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PARTIE I L’éthique dans la littérature contemporaine : lieux, légitimité et

CHAPITRE 1 Panorama d’une éthique littéraire sans agents 44

L’œuvre lue comme la confession irrépressible de l’inconscient masquée par le style, et non pas comme un récit choisi et orienté vers le dehors par un travail, perd toute sa force de rencontre avec l’interlocuteur qui porte désormais des gants stériles pour tourner les pages (Suzanne Jacob, La bulle d’encre, 2001 : 46-47).

À la fin des années 1990, Liesbeth Korthals Altes (1999) mettait en garde contre la tendance moralisatrice des études sur l’éthique dans le champ littéraire. Isabelle Daunais (2010) réitère cet avertissement lorsqu’elle remarque que les critères à partir desquels les critiques qualifient l’éthicité d’une œuvre découlent ultimement d’un jugement normatif sur ce que devrait être une « bonne » littérature, laquelle devient synonyme de littérature « adéquate » quant à ses manières de représenter le monde. Sur ce point, Daunais montre que ce qui consistait en une approche critique d’analyse textuelle chez Nussbaum (Love’s

Knowledge) ou chez Ricœur (Soi-même comme un autre) entre les années 1980 et 1990 glisse

maintenant vers la qualification normative d’un type de représentation du personnage marginalisé dont l’auteur prendrait maintenant soin : « ce qui distingue […] ces écrivains, c’est, chez un bon nombre d’entre eux, l’instauration d’un certain rapport entre l’auteur et ses personnages, un rapport [qui] est au cœur de la littérature donnée comme éthique et qui porte sur la façon dont sont recherchés ce qu’on peut appeler des mondes protégés » (Daunais, 2010 : 66). Ces mondes protégés seraient des espaces fictifs dans lesquels les personnages, souvent ceux marginalisés dans la société réelle, ne risqueraient plus d’être contredits ou attaqués en étant ramenés à la mémoire ou à l’avant-scène. Daunais donne l’exemple des « vies minuscules » qui ne sont pas évoquées dans les livres d’Histoire et que Pierre Michon rend visibles dans ses œuvres. Elle note que les auteurs font alors de ces personnages des types souvent vidés de substance, soit « des objets de conscience […], conçus non comme des créatures indépendantes livrées au monde et à ses hasards, mais comme des êtres pris en charge par la pensée d’un tiers et protégés du monde par cette pensée » (id.). Daunais observe d’ailleurs que l’ambiguïté des personnages et la complexité de leur parcours sont exclues des œuvres dites éthiques, qui privilégient plutôt les valeurs d’adéquation et de confort qui permettent de prouver ou de convaincre de l’existence passée des oubliés mis en scène et de l’importance du geste qui les sort de l’ombre. Elle constate dès lors un paradoxe puisque l’auteur retire ainsi à ses personnages la complexité qui

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permettrait de les appréhender comme des personnes libres et véritables, érigeant surtout en principe éthique ultime l’« acte de remémoration » (ibid. : 68) qui est finalement le sien. Ce geste engendre pour les personnages une « forme de violence, celle qui leur est faite de ne pouvoir exister autrement que dans la perception d’autrui » (id.). L’analyse de Daunais permet de rester attentif à l’association laxiste entre la représentation d’un type de personnage marginalisé et vulnérable et la caractérisation d’une œuvre comme relevant de l’éthique.

À titre d’exemple, dans un article où il promeut le développement d’outils analytiques pour penser la sémiotique narrative autrement que par le rapport entre l’action et l’intention d’un personnage, Nicolas Xanthos (2006) insiste sur le fait que le récit se décline parfois à travers une logique narrative axiologique. Xanthos prend appui sur l’exemple d’un personnage vulnérable et marginal, celui de Meursault dans L’Étranger de Camus, afin de montrer que les différents regards qui sont posés sur lui pour le décrire forment dans l’ensemble de l’œuvre « une fable sur les modalités d’exercice du jugement moral, sur la difficile, voire impossible adéquation de ce jugement […] et de l’action vécue dont il doit rendre compte […], sur la fin d’un système d’interprétation de l’action humaine, sur l’hétérogénéité fondamentale d’une perspective chrétienne et d’une perspective existentialiste/sensualiste » (2006 : 186). C’est évidemment parce que la narration de

