, JT 1994 1 331, 333; 109 Il 15. Confinné récemment in: ATF du 2 juin 2003 (SC.70I2OO3), FamPra.ch 4 (2003) 905, n. 119.

4\ Hegnauer, Breitschmid (note 24), n. 1.08a et 2.29ss; Sandoz (note 42; 1995), p. S84s, et idem (note 43; 2004), p. 46s.

'42 Dans ce sens également: Pulvcr (note 82), p. 14s, et réf.; Schwander (note 86), p. 920;

Werro (note 25), p. 41s, par. lOis; Wolf, S., Ehe, Konkubina/ und regis/rierte Partnerschaft gemiiss dem Vorentwurf zu einem Bundesgeselz - aJ/gemeiner Vergleich und Ordnung des Verm6gensrech/s, in : recht 20 (2002) l575S, p. 161, n. 42.

,., Le relevant déjà: Schwander (note 86), p. 920; Werro (note 25), p. 24, par. 19, et p. 41,

p.ar.

lOis .

.. A TF du 2 juin 2003 SCn012oo3, FamPra.ch 4 (2003), 90S, n. 119, versus ATF 129 1 1 et ATF du 19 août 2003, FamPra.ch 4 (2003),872, n. 108, ces arrêts concernant toutefois certes des concubins hétérosexuels.

145 RS genevois E 1 27. Absence donc d'effets en droit civil. Sur les effets de cette loi:

Papaux Van Delden (note 1), p. 49658.

demeurant aux unions homosexuelles comme hétérosexuelles, la loi genevoise se distançant en conséquence de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe qui entrera en vigueur le 1" janvier 2007.

La Suisse est ainsi devenue, le 5 juin 2005, le premier pays à accepter par les urnes le partenariat enregistré 146. La loi fédérale précitée règle la communauté de vie de deux personnes adultes du même sexe, qui font enregistrer leur partenariat à l'office de l'Etat civil. La réglementation est très proche de celle du mariage, qu'il s'agisse de la réglementation des conditions et empêchements, de la procédure, de l'annulation, des droits et devoirs découlant du partenariat enregistré, ou de la dissolution judiciaire, une demande unilatérale de dissolution du partenariat pouvant certes être déposée déjà un an après la séparation du couple, aucun motif ne permettant toutefois d'obtenir la dissolution avant l'expiration dudit délai. Dans les cas de rigueur, le tribunal peut fIXer des contributions d'entretien. Le partenariat n'a en revanche pas d'incidence sur le nom de famille et le droit de cité. La loi ne parle pas de régime matrimonial, mais prévoit la possibilité pour les partenaires de conclure, par acte authentique, une convention en vue de dissolution, soumettant par exemple le partage de leurs biens aux règles du régime de la participation aux acquêts (art. 25 LPart). Partant, les partenaires enregistrés sont par défaut soumis matériellement à un régime de séparation de biens du droit matrimonial. Les couples enregistrés ont le même statut que les couples mariés pour ce qui a trait au droit de séjour et de la citoyenneté suisse, sans bénéficier toutefois de la naturalisation facilitée. Ils sont titulaires des mêmes droits et obligations relevant du droit successoral, des assurances sociales et de prévoyance professionnelle. Ils ne peuvent pas adopter d'enfants, y compris ceux du partenaire, Di recourir à la procréation médicalement assistée. Un statut particulier est toutefois accordé par rapport aux enfants des partenaires (art. 27 LPart).

L'analogie avec le mariage est en conséquence évidente dans le développement du partenariat, non seulement eu égard à sa réglementation, mais également eu égard à sa forme, et ce même s'il s'agit d'une loi Spéciale non insérée dans le livre du Code civil. La qualité de « quasi-époux» pour les couples de même sexe sera ainsi dès 2007 consacrée en droit suisse 147.

I~ Avec 58 % de votes favorables. Message du Conseil fédéral du 29 novembre 2002. in : FF 2003 1192ss. Cf. supra: note 13.

1" Ainsi qualifiés par Sandoz (note 43; 2004), p. 46.

2. Sursaut de formalisme

Ce sursaut de formalisme à l'heure de son déclin ne nous convainc toutefois guère, même si cette solution peut se défendre dans un souci de réalisme fondé sur des considérations d'équité. Le risque de prétériter les concubins qui ne se soumettront à aucune procédure d'enregistrement est toutefois bien réel.

