• Aucun résultat trouvé

7 962 088Granulats marins

1.3. Impacts physiques

1.3.1. Le panache turbide

La remise en suspension de particules va engendrer un impact direct à savoir l’augmentation de concentrations de matières en suspension (MES). Ces MES pourront être de nature et de granulométrie différentes de celles contenues préalablement, naturellement, dans la colonne d’eau. La remise en suspension va également engendrer un impact indirect qui est la formation de dépôts issus de la décantation du panache turbide.

Ces impacts physiques peuvent avoir différentes conséquences sur l’environnement (Tableau 6). La modification des concentrations et du type de MES dans la colonne d’eau pourra diminuer la visibilité et la production primaire et ainsi altérer certains comportements biologiques. Le effets de diminution de concentration de chlorophylle sont essentiellement décrits dans le bouchon vaseux des estuaires macro tidaux comme la Gironde (Goosen et al., 1999) pour des concentrations en MES supérieurs à 500 mg.L-1. A contrario, cette augmentation de MES, parfois riche en matière organique, peut être également source de nourriture supplémentaire favorisant certaines espèces pélagiques et benthiques. La chute de ces particules sur le fond peut être néfaste pour certaines espèces peu résistantes à l’étouffement et/ou sensibles aux modifications de leur habitat physique.

Plusieurs travaux avec des approches différentes ont permis de caractériser en partie cette remise en suspension. Des mesures in situ ont apporté des informations sur l’origine et le comportement de cette remise en suspension. Des modélisations en canal et numérique permettent d’augmenter notre compréhension du comportement de ces particules.

Tableau 6 : Principaux impacts liés à la remise en suspension et leur conséquences sur l’environnement (traduit d’après Hitchcock et al., 1999).

Impacts Conséquences

Réduction de la croissance des algues Réduction de la visibilité

Réduction de la production primaire Impact visuel

Décroissance du rendement d'oxygène Décroissance du rendement de reproduction Décroissance du rendement nourriture Diminution du frai

Modification des routes de migration

Augmentation des opportunités de nourriture Augmentation des taux de reproduction

Etouffement des organismes à mobilité réduite sur le fond Blocage des organismes filtreurs

Etouffement de la communauté benthique Etouffement des communautés de substrat dur Envasement des trous de crabe et de homard Modification de la granulométrie

Modification du stock de sables pour le cycle annuel de rechargement des plages

Modification du régime sédimentaire Etouffement des sites archéologiques Changement du type de sédiment

C h u te d e s p a rt ic u le s

Augmentation du flux de nutriment Augmentation des concentrations en matières

en suspension

Réduction de la pénétration de la lumière

M a ti è re e n s u s p e n s io n

a. Origine et caractéristiques de la remise en suspension

Une première remise en suspension en surface, visible, est induite par la surverse et par le criblage lorsque celui est effectif. Cette remise en suspension en surface est responsable de la création d’un panache turbide de surface (Figure 7).

Figure 7 : Photographies du panache de surface généré à l'arrière de la drague.

A : vue d’hélicoptère (Hitchcock et al., 1999). B : vue depuis le navire de suivi sur le site de Baie de Seine.

Des mesures réalisées sur la drague permettent de caractériser les concentrations, les granulométries, la nature des particules rejetées par surverse et criblage et les masses totales rejetées. Van der Veer et al. (1985) et Hitchcock et al. (1999) obtiennent des concentrations moyennes de 6 g.L-1 pour une drague de faible capacité (1309 m3) : l’Arco Serven. Boutmin (1986), Gajewski et Uscinowicz (1993), Newell et al. (1999) montrent également des concentrations de l’ordre du g.L-1. Les concentrations du criblage ne sont pas directement connues. A partir du débit d’aspiration et du volume chargé, les masses rejetées par surverse et criblage peuvent être calculées. Hitchcock et Drucker (1996) et Newell et al. (1999; 2002) montrent que 30 à 170 % de la masse du chargement retenu dans le bassin de la drague peut être rejeté pour une extraction avec criblage. Pour une extraction sans criblage les proportions de matériel rejeté sont plus faibles de 1 à 16 % (Boutmin, 1986; Hitchcock et Drucker, 1996; Newell et al., 1999).

La granulométrie du criblage sera fonction de la taille des cribles autorisée et choisie par l’exploitant. Les particules solides contenues dans la surverse sont inférieures à 2 mm et la granulométrie varie en fonction du matériel extrait. Gajewski et Uscinowicz (1993) montrent que la surverse est principalement constituée de sable fin alors qu’Hitchcock et al. (1999) montrent qu’en Manche celle-ci est principalement silteuse. Au large de l’estuaire de la Loire, Boutmin (1986) montre que les particules constituant la surverse sont inférieures à 600 µm. Whiteside et al. (1995) calculent une densité des particules de 1,060-1,160. Newell et al (1999) indiquent que la surverse est en partie composée de matière organique.

