• Aucun résultat trouvé

2. L’exemple de La Chauve-souris : présentation générale de l’œuvre et de sa traduction

2.4. Le contexte de la création de l’œuvre

2.4.2. Paris

2.4.2.1. Une vie politique marquée par l’instabilité

En février 1848, des mouvements révolutionnaires éclatent à Paris107. Le 24 févier 1848, le roi Louis-Philippe abdique, mettant fin à la Monarchie de Juillet. Un gouvernement provisoire, chargé de créer de nouvelles institutions, est mis en place. La Deuxième République est proclamée le 4 mai 1848. Les réformes politiques sont nombreuses. Le suffrage universel masculin est instauré, l’esclavage et la peine de mort pour des raisons politiques sont abolis. Lors des premières élections présidentielles, en décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République. Sous sa présidence, la république devient de plus en plus conservatrice. Le 2 décembre 1851, il dissout l’assemblée législative, adopte une nouvelle constitution et organise un plébiscite. Ce coup d’Etat met fin à la Deuxième République. Un an plus tard, Louis-Napoléon Bonaparte se fait sacrer empereur. Napoléon III proclame des lois répressives, rétablissant la censure et restreignant les libertés des citoyens. Toutefois, entre 1860 et 1870, le régime évolue vers la libéralisation. Ainsi, les personnes condamnées pour des raisons politiques sont libérées et la liberté de la presse est rétablie.

Sur le plan de la politique extérieure, les tensions entre la France et la Prusse s’intensifient et, en 1870, la guerre éclate. L’Empereur est fait prisonnier le 2 septembre 1870 et le 4 septembre la République est proclamée en France. Le gouvernement provisoire, d’abord chargé de mener la guerre, signe l’armistice le 28 janvier 1871. La même année, la Troisième République connaît des troubles avec la Commune de Paris, mais parvient à rétablir l’ordre. Alors que pendant les dix premières années de ce régime la France n’est pas dirigée par des républicains, peu à peu, la république s’enracine, et, en 1879, Jules Grévy, premier président républicain, est élu. La Troisième République favorise l’instruction avec les lois Ferry qui rendent l’enseignement gratuit et obligatoire jusqu’à treize ans. Elle rétablit la liberté totale de la presse en 1881. En 1905, la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat est promulguée. La Troisième République parvient à surmonter des crises politiques telles que la montée en puissance du mouvement conservateur boulangiste de 1889 à 1891 et l’affaire Dreyfus, qui secoue la France en 1898-1899. La Troisième République est un des plus longs régimes que la France ait connu jusque là et s’achève en 1940.

107 La présente section est rédigée sur la base d’informations trouvées dans le manuel suivant : Olivesi Antoine, Nouschi André, La France de 1848 à 1914, Nathan, Paris, 1997, pp. 13-48, 93-111, 151-170, 307-327

2.4.2.2. De profondes mutations sociales

La Deuxième République a permis des progrès en matière sociale, notamment en créant les ateliers nationaux destinés à aider les ouvriers à trouver du travail. Elle encourage également les ouvriers à se regrouper en coopératives ouvrières afin de défendre leurs droits. Dans son ouvrage Histoire sociale de la France au XIXe siècle, Christophe Charle108 fait observer que, sous le Second Empire, le paysage urbain connaît des mutations rapides. Les grandes villes attirent beaucoup plus que les villes moyennes ou petites. Elles annexent peu à peu leurs faubourgs, mais manquent toujours d’espace. En dépit des travaux visant à rénover le centre de Paris, l’ancienne banlieue n’est pas très bien intégrée. Christophe Charle souligne que, sous la Troisième République, la demande d’enseignement croît. Il constate aussi de profondes mutations en ce qui concerne les différentes couches de la société à cette époque. Les nobles et les notables, qui n’ont plus d’influence politique, sont aussi diminués économiquement. Les rentes foncières des notables provinciaux sont moindres. Quant à la noblesse parisienne, elle a moins de moyens que les industriels, même si ses revenus restent confortables. Pour conserver leur ancien train de vie, les nobles doivent s’adapter au monde moderne. Ils font notamment des placements mobiliers et deviennent membres de sociétés anonymes. La bourgeoisie, quant à elle, devient de plus en plus influente. Elle s’enrichit, car elle détient les secteurs clés de l’économie : les banques, les industries et les commerces. Elle est également présente dans les hauts postes de l’armée, de l’administration, de la finance et de la diplomatie. Dans leur manuel La France de 1848 à 1914, André Nouschi et Antoine Olivesi109 font observer que la classe moyenne est difficile à définir. Elle est composée de petits commerçants et artisans ainsi que de fonctionnaires moyens. Une volonté de promotion sociale anime ses membres. Elle tend à devenir de plus en plus importante. La classe ouvrière vit principalement en ville, dans des conditions rudes, mais qui ont tendance à s’améliorer. Les ouvriers peuvent notamment s’organiser en syndicats et faire ainsi valoir leurs droits.

