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7. Stratégies d’amélioration des substituts vasculaires

7.2 Le paradigme de la néoendothélialisation

Les mécanismes d’endothélialisation in vivo des prothèses vasculaires ont été étudiés pendant plusieurs décennies. La croissance d’un endothélium à la surface des prothèses vasculaires permettrait au substitut d’être résistant à la resténose par thrombose ou par hyperplasie intimale.

L’endothélialisation in vivo peut suivre trois mécanismes. Tous d’abord, la migration et la croissance endothéliale peut être transanastomotique (Figure 20.a). Ensuite, l’endothélialisation peut être induite par déposition de cellules endothéliales circulantes progénitrices (EPC) formant des ilots sur la surface luminale de la prothèse. Finalement, l’endothélialisation peut également s’effectuer par les pores de la prothèse et sera appelé endothélialisation transmurale (Figure 20.b). Ces mécanismes se distinguent de l’endothélialisation in vitro et seront étudiés dans ce paragraphe.

7.2.1 Endothélialisation transanastomotique

La néoendothélialisation transanastomotique (figure 20.a) ou croissance du pannus est définie par la croissance de l’endothélium par l’anastomose après l’implantation d’une prothèse. Longtemps considéré comme l’unique mécanisme d’endothélialisation, les études d’implantation chez l’animal ont montré des résultats spectaculaires. L’endothélialisation des prothèses vasculaires, dite spontanée, était dans certains cas complète et rapide [96]. Cependant, ces études sont aujourd’hui obsolètes et critiquées parce que les prothèses utilisées étaient trop courtes, que les mécanismes d’endothélialisation étaient mal compris et que les modèles animaux utilisés étaient très éloignés de l’humain en termes de croissance endothéliale. À titre d’exemple, le temps de croissance des cellueles endothéliales provenant de l’anastomose est 56 semaines chez l’humain, 4 semaines chez le singe et 3,5 semaines chez le chien [67] pour une même surface endothélialisée. D’autres études montrent que le pannus n’excède jamais 10 mm après 11 ans d’implantation chez

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l’humain [96] ; ce chiffre étant dépendant de beaucoup de facteurs comme l’âge, la structure de la prothèse ou l’acte chirurgical. Les mécanismes sous-jacents sont peu connus, néanmoins, les cellules endothéliales humaines adultes ont une capacité de duplication d’environ 70 cycles ce qui limite considérablement la création d’un endothélium par voie anastomotique [97,98]. De plus, on peut noter que la croissance transanastomotique des cellules endothéliales est plus prononcée pour des prothèses en ePTFE que des prothèses en PET. Plus récemment, des prothèses plus longues implantées chez l’animal ont montré d’autres mécanismes d’endothélialisation, d’autres informations histologiques [99] et les précautions à prendre lors d’études chez les gros animaux (cochons, singes, brebis…) [67].

7.2.2 Endothélialisation par îlots

Le premier cas de ce type d’endothélialisation est exposé par Sauvage en 1975 [100]. Le patient, implanté d’une prothèse en PET de plus de 45 cm, présentait une réendothélialisation de 32% de sa paroi après 20 mois d’implantation (Figure 19). Les ilots de cellules endothéliales étaient éloignés du pannus ce qui sous-entend un mécanisme d’endothélialisation différent. Des observations similaires ont été rapportées par le même groupe jusqu’en 1998 [101], permettant la découverte de la plupart des mécanismes menant à cette endothélialisation. Les cellules endothéliales observées proviennent de cellules progénitrices circulantes (voir section 3.7) non différenciées issues la lignée hématopoïétique [102]. Ces cellules peuvent s’accrocher aux parois de la prothèse grâce à la présence de protéines favorisant l’adhésion cellulaire comme la fibronectine et proliférer sur la surface de la prothèse recouverte de fibrine, structure propice à la prolifération [103]. De plus, la faible quantité de surface recouverte est due à leur présence très limitée dans le sang (6 à 7 cellules/mL [104]). Néanmoins, elles peuvent être différenciées par les marqueurs CD34+ ou CD45- et isolées des cellules sanguines afin de les cultiver in vitro

[102]. Cette nouvelle source de cellules progénitrices est prometteuse dans la création d’un substitut néoendothélialisé.