L’étranger s’organise autour de jugements sur l’action plutôt que sur l’action en tant que telle

que Xanthos considère le roman dans une perspective axiologique. En effet, le personnage antipathique de Meursault se déplie à partir des jugements qui sont portés sur lui et n’a pas vraiment de conscience propre dans l’univers textuel. Xanthos précise que l’objectif du développement d’une sémiotique axiologique serait d’analyser non pas les valeurs dans les récits, mais celles qu’engendre leur structuration. Il me semble ainsi sortir en partie d’une association de l’œuvre à l’éthique en regard de l’identification d’un monde protégé créé par l’auteur pour son personnage, puisque la composition de l’œuvre n’assure en fait aucune représentation certaine et confortable de ce personnage qui, au contraire, semble encore plus marginal à la fin du récit. La démarche de Xanthos se distingue de la mienne en ce que les œuvres qu’il choisit pour décliner sa méthode d’analyse (Les liaisons dangereuses,

L’étranger) sont montrées comme exemplaires justement parce qu’elles sont

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ont beaucoup dérangé une vision des bonnes mœurs à l’époque de leur publication. Xanthos formule également le caractère éthique de l’œuvre par rapport à ses critères internes puisqu’il avance que le récit est soit axiologique, soit actionnel, mais qu’il ne peut pas relever des deux logiques narratives en même temps. Or, l’hypothèse du présent chapitre, qui modèle la thèse dans son ensemble, soutient que l’éthique n’est pas un qualificatif de l’œuvre littéraire, mais qu’elle dépend plutôt de l’action de l’auteur qui la crée, action qui se lit dans l’œuvre, mais qui entre surtout en rapport avec la société réelle au moyen de cette œuvre.

Par un survol de travaux philosophiques ayant réfléchi à la question de l’éthique dans les œuvres, j’entends montrer comment la définition même de l’éthique dans les travaux littéraires manque pour conduire une analyse approfondie de ce sujet dans le domaine culturel. Puisque le contexte d’incarnation des œuvres dans l’espace contemporain prône à nouveau la conception de l’œuvre comme une forme d’action sociale depuis les années 1990, je proposerai aussi d’interroger l’absence de la personne de l’auteur dans l’équation formulant cette problématique spécifique. Pour échapper à la tendance permettant de qualifier une œuvre comme étant « éthique », synonyme ici de « bonne », je veillerai à réintégrer dans le schéma des interrelations entre l’éthique et le littéraire la figure de l’auteur, voire sa personne. Consciente des dangers associés à la question de la personne de l’auteur dans l’interprétation des œuvres littéraires, je m’inspirerai des travaux de la sociologie littéraire lorsque je considérerai cet agent comme une figure dynamique, polysémique, sur laquelle nous n’avons qu’une prise partielle et non permanente, qui s’ancre à travers des analyses longitudinales complexifiant et nuançant le sens à interpréter de l’action principale de cet agent dans le monde : l’écriture d’œuvres littéraires et leur mise en circulation dans l’espace social. Dans un même temps, j’exposerai comment les théories américaines de la performativité ouvrent une voie féconde pour repenser la part de responsabilité spécifique revenant à l’auteur dans un contexte contemporain qui lui redonne peu à peu sa consistance sociale, sans pour autant assujettir sa pratique artistique et la production qui en découle aux contingences de la vie sociopolitique dans laquelle il baigne.