Emerge alors la question de savoir si le partenariat enregistré est le moyen légal opportun pour étendre les droits et obligations des cohabitants. Or, la coïncidence des situations en fait exige une assimilation aussi large que possible des effets du mariage, face à une union dont les éléments caractéristiques sont la conununauté de vie, la durabilité, l'exclusivité, le soutien mutuel, la différence étant en l'état l'impossibilité d'avoir des enfants conununs, composante qui n'appartient au demeurant pas à la définition du mariage. Des différences de traitement sont difficilement justifiables qu'il s'agisse du statut personnel des partenaires (nationalité, droit des étrangers, droit de cité, nom), des effets personnels (devoir d'assistance, de fidélité au sens large, protection du logement), ou de l'extension des obligations patrimoniales!4'. L'idée en Europe, sur la base des Constitutions et du droit international des droits de 1 'homme, tend en effet à ce qu'une différence de traitement fondée sur l'orientation sexuelle constitue une discrimination.

Refuser le mariage homosexuel snr la base de son inconstitutionnalité révèle enfin quelque hypocrisie, alors que la constitutionalité d'un partenariat aux effets analogues au mariage n'est pas remise en cause, manière d'éviter l'idée même du mariage, mais non les droits et devoirs qui en découlent.

L'important n'est certes pas le label, mais le contenu des normes!

V. Conclusion

Quel que soit le contenu actuel de nos législations, les modèles familiaux se caractérisent par leur fluidité, leur fragilité et leur interchangeabilité dans toutes les sociétés occidentales. Les démarcations entre mariage et concubinage deviennent obscures, alors que leurs conséquences légales sont moins distinctes. Ce qui importe, au creux de ce mouvement, c'est l'existence factuelle et le fonctionnement concret du groupe nucléaire, non son caractère formel, ni le sexe de ses partenaires.

Aborder alors le concubinage en niant pour l'essentiel la formation de liens familiaux, à moins de lui enlever des avantages, et en le traitant au mieux

148 Pour une analyse détaillée: Papaux Van Delden (note 1), p. 507ss.

, ,

conune une entité conunerciale, consiste en un système juridique affectant de manière directe continue et éprouvante la vie privée et familiale des

149 C . d dr . hr .

concu ms . et etat e Olt sonne conune un anac omsme par rapport au but et enseignements du droit constitutionnel et international des droits de l'honune. Il existe une obligation positive de créer un statut pour la famille dans son sens le plus large, selon une approche constitutive sociale des droits de l'honune qui permet à l'Etat d'agir au sein d'une relation interindividuelle dans un souci de protection.

La coïncidence des situations en fait appellent des solutions juridiques identiques, qui tendent à la sauvegarde des valeurs essentielles d'affection et à la prise en compte de l'unité économique des couples, dont les fonctions familiales et sociales sont les mêmes. L'interdiction de la discrimination en particulier permet que se fondent définitions légale et sociale du mariage. Il convient en conséquence de prévoir un traitement courageux de la communauté de vie, qu'elle soit par ailleurs hétérosexuelle ou homosexuelle, relation de fait décisive à l'extension d'effets juridiques matrimoniaux. En l'état, il s'agit d'appliquer les normes constitutionnelles et internationales d'égalité lorsque le législateur n'accorde des droits et privilèges qu'à des catégories limitées de cohabitants 150. Un élargissement de la notion de couple et de famille, au nom de la non-discrimination, est un principe qui, à notre sens, ouvre la voie à des changements en droit de la famille. Cette voie s'éloigne alors de développements judiciaires complexes instaurant une variété de techniques utilisées afin d'étendre les effets juridiques des relations fondées sur la cohabitation, telles que l'utilisation et l'extension, particulièrement en matière de droits patrimoniaux, du droit des sociétés.

Que droit et faits coïncident au nom du droit à l'égalité dans le respect effectif de la vie familiale et privée, de la liberté personnelle et de l'interdiction de la discrimination fondée sur le mode de vie, est en conclusion la leçon que dictent les droits fondamentaux face à l'osmose des modèles familiaux.

149 Selon Sandoz (note 43; 20(4), p. 52, on ne peut se défaire du sentiment que le Tribunal fédéral cherche parfois plus à punir la concubine crédirentière qu'à trouver une solution conforme à l'esprit de la loi.

15() Cf. Bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé, Note sur les aspects de droit international privé de la cohabitation hors mariage et des partenaires enregistrés, Document préliminaire nO 9, mai 2000, citant dans ce sens une décision canadienne de la Cour suprême de mai 1999 et une décision d'Afrique du Sud de la Cour constitutionnelle de décembre 1999.

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