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par Marie Étienne

Dans le document Promesses du dehors (Page 48-51)

ESQUIF POÉSIE (4)

« Reviens petite musique de décembre.

Reviens berger

qui marches sur les plages

appeler deux frères en plein soleil,

reviens demander de l’eau, renverser les tables, reviens sur un petit âne. »

Jardinier est son deuxième ouvrage.

Cécile Coulon a 31 ans, elle vit en Auvergne et a déjà publié sept romans qui lui ont apporté la no-toriété. Noir volcan est son deuxième ouvrage de poésie. Elle écrit une poésie autobiographique proche de la narration, à la fois simple, directe (avec elle, «  les poètes sont descendus de l’Olympe ») et rythmée par des refrains. Elle sé-duit par une indéniable sincérité et par une dé-termination qui est, davantage que de la har-diesse, l’expression d’une force intérieure.

« Elle m’a appelée tout à l’heure pour me dire qu’on t’avait trouvé sur le canapé chez toi.

Un samedi matin. On t’a trouvé.

Elle m’a appelée pour me dire, avec des épines dans la gorge,

je les sentais même si elle est sur une île et moi dans un appartement de la rue Ballainvilliers, elle m’a appelée pour me dire

que tu n’as ni l’âge, ni le corps, pour mourir de ces choses-là. » Extrait du poème « Rodolphe »

Sophie Martin a 33 ans, elle est bibliothécaire à Paris. Après deux brefs récits publiés sous un pseudonyme, elle fait son entrée dans le monde de la poésie avec Classés sans suite, une série de récits-poèmes, sur le thème de l’amour disparu, de l’attirance non réciproque, restitué avec hu-mour, une apparente désinvolture et un vrai désarroi. C’est drôle et c’est poignant. Sophie Martin sait tenir en haleine les lecteurs, à défaut de garder ses amoureux.

« Je ne vais plus le voir

Je vais me refaire un peu de négligence moi aussi

Et j’irai à nouveau le chercher Nous nous entendrons bien à nouveau Comme avant

Ça ne nous mènera nulle part Comme avant

Je vais me refaire un peu de courage Il en faut pour aller nulle part Pour rire sans solide raison En attendant

Je suis très bien toute seule

À peine s’il me manque parfois quelqu’un à qui dire que je suis bien toute seule »

Extrait de « Quelques histoires avec Pierre Tisse-rant »

Alexandre Bonnet-Terrile a 21 ans. Via Boston (nom d’une rue de Rome) est son deuxième livre de poésie. De lui, Olivier Barbarant écrit dans sa préface : « Pas un mot qui déborde, qui bave, qui s’avachisse : cela tient. » Il y a dans ses poèmes une maturité, une netteté, une scansion moderne qui l’apparenteraient à Michel Deguy ou à Jacques Roubaud, dont il se réclame ; et qui tirent certains d’entre eux vers la maxime : « Quelqu’un devant le monde ; c’est temps de fin ; c’est moi. »

« Le tout et le n’importe quoi : qui sont la même chose et rassise et dangereuse ; ce dont il faut s’éloigner. Nous savons bien que la poésie est capable de tout  : nul besoin d’accumuler les preuves. Réduisons notre terrain de jeu, ou ne le réduisons pas, mais donnons-nous des règles pour le parcourir ; cessons de nous complaire dans l’errance puisque cette errance perd chaque jour un peu plus de son charme et de son énigme.

Et redressons-nous ! Nous sommes tous bossus ! Et ces pieds qui traînent  ! Allons  ! Qu’ils trouvent la cadence et qu’ils la gardent ! Et ces nombrils, ces fesses, ces sexes aux quatre vents, couvrons-les avant que ça ne prenne froid ! » Extrait de « Préface aux poèmes à venir »

Clôturons cette traversée express de quelques livres à ne pas oublier par une anthologie qui parcourt elle aussi à grands pas le paysage contemporain du poétique, sans tout citer, bien entendu. Avec quelques trouvailles réconfor-tantes.

ESQUIF POÉSIE (4)

Nous, avec le poème pour seul courage.

