• Aucun résultat trouvé

Effets cytopathiques

Dans le document Émergence et évolutions des lagovirus (Page 77-80)

Partie 1 : La famille des Caliciviridae

6.3 Effets cytopathiques

6.3.1 Apoptose et défaut de régénération cellulaire

L’insuffisance hépatique aiguë entrainée par l’apoptose massive des hépatocytes semble être la principale lésion entrainant la mort des lapins infectés. Aussi, il a été montré que l’apoptose de ces cellules était liée à des mécanismes complexes de dérégulations de signaux cellulaires induit par le virus.

Ainsi, lors de l’infection par le RHDV, on observe une augmentation significative de l’activité de la capsase-3 dès 36 hpi. Cette enzyme entraine le clivage et donc l’inactivité d’une autre enzyme qui permet l’initiation de la réparation de l’ADN : la PARP (Poly (ADR-ribose) Polymérase). Il y a alors accumulation de lésions de l’ADN des cellules infectées, ce qui va entrainer leur apoptose. Ce processus semble être complété par l’augmentation de l’expression du TNF dès 12 hpi. (Tumor Necrosis Factor) et de ses récepteurs (TNF-R) mis en évidence dans les foies de lapins malades (García-Lastra et al., 2010 ; Streetz et al., 2000). En effet, l’expression accrue de TNF et TNF-R a pu être corrélée avec le nombre de cellules apoptotiques et le taux de mortalité chez la souris. Il y a augmentation de l’activation de JNK (c-Jun N-terminal Kinase), connue pour l’induction de l’apoptose cellulaire en réponse à un stress environnemental entrainé par des cytokines inflammatoires telles que le TNF ((Ip, Davis, 1998).

En outre, la régénération des cellules hépatiques est essentielle lors d’hépatite aiguë pour permettre une récupération fonctionnelle du foie compatible avec la survie du patient. Celle-ci repose sur l’équilibre facteurs stimulateurs libérés dans le cadre de la réponse régénérative et substances inhibitrices. Les membres de la famille des STAT (Signal Transducers and Activators of Transcription) sont connus pour leur implication dans le processus de régénération et semble jouer un rôle clé dans la défense antivirale. En effet, lorsque STAT-1 est phosphorylée, il y a formation d’hétérodimères qui, transloqués dans le noyau activent la transcription de nombreux gènes cibles dont plusieurs protéines antivirales. Plusieurs autres gènes, également mis en jeu lors de l’activation de STAT-3, se sont montrés impliqués dans la protection et la régénération du foie.

Or, le blocage de la fonction des protéines STAT semble être un moyen commun à de nombreux agents pathogènes pour échapper au système immunitaire. L'un de ces

77 mécanismes de blocage implique un suppresseur de signalisation des cytokines (protéines SOCS), qui sont des inhibiteurs puissants de la signalisation endogène STAT. Ainsi l’observation d’une surexpression de SOCS-3 chez les lapins infectés cause très probablement une inhibition des STAT-1 et 3, d’où un défaut de défense et de régénération du foie (García-Lastra et al., 2010). De plus, les facteurs de transcription NF-κB et AP-1 qui régulent l’expression de gènes impliqués dans la réponse inflammatoire connaissent une augmentation significative, respectivement à 36 hpi et 12 hpi.

D’autres études ont montré une augmentation de l’expression du TGFβ1 dans les stades avancés de l’infection, le TGFβ1 (Transforming Growth Factor β1) inhibant l’expression du HGF (Hepatocyte Growth Factor), un puissant mitogène hépatocytaire, ce qui vient confirmer l’hypothèse d’une inhibition de la régénération cellulaire dans la pathogénie du RHDV (Sánchez-Campos et al., 2004).

