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Chapitre II. Projet doctoral

3. Caractérisation et dégradation de l’acide polylactique

En 1845, le PLA a été pour la première fois synthétisé par Théophile Jules Pelouze par la condensation de l’acide lactique. En 1932, Wallace Hume Carothers a ensuite polymérisé le PLA par ouverture du cycle de lactide afin de produire un PLA à haut poids moléculaire. Ce procédé a finalement été breveté par la société DuPont en 1954. En 1971, le PLA est pour la première fois mis sur le marché sous forme de fil de suture. Dans les années 70, ce matériau se produisait à coût élevé et en petite quantité, ce qui pouvait convenir pour le faible volume requis pour les applications biomédicales. Ce n’est que dans les années 90 que le PLA intéresse vraiment les industriels dans le but de remplacer les polymères issus des ressources fossiles par des matériaux renouvelables. Cet intérêt grandissant pour le PLA a considérablement réduit son coût. Le PLA est, aujourd’hui, un matériau très en

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vogue dans le secteur des polymères pour l’environnement, l’agroalimentaire, mais aussi dans l’industrie biomédicale et paramédicale [176,177]. Aujourd’hui, son coût est néanmoins plus élevé que celui du polyéthylène ou du polypropylène.

3.1 Synthèse d’acide polylactique

La polymérisation par condensation par déshydratation azéotropique ainsi que la polymérisation enzymatique ou les méthodes de polymerisation directe de l’acide lactique (Figure 28) sont généralement peu utilisées dans l’industrie car elles permettent de produire uniquement des PLAs de faibles poids moléculaires. Cette limite est due à l’hydrolyse du polymère pendant sa polymérisation. Ces méthodes ne seront pas décrites ici.

La polymérisation par ouverture de cycle est la plus utilisées et passe par un pré-polymère appelé acide lactoyl-lactique, oligomère de l’acide lactique [178,179]. Ce pré-polymère permet également de former le cycle de lactide par dimérisation de l’oligo(acide lactique) et estérification intramoléculaire. Le lactide est ensuite purifié par distillation ou par cristallisation. La polymérisation du PLA peut ensuite se faire par ouverture du cycle de lactide. La qualité de la polymérisation dépend également de l’initiateur et du catalyseur. L’ouverture du cycle de lactide peut s’initialiser par un groupement OH, privilégiant ainsi l’utilisation de l’eau ou d’un alcool. L’eau permet de polymériser le PLA de façon classique tandis que l’alcool peut conduire à la formation de copolymère par blocs. Par exemple, la copolymérisation du PEG avec le PLA a été longuement étudiée [180]. L’octoate de zinc (Sn(Oct)2) est le catalyseur le plus utilisé dans la polymérisation du PLA.

Il est activé en début de polymérisation par les groupements OH. D’autres métaux de transition ont été utilisés dans la réaction comme le titane, le zinc, le fer ou l’aluminium [178]. Ces différents catalyseurs conduisent à des propriétés de dégradation différentes.

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Figure 28. Différentes voix de polymérisation de l’acide polylactique (adaptée de

[179])

3.2 Conception de différents PLAs

L’acide lactique est présent dans la nature sous la forme de dimère. Deux formes énantiomères sont possibles dépendant de la position du groupement CH3 par rapport à

l’hydrogène H (Figure 29). Ces deux formes sont communément appelés LLA (L pour lévogyre) et DLA (D pour dextrogyre). Le lactide, étant un dimère cyclique, présente trois formes stéréoisomériques appelées L-lactide, D-lactide et méso-lactide ou DL-lactide (Figure 30). Ces trois formes vont donc donner plusieurs PLAs distincts avec des propriétés différentes dépendamment des conditions de polymérisation. Néanmoins, on utilise généralement soit un mélange dit racémique (L-lactide et D-lactide), soit mésomérique (D,L-lactide), soit aléatoire. Le PLA est souvent représenté, en couple de monomère, par diades (bloc de deux monomères), tétrades (blocs de 4 monomères) ou hexades (blocs de 8 monomères), dû à la configuration dimérique du lactide [181]. De plus, chaque forme du PLA (PLLA, PDLA et PDLLA) peut être vue comme trois polymères différents. Du point de vue de la polymérisation, les isomères de lactide peuvent se polymériser entre eux sous

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forme de mélange racémique, mésomérique ou se co-polymériser par blocs pour obtenir in

fine des structures plus complexes.

3.3 Dégradation du PLA

L’hydrolyse du PLA, d’un point de vue réactionnel, est extrêmement simple. Le PLA est un polyester possédant un groupement alcool d’un côté de sa chaine et un groupement acide carboxylique de l’autre côté. L’eau a donc pour effet d’attaquer la liaison ester ce qui donne deux chaines de PLA de masse moléculaire plus petite.

