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Pistes d’amélioration de WORMDYN

2. Amélioration de la qualité prédictive de WORMDYN

2.2. Paramétrisation du modèle

2.2.1. Ajout de classes de température et d’humidité

WORMDYN considère quatre classes environnementales, déterminées grâce à la littérature. Concernant la teneur en eau du sol, une valeur unique de seuil paraît suffisante car elle permet simplement de décider si l’humidité est limitante ou non pour L. terrestris et détermine ainsi les mouvements verticaux des sub-adultes et des adultes.

Toutefois, étant donné que la température optimale se situe entre 10 et 20 °C (Satchell, 1967 ; Butt et al., 1992) et que la température létale est estimée à 28°C pour cette espèce, le modèle pourrait considérer un autre seuil de température, situé entre 20 et 25°C. Même si de telles températures sont rarement atteintes à 15 cm de profondeur, ces conditions pourraient rendre compte d’un état du sol fortement néfaste vis-à-vis des populations de L. terrestris. Il ne serait sans doute pas nécessaire de modifier les paramètres démographiques des individus pouvant migrer en profondeur mais la survie et le développement des juvéniles pourraient être affectés par de telles conditions.

2.2.2. Prise en compte de la ressource trophique et des relations de compétition

L’étude menée sur l’essai de La Cage suggère que la disponibilité en matière organique à la surface du sol affecte les populations de vers. La prise en compte de la ressource trophique doit tenir compte de l’endroit où l’espèce de ver trouve sa ressource alimentaire. L. terrestris (à partir d’1g) est un épi-anécique qui se nourrit de résidus de culture en décomposition à la surface du sol et de matière organique contenue dans le sol. En parcelle cultivée, lorsque les cultures (annuelles) sont en place, il y a en général très peu de matière organique disponible pour les lombriciens à la surface du sol. Une fois la récolte effectuée, les résidus de culture, dont la qualité pour les vers dépend de l’espèce végétale, sont éventuellement laissés à la surface du sol et servent alors de ressource trophique à

L. terrestris. Mais différentes modalités de gestion de ces résidus peuvent être appliquées

(broyage, déchaumage, labour), dont l’effet sur la disponibilité de la ressource pour les vers est très variable.

WORMDYN pourrait être associé à un modèle simulant l’évolution de la quantité et de la qualité de la matière organique de surface qui tiendrait compte de l’évolution temporelle de l’état des cultures ainsi que de l’itinéraire technique. Kopetschny et al., (1999) ont proposé un modèle de dynamique des interactions des vers de terre avec la qualité et la quantité de litière en prairie. Ces auteurs ont mis en évidence un seuil moyen de qualité, en dessous duquel les populations de vers de terre diminuent. Par ailleurs, Daniel (1991) propose une équation permettant de déterminer la quantité de nourriture nécessaire à L. terrestris en

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71 conditions de laboratoire (nourriture ad libitum, humidité non limitante) en fonction de la température. Ainsi, Daniel (1992), qui utilise cette équation pour calculer les besoins de

L. terrestris en prairie, détermine qu’il faudrait environ deux fois plus de nourriture à 20°C

qu’à 15°C.

On pourrait adapter ces modèles pour permettre à WORMDYN de décrire l’état de la ressource trophique et les conséquences sur les vers de terre. Cela permettrait d’ajuster les paramètres démographiques du modèle sur lesquels la ressource alimentaire a un fort impact, comme les taux de changement de stade (JS et SA) ou le taux de fécondité des adultes (AC).

Par ailleurs, des vers de terre de la même espèce ou d’espèces différentes peuvent entrer en compétition pour l’accès à la ressource nutritive. Tondoh (1998) explique que l’absence de prise en compte des interactions biologiques (compétition inter- et intra- spécifique) dans son modèle, réalisé en conditions tropicales, est « probablement abusive ». De plus, Decaëns et al. (2008) montrent que les communautés de vers de terre sont fortement structurées par la compétition. Cette relation a été négligée dans WORMDYN car L. terrestris était largement dominant parmi les anéciques retrouvés dans nos essais, où il n’y avait pas d’épigés, ce qui limitait la compétition interspécifique pour l’accès à la matière organique de surface. Cependant, Lowe et Butt (2002) expliquent que L. terrestris acquiert son comportement anécique au fur et à mesure qu’il prend du poids et qu’à des stades précoces, les juvéniles (jusqu’à 1 g) ont un comportement endogé car ils vivent dans les premiers centimètres de sol, près de la surface. Pendant cette phase, ils sont donc en compétition avec les espèces endogées pour l’espace et la matière organique des horizons superficiels. Il faudrait alors inclure dans WORMDYN un terme traduisant la compétition interspécifique au stade juvénile, si des espèces endogées pouvant affecter les paramètres démographiques de

L. terrestris sont trouvés dans les parcelles d’étude. Cela sous-entend cependant de connaître

l’évolution de ces populations.

