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Parallèle avec le virus de la myxomatose

Dans le document Émergence et évolutions des lagovirus (Page 111-114)

Partie 1 : La famille des Caliciviridae

2.5 Parallèle avec le virus de la myxomatose

2.5.1 Evolution de la virulence sur le terrain

Bien avant le RHDV, c’est le virus de la myxomatose (MYXV) qui a été utilisé en Australie pour contrôler le nombre de lapins européens (dans les années 1950). Au final, ces deux virus constituent le plus grand succès dans le contrôle biologique de populations de vertébrés et, ensemble, ils ont permis une réduction d’environ 85% de la population de lapins envahissants en Australie (Figure 40).

Figure 40 : Impact temporel du MYXV et du RHDV sur les populations australiennes de lapins.

La densité de population de lapins a été fixée à 100% en 1945. Les flèches indiquent les dates auxquelles ont été introduits les deux virus. (Di Giallonardo, Holmes, 2015)

Le MYXV est un virus à ADN double brin de la famille des Poxviridae, dont le saut d’espèce depuis son hôte naturel (Sylvilagus brasiliensis) vers O. cuniculus a résulté en une augmentation marquée de sa virulence. C’est donc une de ces souches hautement pathogènes qui a été introduite en Australie en 1950, causant une réduction immédiate de la taille de la population de lapins. Cependant, quelques années après cette introduction, des souches atténuées ont été observées sur le terrain et peu de temps après, la population de lapins a commencé à augmenter à nouveau. Etonnamment, cette atténuation de virulence a également été observée en Europe suite à l’introduction illégale du virus en France.

La dominance apparente de virus à virulence moyenne (suite à l’évolution de quelques années sur le terrain) peut être interprétée comme une sélection de ceux-ci par rapport aux

111 virus hautement pathogène, qui tuant l’animal trop rapidement, ne produisent pas une charge virale assez conséquente pour assurer leur transmission. En conséquence, l’exemple du MYXV donne du poids à la théorie basé sur le fait que le niveau de virulence est le reflet d’un compromis évolutif avec les moyens de transmission du virus (Figure 41). Cette théorie est à nuancer par l’observation de virus à virulence augmentée dans certaines régions australiennes, indiquant que les caractéristiques écologiques locales ont aussi leur importance dans l’évolution de la virulence virale.

Figure 41 : Relations possibles entre virulence et transmission chez les virus du lapin.

L’axe des abscisses représente le taux de mortalité approximatif chez l’hôte (estimation de la virulence) pour les trois virus du lapin de 0% (virus bénins) à 100% (létalité maximale), les différents taux de virulence du MYXV inclus. Les probables relations entre mortalité et les valeurs hypothétiques en titre viral (barres) et la transmission (distribution en forme de cloche) sont présentées.

L’introduction du RHDV en Australie dans le milieu des années 1990 dépeint un tableau évolutif de la virulence bien différent de celui observé pour le MYXV. En effet, malgré des taux de mortalité très disparates localement (en lien avec le RCV-A1, le climat et la ressource en vecteurs (voir ci-dessus)), il n’y a actuellement aucune preuve d’atténuation de virulence chez le RHDV, puisque celle-ci apparait constamment haute sur le terrain. Si l’on se base sur l’hypothèse principale, qui considère que la virulence est apparue à partir d’un ancêtre commun ayant connu une évolution sans changement d’espèce, l’augmentation de la mortalité des lapins constitue alors un avantage sélectif pour le RHDV.

112 On note toutefois que l’efficacité du RHDV en tant qu’agent de biocontrôle a été diminuée par l’augmentation de la résistance chez le lapin et par la protection croisée conférée par le RCV-A1.

2.5.2 Evolution virale dans un environnement naïf

En dépit d’un nombre conséquent d’introduction du RHDV en Australie, il est remarquable que tous les échantillons prélevés sur le terrain présentent des souches qui dérivent du variant initial, échappé de quarantaine en 1995. Ainsi, dans un environnement complètement naïf, les souches virales qui ont rapidement réussi à s’adapter à la population de lapins hôte ont peut-être été en mesure de supplanter les souches re-libérés (ayant le génotype de l'inoculum original), par coévolution avec les lapins pour maintenir une virulence haute.

Le même type de résultat a été observé pour le MYXV. La souche SLS, initialement introduite en Australie constitue un ancêtre commun à toutes les souches échantillonnées sur le terrain malgré les multiples introductions de ce virus et notamment de la souche de Lausanne (LU). En Europe, où la souche LU a été introduite initialement, celle-ci est également restée dominante malgré les multiples introductions.

2.5.3 Mise en place de résistances aux agents de biocontrôle

Même si les mécanismes de développement de résistances aux virus sont encore très peu connus, l’introduction volontaire du MYXV et du RHDV a permis l’obtention d’informations importantes sur l’apparition et l’évolution des résistances chez les hôtes.

En effet, l’impact du MYXV en Australie a été sévèrement affaibli par la mise en place rapide de résistances chez les lapins. Par exemple, il a été montré que la mortalité des lapins est passée de 54% à 26 % en un an dans la région du lac Urana (NSW). Il semblerait que les lapins résistants aient des réponses en cellules Natural Killer et cytokine de type 1 renforcées, ce qui leur permet de mieux contrôler l’infection virale.

La résistance au RHDV, probablement liée aux antigènes du groupe sanguin (HGBA) présentés au niveau de la muqueuse du tube digestif permettrait majoritairement la prévention de l’infection, alors que la résistance au MYXV est liée à un meilleur contrôle de la réplication et de la dissémination virale.

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2.5.4 Evolutions comparées en Australie et en Europe

L’émergence de ces deux virus simultanément en Europe et en Australie permet de comparer de façon précise leurs évolutions.

Concernant le MYXV, l’observation la plus frappante est que sur les deux continents, sa virulence a rapidement diminué, certainement suite à la même sélection consécutive à une transmission vectorielle supérieure lorsque les lapins survivent plus longtemps et que la charge virale est accrue. Cette convergence phénotypique apparente ne provient cependant pas d’une convergence à l’échelle génétique. Une telle caractéristique est compatible avec le fait qu’un virus à ADN double brin comme le MYXV possède une flexibilité génomique suffisante pour permettre de trouver de multiples solutions au même problème adaptatif.

Pour le RHDV, aucune atténuation n’a été observée ni en Europe, ni en Australie. Cela s’explique par le fait que, contrairement au MYXV qui se transmet à partir d’animaux malades vivants, le RHDV est transmis de façon optimale par les insectes et l’environnement à partir d’animaux morts de RHD.

On ne peut malgré tout pas exclure que l’évolution de ces deux virus ait été impacté par la baisse significative du nombre de lapins en Australie (environ – 50%) lors de l’introduction du RHDV, provoquant des variations locales de la pression de sélection.



Dynamique évolutive

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