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CHAPITRE II : ETAT DE L’ART SUR LE MECANISME D’OXYDATION DANS LES STRUCTURES

II.4. Cinétique d’oxydation

II.4.1. Paramètres intrinsèques à la structure à oxyder

La sélectivité de la réaction chimique à l’origine du procédé d’oxydation humide est principalement liée à la teneur en aluminium. En effet, seules les couches d’AlxGa1-xAs avec une fraction molaire d’AlAs supérieure à 80% (x>0.8) s’oxyderont avec une cinétique d’oxydation qui dépendra fortement de cette proportion entre l’aluminium et le gallium. Pour illustrer cette forte dépendance, il a été relevé qu’une fluctuation de ± 0.5% sur la composition d’un alliage d’Al0.98Ga0.02As provoque une variation de la vitesse d’oxydation de 40% [47]. Choquette et al. ont mené des travaux décrivant la diminution rapide de la vitesse d’oxydation en fonction de la teneur en gallium [41]. La figure II.4-1 représente cette évolution pour une couche d’AlxGa1-xAs de 100 nm d’épaisseur qui s’oxyde à une vitesse de 3µm/min pour une teneur nulle en gallium et une vitesse de 0.7µm/min pour une teneur en gallium de 2%. On remarque aussi que la vitesse d’oxydation tend vers zéro quand la teneur en gallium augmente. La sélectivité évoquée précédemment provient du fait que, si l’on considère les enthalpies de formation des réactions chimiques décrites précédemment, la transformation du GaAs en oxyde de gallium GaxOy est moins aisée que l’oxydation de l’AlAs. En effet, contrairement à la réaction de AlAs avec l’eau (équation II.3) qui est très exothermique (ΔG698 = −451 kJ/mol), l’oxydation du GaAs par l’eau est endothermique [25] :

2𝐺𝑎𝐴𝑠 + 6𝐻2𝑂 ⇔ 𝐺𝑎2𝑂3+ 𝐴𝑠2𝑂3+ 6𝐻2 ΔG698 = +77 kJ/mol (II. 9) Ainsi, les enthalpies libres de réaction étant dépendantes de la teneur en aluminium, ceci implique une forte augmentation de l’énergie d’activation de la réaction de l’oxydation avec l’incorporation de gallium. Elle passe de 1.84 eV pour une couche Al0.92Ga0.08As à 1.25 eV pour une couche d’AlAs [41]. Ceci explique donc en grande partie le ralentissement des cinétiques d’oxydation dans le cas de l’AlxGa1-xAs.

Figure II.4-1 : Variation de la vitesse d’oxydation latérale d’une couche d’AlxGa1-xAs de 100 nm d’épaisseur entourée de couches de GaAs de 100 nm d’épaisseur en fonction de la fraction molaire x d’AlAs [41].

Epaisseur de la couche et son environnement

L’épaisseur de la couche à oxyder est un paramètre qui influe considérablement sur la cinétique d’oxydation. Kim et al. [46] ainsi que Choquette et al. [41] ont pu étudier cet effet en mettant en évidence la présence de deux régimes distincts pour la cinétique du procédé. Les figures II.4-2 et II.4-3 issues de leurs travaux respectifs, l’illustrent parfaitement. Ils ont constaté que pour une épaisseur d’AlAs inférieure à 75nm, la vitesse latérale d’oxydation diminue rapidement avec l’épaisseur. Alors que pour des épaisseurs supérieures à 75nm, la vitesse tend à saturer autour d’une valeur limite. Les premières hypothèses avancées suggèrent que dans le cas de couches très fines, la diffusion des espèces oxydantes et l’évacuation des composés volatiles de la réaction sont perturbées. Yoshikawa et al ont expliqué cette perturbation par le développement important de contraintes mécaniques liées à la réduction de volume de la couche oxydée qui viennent s’opposer au processus de diffusion et diminuer la vitesse de l’oxydation. Des études couplant analyses TEM et modélisations réalisées par Naone et Coldren ont permis d’apporter une seconde interprétation liée à la forme du front d’oxydation [48]. En effet, ils ont montré que le front d’oxydation présente une courbure dont le rayon dépend de l’épaisseur de la couche oxydée. En citant l’effet Gibbs-Thomson qui stipule que l’origine de cette courbure est une pression qui s’oppose à l’avancement de l’oxyde, ils ont avancé l’idée que plus la couche sera fine, plus cet effet d’interface sera important inhibant ainsi la réaction chimique d’interface.