De plus, WORMDYN pourrait inclure un terme de densité dépendance. Daniel (1992) explique que l’abondance des adultes de L. terrestris est principalement influencée par la densité. En outre, Lavelle et Meyer (1983) estiment que l’ingestion de sol par le ver Millsonia

anomala est réduite lorsque sa densité dépasse 22.5 vers m-2. Il faudrait, de la même manière, fixer un seuil au delà duquel les paramètres démographiques de L. terrestris, comme le changement de stade et la fécondité, seraient négativement affectés.

2.2.3. Prise en compte des effets directs des pratiques culturales

Pour que le modèle soit vraiment utile à l’évaluation des systèmes de culture, il faudrait prendre en compte l’effet des pratiques culturales. Les résultats du chapitre précédent suggèrent que le travail du sol a un fort impact sur les populations de vers de terre alors que

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72 les pesticides les influencent beaucoup moins. Le labour provoque des dommages mécaniques ainsi qu’une exposition aux prédateurs (Edwards et Bohlen, 1996 ; Chan, 2001). Cependant, dans une étude menée par Tomlin et Miller (1988), en Ontario, la prédation des vers de terre par une espèce de goéland sur un sol fraîchement labouré s’est révélée faible. Par ailleurs, le labour engendre la destruction des galeries ainsi que la perte de la matière organique de surface. L. terrestris est donc généralement assez sensible à cette pratique.

Comme cela est suggéré dans la discussion du chapitre précédent, l’effet du labour pourrait être pris en compte en modifiant, après un passage de la charrue et pendant un temps court (e.g., un pas de temps), certains paramètres démographiques et principalement le taux de survie des plus grands individus (sub-adultes et adultes). Les chiffres donnés par Tomlin et Miller (1988) donnent des pistes pour la prise en compte des conséquences du labour sur les populations de vers de terre par WORMDYN. Lorsque le modèle prendra en compte les pratiques les plus importantes pour les populations lombriciennes, nous pourrons réfléchir à la manière d’inclure celles qui les influencent de manière moins prononcée.

2.2.4. Effet de seuils de température et d’humidité

Les seuils de température et d’humidité utilisés dans WORMDYN ont été déterminés à partir de la littérature. Pour la température, l’intervalle 10-20°C semble être optimal pour

L. terrestris. Cette hypothèse suppose que lorsque la température passe en dessous de 10°C, le

modèle considère que les conditions sont moins bonnes, même si elle est très proche. Il en est de même pour le seuil minimum d’humidité du sol. WORMDYN pourrait, à la place de tels effets de seuil, considérer des fonctions continues liant la valeur du paramètre démographique à celle du facteur température ou humidité. Lakhani et Satchell (1970) ont proposé des courbes de survie de L. terrestris ; il faudrait pouvoir obtenir le même type de courbes, mais en fonction de la température et de l’humidité. Malheureusement, cela nécessite beaucoup d’études en conditions contrôlées faisant varier simultanément les deux paramètres et de telles études ne sont pas encore disponibles dans la littérature.

Par ailleurs, il semblerait que l’optimum de température pour les cocons et les juvéniles soit de 10°C alors qu’il serait de 20°C pour les plus grands individus, à savoir les sub-adultes et les adultes. WORMDYN pourrait par conséquent considérer des conditions optimales pour les stades les plus précoces qui soient différentes de celles des stades plus avancés.

2.2.5. Paramétrisation avec expérience d’élevage

Le trop grand nombre de paramètres comparé à la quantité de données récoltées sur le terrain ne nous a pas permis d’estimer la valeur des paramètres du modèle ni même de les

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73 ajuster aux données observées. WORMDYN a donc été paramétré grâce aux données de la littérature. Cependant, les seuils minimum de survie globale (l’individu reste au même stade ou change de stade, e.g., SS + SA) en conditions (i=2, 3 et 4) n’ont pas été trouvées dans la littérature et reposent donc sur des hypothèses. Par exemple, le taux minimum de survie globale des juvéniles (JJ + JS) a été fixé à 0.4, ce qui peut paraître peu mais nous n’avions pas assez de données pour l’estimer de manière plus précise. Il faudrait par conséquent réaliser une expérience d’élevage. L. terrestris est un ver qui migre verticalement et qui a la réputation d’être difficile à élever. Cependant, plusieurs paramètres pourraient être évalués grâce à de tels dispositifs, notamment la survie et le temps d’incubation des cocons ainsi que la survie des juvéniles et le temps de passage au stade sub-adulte, à partir duquel WORMDYN considère que les vers commencent à migrer.

