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Part relatives de la culture (France vs Vietnam) et de la méthode de caractérisation choisie

Partie 7 : Discussion générale

4. Part relatives de la culture (France vs Vietnam) et de la méthode de caractérisation choisie

choisie

Notre travail a également permis de comparer trois méthodes sensorielles présentant différents niveaux de verbalisation (tri libre suivi de verbalisation, profil flash, profil conventionnel avec génération de descripteurs), mises en œuvre pour caractériser le même espace produit : des gels. La comparaison des configurations des produits à l'aide de coefficients RV (Figure 55) et à l'aide de l’AFM (Figure 56) a montré qu'il existe une structure commune forte entre les configurations données par les trois méthodes (quel que soit le pays). Ainsi, le tri libre et le profil flash peuvent fournir des cartes sensorielles similaires à celles du profil conventionnel. Ces résultats vont dans le même sens que ceux d'autres études qui visaient à comparer les cartes sensorielles obtenues avec le profil conventionnel et des méthodes alternatives (Williams et Arnold, 1985 ; Chauhan et Harper, 1986 ; Faye et al., 2004 ; Saint-Eve et al., 2004 ; Gilbert et Heymann, 1995 ; Dairou et Sieffermann, 2002 ; Delarue et Sieffermann, 2004 ; Cartier et al., 2006).

Plus particulièrement, les résultats suggèrent que les caractérisations sensorielles faites par des sujets naïfs (tri libre et profil flash) sont similaires à celles faites par des sujets entraînés (profil conventionnel). Ces résultats sont en accord avec ceux de Chollet et Valentin (2000) qui ont comparé les caractérisations sensorielles de vins faites par des experts et des

novices. Ces auteurs ont montré que des experts et des novices, réalisant une tâche de comparaison par paires de 13 vins rouges, percevaient les similitudes et les différences entre les produits de manière similaire.

Cependant, la comparaison des similarités globales à l'aide des coefficients RV (Figure 55) a également montré que, quelle que soit la culture considérée (française ou vietnamienne), la configuration des produits obtenue avec le profil flash est plus proche de celle du profil conventionnel que de celle du tri libre. La meilleure hypothèse pour expliquer cet effet semble être que le tri libre est essentiellement une méthode non verbale, alors que le profil flash et le profil conventionnel sont toutes deux des méthodes verbales qui imposent d'évaluer les produits selon des caractéristiques prédéterminées. Il est possible que le fait d'utiliser ou non le langage ait une influence sur la manière dont les sujets se représentent l’espace produit. Certains auteurs (Chauhan et Harper, 1986 ; Bárcenas et al., 2003 ; Saint-Eve et al., 2004) remettent en question un des principes de base des techniques de profil (dont le profil conventionnel) selon lequel l'analyse des propriétés sensorielles d'un produit devrait être séparée en descripteurs sensoriels indépendants. D'après Saint-Eve et al. (2004), les interactions complexes entre la texture et les flaveurs peuvent ne pas être représentées de manière adéquate par la simple juxtaposition de sensations. En effet, pour ces auteurs, ces types d'interactions sensorielles sont traités comme des expériences sensorielles uniques. Cette approche peut être rattachée à la théorie du « Gestalt » (e.g, Szczesniak, 2002). Dans notre cas, il est possible que les différences observées entre le tri libre et les deux autres techniques de profil (profil flash et profil conventionnel) trouvent en partie leur origine dans des interactions entre l'apparence visuelle et la texture. En effet, avec le tri libre, les sujets doivent se concentrer sur les ressemblances, les similarités entre les produits, alors que dans les techniques de profil, les sujets dissèquent leur perception en descripteurs, dont le choix dépend fortement de leur capacité discriminer les produits.

