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II. Les lombalgies aiguës communes

4. Parcours de soins en pratique

L’objectif principal de la prise en charge des lombalgies aiguës communes est la reprise rapide des activités et notamment le travail, l’amélioration de la qualité de vie, et bien évidemment d’éviter le passage à la chronicité nécessitant une prise en charge complexe pluridisciplinaire et source de nombreuses conséquences (coûts de santé, désinsertion sociale, perte d’emploi, précarité, …).

Malgré les recommandations existantes, il existe encore de fortes disparités dans la prise en charge des patients lombalgiques (23,24).

Selon les données du SNIIRAM (Système national d'information inter-régimes de l'Assurance maladie), par exemple, 63 % des patients en arrêt de plus de 6 mois ont bénéficié d’un acte d’imagerie dès le premier mois d’arrêt de travail et 1 patient sur 5 a bénéficié de séances de kinésithérapie dans le 1er mois d’arrêt de travail. Concernant la nécessité de poursuivre les activités physiques, une ambivalence

persiste chez les médecins, avec 33 % d’entre eux qui considèrent encore que le repos est le meilleur remède contre la lombalgie (20).

Les raisons de ces disparités seraient entre autres liées aux demandes des patients, à leurs craintes, mais aussi aux peurs et croyances du médecin lui-même, et au manque de temps durant les consultations. Certains médecins jugent d’ailleurs ces recommandations trop éloignées de la réalité et de leur déontologie. (25–27)

De plus, des idées reçues persistent chez les patients concernant les lombalgies, les deux croyances principales étant : 1 personne sur 4 pense que la lombalgie est un problème grave et près de 7 sur 10 estiment que le repos est le meilleur remède contre la lombalgie. Ce qui est en discordance avec leur comportement, car 50 % essaient de poursuivre normalement leur vie, 87 % reconnaissent qu’il est conseillé de réaliser une activité physique adaptée et 84 % qu’il est possible de maintenir une activité professionnelle adaptée en cas de lombalgie.

36 Ce sont ces deux constats qui ont motivé l’émission de nouvelles recommandations et la diffusion d’une campagne d’information par la CPAM depuis novembre 2017, à la fois adressées aux médecins mais aussi aux patients et aux professionnels, avec pour titre de campagne : « Mal de dos ? Le bon traitement, c’est le mouvement. ». Le but de ces recommandations est d’essayer d’harmoniser les pratiques, pour améliorer la prise en charge des patients, optimiser le parcours de soins et réduire les actes inutiles et donc les coûts, lutter contre les idées reçues et mobiliser les entreprises pour favoriser la prévention et le maintien en emploi. (20)

Dans le même esprit, une série d’articles parue en mars 2018 dans The Lancet fait aussi l’état des faits décrits ci-dessus, a émis des recommandations similaires et décrit également cette différence qui existe entre celles-ci et la pratique. Un des articles suggère d’ailleurs des solutions à envisager, certaines étant déjà appliquées dans certains pays, dans le but d’arrêter l’augmentation de la prévalence des lombalgies et donc des dépenses qu’elles engendrent. Le dernier article de cette série est d’ailleurs un appel au changement le plus rapidement possible, adressé aux grandes institutions mondiales. (28–31)

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INTRODUCTION

En France, comme dans la plupart des pays industrialisés, la lombalgie commune représente un problème de santé publique compte-tenu de sa prévalence, de son poids économique et de ses conséquences psychosociales. (17,19,20,32)

Des recommandations concernant leur prise en charge existent depuis plusieurs années en France et dans le monde (15,18,21,22), les dernières ayant été publiées fin 2017 par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie. Leurs buts sont de cadrer les pratiques et d’éviter les prescriptions inutiles pour améliorer la prise en charge et diminuer les coûts de santé. Mais la prise en charge des lombalgies est en réalité complexe, rendant souvent l’application de ces recommandations difficiles, les médecins les jugeant d’ailleurs parfois trop éloignées de la pratique ou de leur déontologie. En effet, en plus de celles- ci, les médecins doivent aussi prendre en compte les souhaits du patient, ses craintes ainsi que son niveau psycho-social, les possibilités locales, etc... L’enjeu majeur de cette prise en charge étant avant tout de prévenir le principal risque qui est le passage à la chronicité, et toutes les conséquences qui en découlent. (23–31)

Parallèlement, ces dernières années, les médecines non conventionnelles n’ont cessé de se développer, notamment l’ostéopathie qui est la plus utilisée en France et dans le monde. Depuis sa légalisation en 2002, le nombre d’ostéopathes en France n’a cessé d’augmenter, et la France a actuellement la plus grande densité d’ostéopathes par rapport au nombre d’habitants au monde, nombre qui va continuer de croitre. De plus, l’ostéopathie est aussi de plus en plus plébiscitée par les français. En effet, dans un sondage réalisé en 2014, 48 % des participants avouaient avoir déjà consulté un ostéopathe, contre 40% en 2010, soit une augmentation de 20 %, et que 78 % d’entre eux y vont de leur propre initiative. (12)

Les lombalgies aiguës communes (LAC) sont actuellement l’une des principales indications et motif de recours à l’ostéopathie (et plus largement des thérapies manuelles). Son utilité et son efficacité restent cependant controversées selon les études, qui sont peu nombreuses et souvent de faible niveau de preuve (nombreux biais, faibles effectifs, double aveugle et contre placebo difficiles à réaliser, amalgames des différentes techniques et professionnels délivrant des thérapies manuelles etc…). (9,10,33–36) Il est donc difficile de conclure sur son efficacité à l’heure actuelle. Elle est néanmoins considérée comme une option thérapeutique dans certains pays concernant les lombalgies aiguës communes (dont la France, l’Europe, les Etats-Unis, le Royaume Uni), seule indication faisant donc partie de certaines recommandations (15,21,37).

Il existe peu de littérature concernant l’utilisation de l’ostéopathie par les médecins généralistes français.

Quelques travaux de thèse ont étudié ce sujet, et ils montrent que la majorité des médecins généralistes français adressent leurs patients à des ostéopathes (de 70,7 % à 88,7 %) (38–45), mais qu’ils déplorent leur manque de formation concernant cette discipline, la trop grande variété de formations entre les différents professionnels ostéopathes et le manque de preuves scientifiques, rendant l’adressage difficile. Les opinions des médecins concernant cette discipline restent d’ailleurs très divergentes, et les rapports entre ces deux professions sont parfois difficiles ou inexistants.

Il existe quelques articles dans la littérature étrangère sur ce sujet, mais la législation d’un pays à l’autre étant tellement différente, ainsi que les cultures, qu’il est impossible d’extrapoler les résultats en dehors des pays où l’étude a été réalisée.

38 Il n’existe à l’heure actuelle que deux études quantitatives (46,47) portant sur l’attitude des médecins généralistes quant à l’ostéopathie dans cette indication précise, la lombalgie aiguë, qui est la plus largement admise, pathologie comme nous l’avons vu très fréquente, évoluant souvent vers la chronicisation, voire le handicap et l’invalidité, échappant parfois aux traitements de la médecine conventionnelle, et qui est à l’heure actuelle un enjeu économique pour les systèmes de santé dans le monde entier.

Dans ce contexte d’engouement grandissant des français pour l’ostéopathie, il nous a donc paru intéressant d’étudier d’un point de vue qualitatif comment les médecins généralistes (MG) intègrent l’ostéopathie à leur prise en charge des lombalgies aiguës communes, les facteurs influençant cette intégration et leurs opinions concernant cette discipline dans cette indication précise.

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MATÉRIEL ET MÉTHODE

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