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La dissémination éthique

Mes recherches se déclinent autour d’une interrogation principale : comment peut-on aborder la question de l’éthique dans le domaine spécifique du littéraire? Plusieurs philosophes mobilisent des œuvres afin d’illustrer ou d’éprouver de manière moins abstraite leurs théorisations. Ils se demandent parfois en quoi les savoirs philosophiques ou les réflexions morales dont ils sont experts sont en mesure d’aider le littéraire dans ses interprétations. Sandra Laugier ouvre son ouvrage collectif Éthique, littérature, vie humaine (2006), en présentant ainsi la question directrice : « Qu’est-ce que la littérature a à apporter à la philosophie morale – exemples, éducation, histoires édifiantes? Inversement, la philosophie morale peut-elle nous donner accès aux contenus moraux des œuvres littéraires, dégager les connaissances morales ou des jugements moraux qui en seraient partie intégrante? » (2006 : 1) Avançant une certaine parité dans le traitement des apports relationnels de l’une ou de l’autre des disciplines, la description des contributions retenues dans l’ouvrage illustre une prédominance de la sphère philosophique. Dans l’ensemble, Laugier promet une conception du littéraire qui nuancerait les constructions théoriques de l’éthique, qui ferait vivre des sentiments moraux aux lecteurs et qui les inciterait à réfléchir aux difficultés de l’entendement humain. Elle soutient qu’« il y a bien une véritable éducation, en un sens non moralisateur ni édifiant et pourtant moral, qui est apportée par la lecture » (ibid. : 11) et elle explique que la littérature modifie ce que nous comprenons par la « rationalité morale » (ibid. : 9). Le dessein entendu de ne pas hiérarchiser les disciplines tend la plupart du temps à un assujettissement du littéraire au philosophique, témoignant du difficile terrain que constitue la réflexion sur l’éthique dans le champ littéraire.

En contrepartie, la plupart des chercheurs littéraires qui s’intéressent à l’éthique ne s’emploient pas à la définir. Cette situation semble dire de ce concept qu’il en est un « convenu », alors qu’un examen des différents travaux à ce sujet montre que les chercheurs s’engagent dans différentes directions quant à ce terme auquel ils attribuent le plus souvent une auréole de bonté. Pour les tenants de ce point de vue, l’œuvre éthique est moralement bonne, donc à promouvoir dans le social. L’éthique serait ainsi conçue comme une étiquette, utilisée à toutes les sauces afin de légitimer toutes sortes de lectures ou pour édifier la mise en lumière par les auteurs de personnages souvent exclus des débats sociaux. Le problème

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repose sur le fait que ce que les uns conçoivent comme un élément manifeste de bonté peut être interprété par les autres comme signifiant l’inverse. C’est cet enjeu qu’éclaire Daunais lorsqu’elle explique que les valeurs de confort et de validation servant à créer des « mondes protégés » pour les marginalisés de l’Histoire favorisent surtout leur remémoration par l’auteur, qui détermine lui-même la valeur éthique de ce geste. Pour Daunais, cette entreprise engendre à son tour une forme de violence en réitérant l’impossibilité effective pour ces personnages marginaux de trouver dans l’œuvre une quelconque consistance qui les ferait ressembler à des personnes réelles, lesquelles vivent des contradictions et des ambiguïtés exclues des mondes protégés. Cet exemple illustre l’irréductibilité du terme « éthique » à un caractère intrinsèque et immuable de l’œuvre dite « bonne » ou socialement adéquate, ce jugement découlant d’un acte moralisateur plutôt que d’une réflexion éthique.

Confrontée aux revers de la popularité envahissante de l’utilisation du terme « éthique » dans les médias de masse ainsi que dans l’espace public en général – à titre d’exemple peuvent être évoquées la valorisation de certaines connaissances au détriment des autres ou la légitimation aveugle de traitements ou de recherches scientifiques sous la bannière de l’éthique –, la Commission de l’éthique en science et en technologie du Québec a réalisé une section informative sur son site Internet qui éclaire la différence aujourd’hui marquée entre l’éthique et la morale en terrain québécois9. Même si les deux termes se

rapportent étymologiquement aux mœurs, soit aux règles comportementales relevant des codes sociaux en vigueur dans un contexte donné, la morale est plutôt associée à son caractère religieux. Si la morale est conçue comme se rattachant à des valeurs admises socialement pour juger du bien ou du mal, l’éthique découlerait plutôt de l’argumentaire qui se cache derrière l’érection de certaines valeurs au rang de la moralité contre d’autres. Cet argumentaire provient d’un processus réflexif qui ne se termine jamais tant que nos actions demandent qu’on juge de leur bien-fondé. La Commission de l’éthique en science et en technologie du Québec distingue diverses sphères investies par les penseurs de l’éthique.