Dans notre approche sensorielle, nous avons à la fois comparé des cultures (France vs Vietnam) et des méthodes (tri libre, profil flash et profil conventionnel). Nous pouvons nous interroger sur les parts relatives de l'influence de la culture et du choix de la méthode sur les résultats obtenus. La Figure 55 suggère que l’effet dû à la culture serait plus faible, dans notre cas, que l'effet dû à la méthodologie sensorielle.

Nous pouvons enfin envisager la comparaison des trois méthodologies sensorielles selon leurs capacités à discriminer les sujets de deux cultures. Si les résultats du tri libre ont montré

qu'il semblait difficile de discriminer les sujets des deux cultures (Figure 19), les résultats du profil flash ont montré une meilleure discrimination (Figure 23) et le profil conventionnel avec génération de descripteurs une discrimination assez nette (Figure 28). De manière paradoxale, c'est avec le profil conventionnel que la plus grande similarité globale entre les deux cultures a été trouvée (RV= 0,86) par rapport au profil flash ou au tri libre (les coefficients RV valent respectivement 0,70 et 0,69). Ceci est dû au fait qu'avec le profil conventionnel, les sujets sont entraînés, ce qui réduit la variabilité au sein d'une culture (les coefficients RV entre les sujets valent en moyenne 0,86 en France et 0,71 au Vietnam). À l'inverse, comme l'avons déjà mentionné, la variabilité au sein d'une culture est plus élevée avec les méthodes de profil flash (les coefficients RV entre les sujets valent en moyenne 0,51 en France et 0,52 au Vietnam) et de tri (les coefficients RV entre les sujets valent en moyenne 0,44 en France et 0,44 au Vietnam), où, dans notre cas, les sujets n'étaient pas entraînés. Ainsi, de manière paradoxale, les méthodes qui utilisent des sujets non entraînés présentent l'avantage de comporter moins de biais lié à l’entraînement des sujets, mais ne permettent pas de discriminer les sujets français et vietnamiens comme avec le profil conventionnel, parce que la variabilité entre les sujets au sein d'une culture est susceptible de masquer les éventuelles différences entre les cultures.

La réflexion menée sur la comparaison de méthodes sensorielles peut être mise en perspective avec la comparaison entre mesures instrumentales et mesures sensorielles. L'analyse des similarités des configurations des produits à l'aide des coefficients RV (Figure 55) a montré que les mesures instrumentales sont globalement plus proches du profil conventionnel (avec génération de descripteurs ou avec descripteurs posés) que des deux autres méthodes sensorielles. Selon Martens (1999) citant Pangborn (1987) à propos d'une étude comparative des instruments et des humains, nos sens se comportent comme des intégrateurs (d'une manière multivariée et relative), alors que les instruments sont caractérisés par le fait qu'ils sont des séparateurs (d'une manière univariée et absolue). Dès lors il semble naturel, dans notre cas, de trouver le plus de similarité entre les mesures instrumentales et les données obtenues avec le profil conventionnel. Cette méthodologie sensorielle a en effet pour but d'utiliser les sujets comme de véritables instruments de mesure. Néanmoins, la question demeure de savoir quelle est la « meilleure » méthodologie sensorielle à appliquer a priori. Sans doute le choix de l’outil sensoriel doit avant tout dépendre des objectifs de l’expérimentateur (Gilbert et Heymann, 1995).

Le tri libre semble être approprié pour caractériser de manière très rapide les similarités et les différences entre des produits dont on a peu de connaissances. Les conditions d’utilisation du profil flash ont été discutées par Dairou et Sieffermann (2002) puis Delarue et Sieffermann (2004) : le profil flash ne saurait constituer un substitut au profil conventionnel, mais plutôt un outil pratique pour établir de manière rapide des cartes sensorielles dans des phases préliminaires d’études sensorielles plus approfondies. Dans notre étude, il s’est avéré un outil précieux pour identifier des différences entre deux groupes de sujets naïfs appartenant à des cultures différentes. Le profil conventionnel reste, quant à lui, la méthode de référence pour établir une description quantifiée des propriétés sensorielles d'un ensemble de produits.