En considérant les deux interprétations précédentes, les mécanismes limitant la vitesse d’oxydation semblent agir à la fois sur le processus de la réaction chimique et sur la diffusion de manière complémentaire.

Figure II.4-2 : Evolutions des longueurs d’oxydation d’une couche d’AlAs en fonction de son épaisseur à 400°C. En insert la courbe de 120 min d’oxydation montrant l’épaisseur minimale pouvant être oxydée (~11mn) [46].

Figure II.4-3 : Evolution de la vitesse d'oxydation d'une couche d'AlAs en fonction de son épaisseur pour une température de 400°C [41].

En plus de son épaisseur, la structure et l’environnement immédiat d’une couche peuvent avoir une influence sur la vitesse d’oxydation. En effet, en fonction de leur composition, les couches voisines peuvent accélérer ou retarder le processus d’oxydation d’une couche donnée. Les travaux de Kim et al ont pu mettre en évidence ce phénomène [46]. La figure II.4-4 issue de leurs études représente la cinétique d’oxydation à 400°C d’une couche d’AlAs de 60 nm d’épaisseur dans deux environnement différents. Pour le premier cas la couche était prise en sandwich entre deux couches de GaAs (a). Dans le second cas, ils ont incorporé une fine couche de 10 nm d’Al0.72Ga0.28As entre les couches de GaAs et AlAs (b). On remarque que l’utilisation d’une couche l’Al0.72Ga0.28As diminue la vitesse d’oxydation. Ils ont précisé qu’elle ne s’oxydait pas et ont expliqué cette baisse dans ce cas par la réduction des contraintes mécaniques induites par l’oxydation. Cependant, il semblerait que cette couche puisse s’oxyder et ce phénomène a été observé pour nos structures. Nous confirmerons ce point au chapitre IV consacré à l’étude structurale des oxydes. Ainsi, l’oxydation de ces couches adjacentes pourrait expliquer la baisse de vitesse d’oxydation si l’on raisonne à flux d’espèces

Figure II.4-4 : Profondeur d'oxydation en fonction du temps pour une couche d'AlAs de 60nm entourée (a) de GaAs ou (b) de 10 nm d'Al0.72Ga0.28As de part et d'autre [46].

La nature des couches adjacentes doit donc être prise en compte pour une meilleure compréhension du processus d’oxydation thermique humide dans les hétérostructures.

Technique de croissance de la structure (MBE ou MOVPE)

Une étude a été menée dans le but de comparer les vitesses d’oxydation de deux échantillons ayant rigoureusement la même structure GaAs/AlAs mais élaborés par deux techniques de croissance différentes : MBE et MOVPE. Le Dû et al. ont ainsi pu observer que la vitesse d’oxydation de l’échantillon élaboré par MOVPE est deux fois plus élevée que celle de échantillon réalisé par MBE [49]. Cette différence de vitesse a été justifiée par le fait que par MOVPE, le taux d’hydrogène résiduel dans les couches épitaxiées est plus important qu’en MBE. Or, comme on sait que l’hydrogène joue un rôle essentiel dans l’évacuation des espèces volatiles telles que l’arsenic résiduel sous forme d’arsine AsH3, sa présence est un facteur promoteur à l’oxydation.