108 Charle, Christophe, Histoire sociale de la France au XIXe siècle, Seuil, 1991, pp. 121-125, 228-241

109 Olivesi Antoine, Nouschi André, op. cit.,1997, pp. 261-268

2.4.2.3. Une société du divertissement

Dans son ouvrage La Crise littéraire à l’époque du naturalisme, Christophe Charle110 fait observer qu’au XIXe siècle, tout un pan de la littérature fait la part belle à l’art pour l’art. Il cite notamment l’exemple de Théophile Gauthier, Gustave Flaubert et Charles Baudelaire.

Avec la publication par Emile Zola de la lettre ouverte intitulée J’accuse en 1898, on assiste à la naissance de l’intellectuel moderne, qui prend position sur les affaires publiques. Par ailleurs, Christophe Charle constate qu’entre 1860 et 1890, le public cultivé s’accroît grâce à la plus large diffusion de l’enseignement. Dans un article intitulé L’Attraction théâtrale des capitales au XIXe siècle, problème de comparaison, Christophe Charle111 écrit que Paris est la capitale du théâtre européen. Cette ville dispose en effet de nombreux théâtres en concurrence les uns avec les autres. Cela est dû au fait que, sous la Troisième République, le théâtre a connu un mouvement de libéralisation. D’une part, la censure est devenue moins sévère, d’autre part le monopole de l’Etat a pris fin. De plus en plus de salles se sont ouvertes. Ce climat de concurrence entre les théâtres a favorisé le développement du théâtre commercial. Dans La Crise littéraire à l’époque du naturalisme112, l’auteur souligne que le système théâtral est pensé pour satisfaire le petit bourgeois parisien. Ce dernier souhaite se divertir et découvrir à chaque fois de nouvelles pièces. Dans un autre ouvrage intitulé Théâtre en capitales, naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne, Christophe Charle113 constate que, pour satisfaire ce désir de nouveauté, on traduit des pièces étrangères. Il fait également observer que le théâtre touche un large public, car il offre différentes gammes de prix. C’est un divertissement apprécié parce qu’il permet de voyager dans le temps et dans l’espace, et d’oublier ainsi les soucis quotidiens. A partir de 1860, il est traversé par des courants novateurs. Christophe Charle écrit à ce propos : « Des années 1860 aux années 1880 fleurissent ainsi les genres mixtes nouveaux de la culture moyenne (opérettes, revues, variétés). »114 Dans son ouvrage précédemment cité, La Crise littéraire du naturalisme, Christophe Charle distingue deux types de théâtre auxquels correspondent deux types de public : le théâtre de boulevard, apprécié des bourgeois, et le théâtre d’avant-garde destiné aux intellectuels.

110 Charle, Christophe, La Crise littéraire à l’époque du naturalisme : roman, théâtre et politique : essai d’histoire sociale des groupes et des genres littéraires, Presses de l’Ecole normale supérieure, Paris, 1979, pp. 15-24 et 113-144

111 Charle, Christophe, L’Attraction théâtrale des capitales au XIXe siècle, problème de comparaison, in Capitales européennes et rayonnement culturel XVIII-XXe siècle, sous la direction Christophe Charle, édition de la Rue d’Ulm, 2004, pp. 151-167

112 Charle, Christophe, op. cit., 1979, pp. 113-144

113 Charle, Christophe, Théâtre en capitales, naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne, Albin Michel, 2008, pp. 7-19

114Ibid., p. 9