Différentes méthodes et conditions d’élevage peuvent être envisagées, telles que :

- l’élevage en conditions de laboratoire, qui permet de contrôler plusieurs facteurs simultanément et de manière précise. L’inconvénient de cette méthode est que les résultats ne seront pas toujours extrapolables aux milieux naturels.

- l’élevage en conditions semi-naturelles : Tondoh (1998) décrit un protocole, inspiré de celui de Lavelle (1978), dans lequel des blocs de sol de 25 cm de côté et 30 cm de profondeur ont été débarrassés des vers de terre et des cocons avant d’être placés dans des filets en maille (200 µm) d’acier inoxydable. Ce dispositif a ensuite été replacé en milieu naturel et recouvert d’une toile pour éviter les fuites et les intrusions. Les vers de terre et les cocons ont été récoltés tous les 48 jours environ par lavage et tamisage puis ont été remis dans de nouveaux blocs de sol. Cette méthode paraît intéressante mais elle nécessite des moyens importants en termes de temps et d’espace.

- les méthodes de capture/marquage/recapture : Butt et Lowe (2007) proposent une technique de marquage basée sur l’implantation d’un élastomère visible, qui n’affecte pas la croissance, l’accouplement ni la production de cocons de

L. terrestris. Cependant, cette technique doit encore être améliorée car l’injection

de l’élastomère est délicate et le temps de vie des marqueurs est variable.

Par ailleurs, l’analyse de sensibilité révèle que la dynamique de L. terrestris est particulièrement sensible à des variations des paramètres de survie des juvéniles (JJ) et de fécondité (AC). En bonnes conditions (i=1), c’est la fécondité qui est la plus importante alors qu’en conditions plus défavorables (i=2, 3 et 4), la survie des juvéniles prévaut. De la même manière, Tondoh (1998) constate que la survie des individus immatures joue beaucoup sur dynamique de la population du ver Hyperiodrilus africanus alors que Svendsen et al. (2005) trouvent que leur modèle est sensible à la survie adulte et à la viabilité des cocons.

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74 Les paramètres influençant fortement la dynamique de L. terrestris dans WORMDYN font partie des paramètres que l’on peut estimer grâce à une expérience d’élevage. Il serait par conséquent intéressant, dans un souci d’amélioration de la paramétrisation et donc de la qualité prédictive du modèle, de déterminer les valeurs de survie juvénile et de fécondité en conditions contrôlées, correspondant aux classes environnementales proposées par WORMDYN.

2.2.6. Application du modèle à d’autres espèces

WORMDYN est extrapolable à toute espèce ayant des caractéristiques similaires à celle de L. terrestris. Mais une telle adaptation nécessite l’acquisition d’un grand nombre de données sur le cycle de vie et la biologie de l’espèce. Par exemple, la littérature renseigne de manière relativement précise le cycle de vie de l’espèce Aporrectodea caliginosa. Par comparaison avec L. terrestris, ses préférences en terme de température et d’humidité semblent être les mêmes (Lee, 1985 ; Daugbjerg, 1988 ; Nair et Bennour, 1998 ; Booth et al., 2000) mais A. caliginosa ne migre pas verticalement car c’est une espèce endogée. De plus, son taux de fécondité (Boström, 1988 ; Vercesi et al., 2006) semble supérieur à celui de

L. terrestris. Les temps d’incubation des cocons (Holmstrup, 2001 ; Nair et Premkumar,

2007) et de maturation des juvéniles (Boström et Lofs Holmin, 1996 ; Booth et al., 2000) paraissent, quant à eux, inférieurs. Il faut donc adapter la valeur des paramètres à l’espèce choisie et au pas de temps retenu pour le modèle.

L’approche matricielle utilisée dans WORMDYN pourrait servir de base pour modéliser la dynamique d’autres organismes de la faune du sol. Cette démarche permettrait de mieux caractériser la composante biologique des agrosystèmes.

Références

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