La taille des dispositifs utilisés dans le domaine des biomatériaux impose aux PLAs de se dégrader suivant un mécanisme de dégradation volumique [171]. D’après ce qui a été écrit précédemment, la dégradation du PLA sera donc contrôlée par l’évolution de sa masse moléculaire. Ce contrôle obéit aux lois d’une cinétique de premier ordre. Dans ce contexte, le temps de demi-vie du polymère, temps caractéristique de la réaction, obéit à la loi suivante (Équation 8):

𝜏 =𝑙𝑛2

𝑘 (Eq. 8) où k est la constante de cinétique décrite précédemment (en s-1).

A partir de cette formule et de mesures en GPC, il est possible de caractériser le taux de dégradation des PLAs. Par exemple, Saha et al [182] ont démontré que les propriétés de dégradation varient fortement lors d’un ajout d’une faible quantité d’isomère D dans le PLLA, montrant ainsi l’importance des résidus de D-lactide dans le PLLA. Cette équipe a trouvé des temps de demi-vie de 1600 jours pour le PLLA, de 870 jours lorsqu’on ajoute 0,2 % de DLA et 490 jours pour un ajout de 1,2 % de DLA dans le PLLA. Alexis et al [183] ont identifié un temps de demi-vie de 80 jours pour le PDLLA. De plus, Zhang et al [184] ont étudié l’influence des paramètres de polymérisation (température, pourcentage de catalyseur, temps) sur la dégradation du PLLA et du PDLLA [185].

83 Au niveau microstructural, la dégradation s’effectue en deux phases. Les phases amorphes du PLA se dégradent de manière privilégiée par rapport aux phases cristallines. Cela aura pour effet d’augmenter le taux de cristallinité du polymère. Tsuji et al [186] ont montré que le taux de cristallinité d’un film de PLLA dégradé pendant 36 mois dans du PBS pouvait passer de 54% à 78%. De plus, cette même étude montre qu’un PLA initialement amorphe peut cristalliser durant la dégradation. Les phases amorphes se dégradant, le matériau devient donc de plus en plus dur et fragile ce qui se traduit par une augmentation du module d’élasticité et de la résistance à la traction. Ces propriétés deviennent ensuite nulles par la perte d’intégrité physique du polymère par la solubilisation de ses chaines. Les phases cristallines du PLA sont extrêmement stables par comparaison aux phases amorphes. Joziasse et al [187] ont estimé que les cristaux de PLA pouvaient se dégrader pendant 40 à 50 ans dans des conditions in vivo avant d’être solubilisés. Cette dégradation longue est susceptible d’entrainer une grande diminution du pH local lors du relargage des produits acides dans le mileu car la dégradation des phases cristalines limite fortement la difusion de l’eau à travers le matériau [188].

On peut donc distinguer trois phases dans le mécanisme de dégradation du PLA [189] :  Les phases amorphes se dégradent progressivement en se détachant des phases

cristallines et se dégradent au cœur du polymère.

 Les phases amorphes se solubilisent. Le polymère perd son intégrité.  Les phases cristallines se dégradent pendant un temps très long.

Globalement, l’ajout d’isomère D dans le PLLA ou réciproquement d’isomère L dans le PDLA augmente considérablement l’hydrolyse à cause d’une diminution brutale du taux de cristallinité [171]. Karst et al [190,191] avance une autre explication : l’ajout d’isomère D dans le PLLA diminue l’énergie potentielle d’activation de l’hydrolyse. Une autre étude de simulation moléculaire faite par le même groupe montre que l’arrangement des isomères L et D a un effet important sur l’hydrolyse.

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Le choix du PLA dans cette thèse s’est fait évidemment à cause de sa présence abondante dans le domaine des matériaux en médecine. Néanmoins, nous verrons au fur et mesure de la thèse que ce matériau, grandement utilisé et prometteur dans beaucoup de domaines, présente également des faiblesses pour notre application très spécifique. Par ailleurs, il se présente comme un excellent modèle pour les études des mécanismes de dégradation. Le premier mécanisme, macroscopique, est la bioérosion, caractérisée, dans le cas du PLA, par la perte de masse moléculaire. Le deuxième mécanisme est microstructural et concerne la cristallinité des produits synthétisés. Le troisième, moins étudié, est moléculaire et encore trop marginalisée dans la littérature. En effet, l’influence de la position des isomères dans la chaine est à l’origine des caractéristiques cristallines. Enfin, aucune description dans la littérature n’intègre toutes ces notions.

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