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Figure 19. Cas d’implantation d’une prothèse en PET tricotée avec velours externe par

pontage auxiliaire gauche-fémorale bilatérales (A) et ses zones endothélialisées (B) (adaptée de [100])

7.2.3 Endothélialisation transmurale

Le mécanisme d’endothélialisation transmurale des prothèses artérielles débute par la formation de capillaires provenant des tissus périphériques à la prothèse. Des observations chez le singe ont montré que ces capillaires pouvaient infiltrer les pores de la prothèse et ainsi coloniser la surface luminale de cellules endothéliales [98]. Cette angiogenèse à travers la paroi de la prothèse dépend de sa porosité. En effet, dans des structures en ePTFE microporeux, une taille de pores inférieure à 30 μm ne permet pas ce type de croissance (Figure 20.a) tandis qu’elle est possible pour une taille de pores supérieure à 45 μm [67] (Figure 20.b). En ce qui concerne les prothèses en PET tissées ou tricotées [67], le mécanisme d’endothélialisation est moins clair. Il semblerait que l’endothélialisation

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proviendrait plutôt des EPCs, car la réaction inflammatoire provoquée par l’implantation engendre une couche trop dense de fibrine sur ce matériau. Les capillaires ne traversent donc pas totalement la paroi ; ils sont néanmoins présents à l’intérieur de celle-ci [105]. La différence entre l’humain et le modèle animal est également prononcée. La présence de capillaire chez le chien est observée entre 2 et 3 semaines après implantation tandis que chez l’homme elle est généralement absente ou, dans certains cas, présente après 5 mois d’implantation [67]. Par ailleurs, ce mécanisme est aujourd’hui le plus important chez l’homme comparé à l’endothélialisation transanastomotique ou par ilot.

Le mécanisme qui conduit à l’endothélialisation transmurale semble être intimement liée à la réaction inflammatoire. D’une part, un dépôt de fibrine peu dense permet d’améliorer la croissance endothéliale. Au contraire, si ce dépôt est trop dense il empêche l’infiltration des capillaires à la lumière de l’artère. D’autre part, les macrophages (ou monocytes) jouent, une fois de plus, un rôle central dans les interactions matériaux-cellules. Ils secrètent des

fibroblast growth factors (FGF), moteur de la croissance de fibroblastes et des cellules

endothéliales. Les fibroblastes sont les acteurs de la cicatrisation mais sont déterminants dans les mécanismes de revascularisation [106] et sont présents dans l’histologie des capillaires [67].

Les dernières études sur l’endothélialisation transmurale concernent de nouveaux protocoles chez le rat qui permettent de différencier l’endothélialisation transanastomotique de l’endothélialisation transmurale. Il s’agit d’implanter et d’isoler la prothèse à tester entre deux tubes de Téflon et former une boucle assez longue entre les deux anastomoses pour pouvoir séparer les deux mécanismes d’endothélialisation [107]. En effet, l’endothélialisation anastomatique étant le mécanisme prépondérant chez l’animal, cela permet de diminuer son effet et d’avoir un bien meilleur modèle qui se rapprocherait des implantations chez l’humain. Ces concepts ont été utilisés sur plusieurs prothèses en ePTFE avec des porosités différentes comme matériau modèle [107] mais aussi sur des dispositifs médicaux tubulaires à base de matrices décellularisées dans le but de les commercialiser [108].

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Figure 20. Mécanismes d’endothélialisation des prothèses vasculaires observés chez le

singe, a. Endothélialisation transanastomotique pour des prothèses à faible porosité, b. Endothélialisation transluminale pour des prothèses à grande porosité. (adaptée de [98])

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