Orientation cristalline et anisotropie

L’orientation cristalline a également une influence sur la vitesse d’oxydation, plus précisément sur l’évolution de l’avancée du front d’oxydation. En effet, il a été observé que pour des couches riches en Al et pour des mesas circulaires, la progression du front d’oxydation ne se fait pas de manière isotrope [50], [51]. La vitesse d’oxydation apparait plus rapide suivant les directions <100> que <110> (figure II.4-5). Au cours du procédé, ce sont les directions cristallines qui dictent la cinétique d’avancement du front d’oxydation. Au bout d’un certain temps, lorsque les plans {100} montrant les vitesses d’oxydation rapides se rejoignent, ils limitent la progression de l’oxyde.

Cette anisotropie observée expérimentalement a été reliée à la différence de réactivité entre ces plans caractéristiques. On sait que l’énergie d’activation du processus d’oxydation varie en fonction de la somme des énergies de liaisons covalentes à rompre par atome. Dans une maille élémentaire d’AlAs, les atomes contenus dans les plans {100} sont tous des atomes d’aluminium alors que les plans {110} sont quant à eux iso-denses en atomes d’aluminium et d’arsenic. Plusieurs

équipes ont montré que l’oxydation est plus rapide selon les directions à terminaison de surface d’élément III [52], [53]. Cet effet a été expliqué par le fait que l’aluminium forme de fortes liaisons avec l’oxygène ce qui facilite l’extraction des atomes d’aluminium à triple liaison alors que les liaisons formées entre les atomes d’arsenic et ceux d’oxygène sont plus faibles [54]. De même, pour les structures sur GaAs, des études ont montré que l’absorption de l’oxygène dans un cristal de GaAs cylindrique se fait plus aisément selon les directions <100> que suivant les axes <110> car la réactivité de surface est plus importante dans ce cas [55].

Figure II.4-5 : Courbes polaires représentant la profondeur de l’oxydation de couches enterrées d’AlAs en fonction de l’orientation cristalline du substrat de GaAs (a) wafer (100) et (b) wafer (110) [52].

Toutefois, il est important de noter que cet effet d’anisotropie n’intervient que pour des couches d’AlGaAs ayant une faible teneur en gallium (inférieure à 8%) [41]. Plus on incorpore du gallium dans la couche à oxyder, plus l’effet est réduit et la progression de l’oxyde devient uniforme suivant tous les plans cristallins. D’après la figure II.4-5, pour le wafer de surface (100), l’anisotropie d’oxydation augmente également avec la température, ce qui ne semble pas être le cas pour le wafer de surface (110).

Gaël Lafleur a consacré une grande partie de sa thèse à l’étude théorique et expérimentale de l’anisotropie du procédé d’oxydation [54]. Il a pu mettre en évidence la dépendance de la géométrie du front d’oxydation avec la forme de la mesa oxydée. Il a montré que l’anisotropie est plus faible lors de l’oxydation de mesas concaves que pour les mesas convexes. Ceci indique que l’origine est d’ordre réactionnel. L’anisotropie plus faible pour les mésas concaves, conjuguée à une influence plus importante de la diffusion pour l’oxydation pour ces mêmes types de mesas conduisent à une diffusion des espèces oxydantes plus isotrope. Ainsi, c’est donc la réaction entre ces espèces et l’AlAs qui donne son caractère anisotrope à l’oxydation. De plus, ils ont constaté la diminution de l’anisotropie avec l’ajout de gallium dans la couche à oxyder ce qui vient confirmer l’origine d’ordre réactionnel de l’anisotropie. Une étude a également été menée sur l’influence des paramètres d’oxydation tels que la température, la teneur en vapeur d’eau dans la phase gaz ou la pression [56]. Ils ont pu montrer que des oxydations à hautes températures et faibles teneurs en vapeur d’eau permettent de tendre vers une géométrie isotrope du front d’oxydation. Cependant, ils n’ont pas observé d’influence de la pression à l’intérieur du four d’oxydation sur l’anisotropie.

Dans le cas des VCSELs, le contrôle de cette anisotropie s’avère crucial car elle influe sur la sélection des modes émis, la polarisation de la lumière [57] et même sur la distribution des

II.4.2. Paramètres extrinsèques à la structure à oxyder