9 Vous trouverez ces informations sur leur site Internet : http://www.ethique.gouv.qc.ca/fr/ethique/quest-ce-

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L’éthique normative et la métaéthique proviennent de démarches plus philosophiques et réfléchissent davantage à ce qui fonde l’établissement de valeurs morales partagées socialement et orientant par le fait même l’action collective. L’éthique appliquée est la conception qui circule davantage dans la sphère contemporaine et qui contribue à sa popularisation. Plutôt que de penser de manière abstraite les fondements moraux d’une société, elle réfléchit aux dilemmes soulevés dans des situations concrètes rencontrées dans un contexte précis. À titre d’exemple, la bioéthique s’occupe d’enjeux liés aux domaines de la santé et s’est implantée institutionnellement dans les réseaux de la santé québécois par la création de comités d’éthique, de postes d’éthiciens qui les supervisent et de programmes de formation pour les préparer à l’emploi. Le processus de réflexion est la plupart du temps engagé en fonction d’une décision concrète à prendre dans une situation donnée, mécanisme décisionnel que tente d’alimenter l’éthicien en mettant en place des outils permettant aux partis impliqués de dialoguer ensemble. L’objectif est de poser un regard plus éclairé sur la décision idéale à prendre dans un contexte d’ambiguïté ayant appelé la réflexion éthique.

L’éthique se rapporte ainsi davantage à un parcours réflexif, visant l’action concrète ou la conscientisation aux conceptions collectives qui aiguillent cette action. C’est sur ce double terrain de l’éthique appliquée et de l’éthique fondamentale que je souhaite mener mes recherches. Ce double positionnement éthique est aussi visé par Éthique, littérature, vie

humaine (Laugier, 2006a), même si j’ai déjà mentionné que ses propositions proviennent

généralement du champ de la philosophie et s’intéressent davantage à l’éthique fondamentale. Certaines de ses contributions ont la tendance assez exceptionnelle à définir ce qui est entendu par le concept d’« éthique », contrairement à ce que nous rencontrons dans le champ littéraire. À l’opposé, bon nombre d’entre eux ne s’engagent pas concrètement à définir les contours de la question posée en fonction des objets littéraires mobilisés, ce qui montre une forme de lacune observable quant à une approche éthique appliquée. Le mandat donné aux auteurs par Laugier, directrice de l’ouvrage, indique tout de même que l’intérêt éthique suscité par les œuvres littéraires serait à lier à une nouvelle conscience collective de la complexité et de la polysémie du jugement humain, complexion qui demande un temps d’arrêt supplémentaire pour nuancer chaque interprétation possible et relativiser chaque prise de position philosophique par un cheminement réflexif. Or, je me range du côté de Laugier

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lorsqu’elle mentionne que les paradoxes, la polysémie et la complexité rapprochent les écrivains, comme les philosophes contemporains, puisqu’ils sont des sources d’inspiration privilégiées qui les poussent à imaginer toujours un peu plus loin les complexions possibles de chaque situation. Laugier invite ainsi les contributeurs de l’ouvrage à rester dans le sillon tracé par Élizabeth Anscombe qui, dans La philosophie morale moderne, constate le « passage d’une éthique du devoir devenue incompréhensible à une éthique de la perfection personnelle » (ibid. : 9). Les contributeurs, en général, partent donc de la conception de l’éthique comme découlant du domaine privilégié de la philosophie plus abstraite et fondamentale pour la déplacer peu à peu vers une réflexion itinérante interpellée lorsqu’émergent des problématiques relatives aux conflits interrelationnels provoqués par différents usages du langage et de ses interprétations. C’est dans cette voie que mes travaux de recherche s’engagent lorsque je propose de repérer dans les textes littéraires les figurations de l’ambiguïté des récits comme les indicateurs d’une métaréflexion des auteurs contemporains sur leur propre pratique littéraire dans le social.