84 poètes d’aujourd’hui

Anthologie réunie et présentée par Jean-Yves Reuzeau Le Castor Astral, 400 p., 15 €

Voici un poète, choisi parmi bien d’autres, pour quelques vers prémonitoires, bien que produits en d’autres temps, pour d’autres circonstances.

François Heusbourg, né à Paris en 1981, est poète, éditeur, traducteur, notamment d’Emily Dickinson.

News

Qui êtes-vous ? Je ne reconnais pas vos voix – est-ce la distance ?

The Voice Of Energy On a perdu le code on a perdu la clef les voix indéchiffrables accouplées au métal

ich bin… enfermé, enfermé.

Roger Pouivet

L’éthique intellectuelle.

Une épistémologie des vertus Vrin, 322 p., 13 €

Nous vivons dans une époque très morale : on consomme « éthique » et l’on dénonce, blâme et censure à tout-va, en particulier des artistes, des écrivains, des intellectuels. Mais les fustige-t-on pour avoir fait des livres nuls ou pour avoir pré-senté des œuvres hideuses au public ? Pas du tout. On leur reproche leurs positions politiques et sociales, ou leur passé sexuel. On n’invoque plus, comme à la Libération pour les écrivains collaborateurs, le « droit à l’erreur ». Cela ne laisse pas de surprendre : un écrivain ou un pen-seur ne devrait-il pas avoir à rendre compte d’abord de ses travaux dans le domaine de l’es-prit ?

Mais quel serait le domaine propre à l’éthique intellectuelle ? Il y a au moins trois positions possibles. Selon la première, celle-ci n’est pas autre chose que l’éthique tout court : si un intel-lectuel est honnête et humble, ou à l’inverse mal-honnête et arrogant, il ne l’est pas en un sens dif-férent d’un individu ordinaire. Selon la seconde, l’éthique intellectuelle est seulement le fait de respecter des normes propres au travail intellec-tuel, qui sont des « règles de bonne pratique ».

Selon la troisième, il y a des analogies, mais pas de lien systématique entre les évaluations intel-lectuelles et les évaluations éthiques.

Pour examiner ces questions, il faut dévider toute une bobine de questions emmêlées : qu’est-ce qu’une évaluation morale ? Une évaluation épis-témique ? Comment circonscrire le domaine de l’intellect ? Comment distinguer les évaluations

théoriques des évaluations pratiques ? Quels sont les concepts normatifs appropriés : la norme, la règle, le devoir, le bien ou le mal, la vertu ou le vice ? Les normes et valeurs sont-elles indivi-duelles ou sociales ? Selon les réponses qu’on donnera à ces questions, il y aura différents styles d’éthique intellectuelle, y compris des réponses sceptiques ou nihilistes, qui nous disent que, quand il s’agit de création artistique ou même scientifique, tout est permis.

Roger Pouivet répond en défendant résolument une éthique intellectuelle d’inspiration thomiste : le vrai est le bien de l’intellect, qui se réalise dans l’exercice de certaines vertus, celles sur les-quelles la tradition chrétienne s’est construite : l’humilité, la persévérance, la sobriété, la studio-sité et la sagesse, opposées à des vices comme l’arrogance, la paresse intellectuelle, l’étroitesse d’esprit, et chapeautées par les vertus théolo-gales, la foi, l’espérance et la charité. Selon cette position, les vertus et les vices intellectuels sont intrinsèquement associés, et l’éthique intellec-tuelle est une sous-partie de l’éthique, qui est af-faire de sensibilité aux valeurs cognitives et non pas d’observance d’obligations et de règles. La fin de la vie intellectuelle comme de la vie mo-rale est la réalisation de la rationalité naturelle humaine. Si l’on doit pouvoir louer les vertus et blâmer les vices, il faut que l’exercice de nos pouvoirs intellectuels soit le produit d’une moti-vation qui rende les agents responsables et leur fasse désirer le bien et le vrai. Selon Pouivet, il n’est pas nécessaire pour cela que les agents obéissent à des normes.

Roger Pouivet articule ces positions avec verve et clarté. Mais souvent ses affirmations laissent per-plexe. Tout d’abord, une épistémologie des vertus est-elle réellement une épistémologie ? Tradi-tionnellement, la théorie de la connaissance porte

Dans le document Promesses du dehors (Page 48-51)