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Paroles et valeurs des parents

Chapitre 8. Parents, travail et éducation

8.2. Paroles et valeurs des parents

Les parents rencontrés lors de cette recherche perçoivent leur enfant avec différents traits, par exemple, intellectuel, passionné ou avec un tempérament explosif, et mettent de l’avant sa personnalité. L’enfance représente pour eux

majoritairement une période de liberté, de bonheur, d’insouciance, sans responsabilités « d’adulte », de contraintes, de devoirs ou de normes. Il s’agit d’une période moins chargée, où il y a encore « du temps ». C’est également une période marquée par le jeu, l’imaginaire et sans « peurs ». Pour la majorité des parents rencontrés, c’est un moment où les enfants se forment et où les choses « s’enregistrent ». C’est une période de « construction », où s’instaurent les « moyens de défense » ainsi que les « moyens de survie » et qui doit se solder par l’autonomie. Des parents peuvent mettre l’accent sur le plaisir et le jeu, tout en trouvant important que les enfants découvrent de nouvelles choses, mentionnant, par exemple, « qu’il faudrait » que leur enfant participe à des activités extérieures à la garderie ou au CPE s’il n’en a pas déjà une ou deux à son horaire.

La garderie ou le CPE est choisi en fonction principalement de sa proximité, ainsi que des listes d’attente, des références et du coût. Certains parents ont une assez bonne idée de ce que leur enfant fait à la garderie, tandis que d’autres en ont une idée plus vague. Pour ceux qui en ont une certaine connaissance, ils mettent l’accent sur la stimulation et les apprentissages, notamment de la vie en société, que leur enfant y fait. Il leur importe que leur enfant développe son « autonomie », « découvre de nouvelles choses », « bouge », soit « stimulé » et « persévère ».

Certains parents semblent conjuguer assez facilement parentalité et vie personnelle. Trois des parents rencontrés sont séparés au moment de l’entretien et décèlent certains avantages à cette situation, par exemple, avoir du temps libre pour soi. Deux disent oublier le travail une fois celui-ci terminé ou ne pas rapporter de travail à la maison (pour pouvoir mettre son cerveau à « à off côté travail ») et cultiver le plaisir au travail. D’autres mettent plutôt l’accent sur la « course contre la montre » lorsqu’ils abordent le sujet de la conciliation travail- famille. Ils évoquent, par exemple, les termes de « super-gestion de superwoman », et de « jonglage ». Ils trouvent leur vie compliquée à gérer et disent avoir rarement assez de temps pour souffler ou être avec les enfants. L’aspect financier peut également être problématique, tout comme le manque de stabilité du travail ou le manque de flexibilité dans l’horaire des CPE. « C’est épuisant », « Je suis fatigué » reviennent dans certains discours. D’autres trouvent

également « exigeant[e] » la conciliation travail-famille mais se disent « bien organisés ». Ils peuvent parfois profiter de la présence d’une aide ménagère ou alors, d’heures de travail réduites ou d’un horaire flexible. Pour ce groupe, on retrouve souvent un certain ennui lié au travail, une impression de lourdeur administrative ou structurelle ou alors, un moins grand sentiment d’accomplissement lié à leurs tâches. Plusieurs disent trouver ce sentiment ailleurs, par exemple, dans l’implication auprès d’un organisme communautaire, des cours d’herboristerie ou l’enseignement du ski.

Les parents rencontrés se posent de multiples questions sur leur rôle. Ils ne sont pas sûrs d’être sur le « bon chemin » ou d’avoir pris « la meilleure décision ». Pour eux, être parent est avant tout une responsabilité ou un engagement. Ils se perçoivent comme une « ressource », un « accompagnateur » ou un « guide », offrant protection, limites et écoute. Malgré le fait qu’ils décrivent leur rôle de manière positive, le plus important revers soulevé est, comme il a déjà été soulevé, la « course contre la montre ». Les parents sont tiraillés entre des sentiments contradictoires, par exemple, entre fierté et culpabilité. Ils souhaitent transmettre à leurs enfants avant tout le « respect de soi et des autres » ainsi que des valeurs d’« ouverture d’esprit », d’« indépendance », d’« autonomie », de « persévérance », de « vaillance », d’« effort », de don de soi (par exemple, « se donner à 100% dans le travail ») et de communication.

En ce qui a trait aux références, la moitié des parents rencontrés aime bien consulter de la documentation - notamment des sites internet où il y a des forums de parents - tandis que l’autre moitié, surtout des hommes, préfère se fier à son instinct. Il y a toutefois une certaine ambivalence dans leurs discours par rapport au rôle que doit jouer l’État dans l’éducation, s’il doit ou non s’immiscer dans l’éducation. Lorsqu’on leur demande quels sont leurs objectifs pour leur enfant, ils répondent qu’ils souhaitent que ce dernier puisse être heureux et autonome, qu’il puisse « gérer [ses] responsabilités », trouver du travail, faire de l’argent, « prospérer dans ce qu’elle aime ». Un d’entre eux justifie ce dernier point en disant : « On vit dans un monde capitaliste […] il faut que tu aies du cash ». Ils souhaitent que leur enfant puisse se réaliser dans le travail et qu’il puisse être intégré en société. Le travail est associé à l’accomplissement de soi, à un lieu où

on peut s’épanouir, et qui assure un bon revenu. Pour plusieurs parents, il importe que leur enfant persévère et prospère, qu’il aille « à la mesure de sa capacité », qu’il utilise tout son potentiel. Le langage du travail est également présent dans le discours des parents lorsqu’ils évoquent leur propre rôle : ils parlent en effet de leur « job de parent », ne se sentent pas nécessairement à la hauteur dans ce « métier » et préfèrent même parfois que ce soit quelqu’un avec des « diplômes » qui s’occupe de leur enfant.

« Stimulation » est un terme qui ponctue souvent leur discours. Plusieurs croient que la garderie familiale est « correcte », jusqu’à « environ deux ans », soit l’âge du « grand développement ». Il leur importe que les journées à la garderie ou en CPE soient « vraiment très remplies », que leur enfant soit « occupé », bref, qu’il fasse beaucoup de choses, qu’il soit « dans l’action ». De ce fait, le jeu ressort parfois comme un devoir : « si elle a une responsabilité elle, c’est de jouer. Elle a une obligation de jouer ». La plupart des enfants suit au moins une activité à l’extérieur de la garderie ou alors, leurs parents mentionnent qu’« il faudrait » qu’ils inscrivent leur enfant à un cours. Une mère qui explique pourquoi elle regarde le bilan au CPE de sa fille évoque les termes « d’objectifs à atteindre », comme si le CPE était « l’emploi » de la fillette. Pour elle, le travail est lieu de production et de rentabilisation. Une autre mère fait le parallèle entre son travail qui est exigeant, qui lui demande de performer et de se démarquer et ce qu’elle exige de son fils. Un père parle de « faire "travailler" son enfant » et un autre, des horaires qu’il se fixe lorsqu’il est avec son enfant. Des parents expliquent l’importance de ne pas « manquer son coup » mais également, du problème causé par « trop tout savoir », dans un « excès de vouloir bien faire ». Le « trop plein » d’informations peut les amener, disent ces mères, à s’inquiéter pour tout, notamment par « souci de performance ». Les parents sentent parfois des regards extérieurs ou de la pression qu’ils se mettent sur eux-mêmes.

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