Parmi les contributions d’Éthique, littérature, vie humaine, Nussbaum réfléchit aussi à l’éthique littéraire en restant dans la constitution duelle de l’éthique qu’elle définit comme étant à la fois théorétique et pratique. Cette prémisse l’amène à proposer que « nous commencions par l’idée aristotélicienne très simple que l’éthique est la recherche d’une spécification de la vie bonne pour un être humain » (Nussbaum, 2006 : 41). Elle serait à la fois fondamentale, puisqu’elle concernerait des critères normatifs par lesquels penser abstraitement le concept de « vie bonne », et appliquée, puisque son objet premier est la « spécification », laquelle constitue un acte de langage fondamentalement polysémique relevant de l’interprétation et de la connaissance dans un contexte donné, selon une forme communicationnelle effective. Nussbaum affirme qu’« il y a l’auteur responsable de tout en dernière instance et dont le témoignage conscient ou bien révèlera la valeur de la vie, ou bien, par négligence, l’appauvrira » (ibid. : 43). La philosophe n’hésite ainsi pas à aborder la question de l’auteur pourtant évitée dans les études littéraires. Le défaut de cette approche est tout de même de considérer que l’œuvre puisse être investie de bonnes ou de mauvaises façons en regard d’un critère plutôt subjectif auquel Nussbaum tient obstinément : celui de la vie humaine qui devient le centre de toute sa réflexion éthique, sans que ne soit précisé ce

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choix autrement que par un argument d’autorité, celui de la référence à l’éthique aristotélicienne. Mais comment l’œuvre arrive-t-elle, par les moyens qui sont les siens, à avancer sa conception de la vie humaine? La valeur de la vie humaine découlant des propos d’un narrateur équivaut-elle à celle de l’auteur qui met en place cette construction pour des raisons qui relèvent parfois plus de l’exploration esthétique que d’un assentiment moral? L’auteur n’a aucun devoir d’intervention en matière de conceptualisation normative de la vie humaine, d’autant plus qu’il reste difficile de démêler les desseins qui motivent son écriture des effets d’interprétation dans la lecture de l’œuvre.

Le difficile procès d’intention : l’exemple de Ken Bugul

À titre d’exemple, l’examen des dispositifs narratifs autobiographiques mobilisés par Ken Bugul dans ses premières œuvres, du Baobab fou (1982) à Riwan ou le chemin de sable (1999), jumelé à l’étude de leur réception critique, illustre l’incertitude et l’instabilité des interprétations possibles d’une œuvre et, par le fait même, les limites de la responsabilité sociale qu’est en mesure d’exercer un auteur à travers elle. Le sens du texte se négocie dans une relation opaque qui dépasse le cadre de la volonté personnelle et qui est modulée par les préconçus critiques forgés à même les affiliations littéraires rattachées à l’œuvre. L’introduction expliquait déjà que les lectures de Bugul se sont sédimentées à partir de la première œuvre sur laquelle reviennent systématiquement les critiques. Par rapport à l’exil, au malaise identitaire, à la relation mère-fille et aux relations amoureuses destructrices, thématiques du Baobab fou, la narratrice de Riwan ou le chemin de sable arrive dix-sept ans plus tard et, dans son ensemble, ne donne pas à lire les mêmes inquiétudes. Quant au projet de l’auteure, il semble aussi se modifier et se lit à travers une articulation des rapports intertextuels et intratextuels dans chaque œuvre et entre elles. Notons que peu d’auteurs ont d’emblée le projet global d’une Œuvre lors de la publication de leur premier texte, comme ce fut le cas pour Proust, Balzac ou Dante. Ce n’est pas en vogue dans l’ère actuelle qui apprécie le fragment, la discontinuité et l’exploration, contrairement au temps des réalistes qui valorisaient les grandes fresques d’une histoire détaillée mise au service d’une thèse.

La première œuvre de Bugul est apparue dans un contexte culturel où toute publication

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