Néanmoins, cette apoptose ne se réduit pas seulement aux cellules hépatiques puisqu’une étude récente a montré que ce processus de mort cellulaire se retrouvait aussi dans les leucocytes du sang périphérique. Des analyses par cytométrie de flux ont montré un nombre de leucocytes apoptotiques en augmentation à partir de 4 à 8 hpi jusqu’à un maximum à 24-36 hpi, avec une atteinte plus prononcée des lymphocytes par rapport aux granulocytes, suggérant leur rôle plus important dans la pathogénèse du RHDV (Niedźwiedzka- Rystwej et al., 2013).

6.3.2 Autophagie

Récemment, une équipe de chercheurs espagnols a montré qu’il existait dans le foie de lapins infectés, un phénomène intimement lié et de manière complexe avec l’apoptose : la macroautophagie ou autophagie. En conditions normales, l'autophagie est essentielle pour l'homéostasie cellulaire. Elle permet l’élimination de matériel toxique pour la cellule et fournit un apport de constituants de base pour la synthèse protéique ou lipidique. C’est pour autant un processus complexe qui peut aussi dans certaines conditions participer à la mort cellulaire et est impliqué dans de nombreuses maladies (Muller, 2011).

L’autophagie fait partie de l’immunité innée via sa capacité à dégrader les pathogènes

intracellulaires. Cependant, de nombreux virus, y compris le virus de l'hépatite C (VHC), le virus

de la dengue ou le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), possèdent des mécanismes évolués leur permettant d’échapper à l'autophagie et dans certains cas, parviennent à être

78 encore plus subversifs, en utilisant la réponse autophagique pour améliorer la réplication et la libération virale.

Ainsi, Vallejo et al., (2014) ont pu mettre en évidence in vivo que l’infection par le RHDV induit une réponse autophagique rapide, associée au développement d’un stress du réticulum endoplasmique. En effet, LC3, une protéine ubiquitin-like dont la quantité est corrélée au nombre d'autophagosomes, a été détectée dès 12 hpi dans les hépatocytes de lapins infectés, avec un retour à la valeur des témoins à 30 hpi. Cette détection a été similaire pour d’autres marqueurs d’autophagie. Aussi, il a été observé que, conjointement à cette augmentation du nombre de cellules subissant l’autophagie, il y avait une augmentation précoce du signal mTOR (mammalian Target Of Rapamycin), qui en temps normal entraine une inhibition de cette dernière (Vallejo et al., 2014). On peut alors émettre l’hypothèse de la mise en place d’un mécanisme d’échappement à la régulation de l’autophagie suite à l’infection par le RHDV, qui pourrait être utilisé pour la dissémination du virus.

L’autophagie a également été objectivée par l’observation en microscopie électronique à transmission de sections de foies de lapins infectés traitées par immunohistochimie permettant la localisation de LC3 (Figure 28). La visualisation des structures autophagiques a débuté dès 12 hpi (Figure 28B) mais on peut penser que leur mise en place fut plus précoce car aucune analyse n’a été faite plus avant. A 30 hpi, on retrouve les signes d’apoptose.

79

Figure 28 : Foies de lapins infectés par le RHDV vus en microscopie électronique.

A : Contrôle. B : à 12 hpi. C : à 18 hpi. D : à 24 hpi. E : à 30 hpi. F : à 36 hpi. L’apparence d’un foie normal est visualisée chez les lapins du groupe contrôle (A). Dans les premières étapes de l’infection (B à D), on observe une augmentation du nombre et de la densité des lysosomes et des mitochondries. Les flèches noires indiquent la présence d’un grand nombre de vacuoles d’autophagie. Dans les étapes plus avancées (E à F), la chromatine se condense à la périphérie de la membrane nucléaire. Le cytoplasme des hépatocytes se vacuolise (flèches noires) (Vallejo et al., 2014)

A partir de 36 hpi, alors que la multiplication du virus se poursuit (détection de la VP60 en augmentation), il y a retour à la normale des marqueurs de l’autophagie et la mise en place de l’apoptose (augmentation de l’activité de la caspase-3).



Immunité

Dans le document Émergence et évolutions des lagovirus (Page 77-80)