Avec criblage, la remise en suspension sera nettement supérieure que dans le cas d’une surverse seule. Pour une extraction avec criblage, Hitchcock et al. (1999) montre que la part des sédiments rejetés par criblage (88 %) est nettement plus importante que celle des sédiments rejetés par la surverse (12 %) alors que le volume d’eau rejeté par criblage (35 %) est plus faible que celui rejeté par la surverse (65 %).

Une remise en suspension sur le fond, générée par le passage de l’élinde, a été mise en évidence dans de nombreux travaux. Elle constitue le panache benthique. Hitchcock et al. (1999) montrent : (i) à partir du signal rétrodiffusé d’un ADCP, qu’à 30 m derrière la drague ce panache est de faible ampleur avec une hauteur de 3 m et une largeur de 2 m et (ii) à partir de caméra vidéo et de pompes installées sur une élinde de type californian (largeur 1,2 m) sur la DAM Arco Dee, que ce panache est de faible amplitude avec une surface moyenne de 2,72 m2 (0,67-6,78 m2), avec une concentration moyenne de 31 mg.L-1 et une proportion importante de silts (44 %). Ces auteurs calculent un tonnage total de 13 t, remis en suspension par l’élinde pour le chargement de cette drague de 1300 t (751 m3) durant 5 heures.

Lorsque l’extraction a lieu dans des eaux peu profondes, une troisième remise en suspension peut se produire. La turbulence générée par l’hélice de la drague sur le fond peut remobiliser les sédiments fins de la couverture sédimentaire (Garrad et Hey, 1987). Remarquons que cette remise en suspension n’est pas propre à l’extraction mais à l’ensemble des navires.

b. Comportement des panaches

Le comportement du panache benthique n’a été que peu étudié en raison de sa faible amplitude et de son mélange rapide derrière la drague avec le panache de surface (Hitchcock et al., 1999).

Après l’entrée de la surverse et/ou du rejet de criblage dans le milieu marin, les concentrations vont fortement chuter. Elles seront comprises entre plusieurs centaines de mg.L-1 et 5 g.L-1 (Hitchcock et

al., 1999). La dynamique du panache de surface créé à

l’arrière de la drague a été étudiée à partir de suivis in

situ e.g. Hitchcock et al., 1999; Hitchcock et Bell,

2004) ou de simulations numériques (eg. Whiteside et

al., 1995; Spearman et al., 2007).

Pour le panache de surface, Dankers (2002) distingue: (i) un comportement dynamique, défini par une vitesse de chute de l’ensemble des particules supérieures à celles des particules isolées, auquel est associé un courant de densité sur le fond et (ii) un comportement passif qui à contrario présentera une vitesse de chute de l’ensemble des particules inférieures ou égales à celles des particules isolées

Figure 8 : Les différents comportements de panache de surface généré par l’extraction de granulats

Des travaux antérieurs suggèrent l’existence d’une telle phase dynamique dans le cas d’une extraction de granulats en point fixe sans criblage (Hitchcock et Bell, 2004), dans un intervalle de temps de 5-10 min pour une surverse par puits (Whiteside et al., 1995) et dans les 10-15 premières minutes pour une surverse par puits avec criblage (Hitchcock et al., 1999). Un étalement sur le fond d’une partie des suspensions sous la forme d’un courant de densité appelé panache de fond a été observé (Whiteside et al., 1995; Hitchcock et al., 1999; Hitchcock et Bell, 2004; Spearman et al., 2007). Ce panache de fond s’étend jusqu’à 800 m dans le sens des courants et sur 3-4 m d’épaisseur pour une surverse par puits (Hitchcock et Bell, 2004) et peut s’étendre sur plusieurs km de long, plusieurs centaines de mètres de large et plusieurs mètres d’épaisseur pour une extraction avec criblage (Hitchcock et Drucker, 1996; Dickson et Rees, 1998; Hitchcock et al., 1999; Newell et al., 1999). Le comportement de la phase passive est surtout étudié par l’intermédiaire des vitesses de chutes des particules qui la composent et par sa mobilité sous l’effet des courants de marée. Des études récentes se sont intéressées aux processus de floculation pouvant intervenir au cours de cette phase passive après l’entrée de la surverse dans le milieu marin (Mikkelsen et Pejrup, 2000; Smith et Friedrichs, 2011). Des mesures in situ ont montré qu’elle peut se développer sur plusieurs kilomètres dans le sens des courants (Holmes, 1988; Hitchcock et Drucker, 1996; Hitchcock et al., 1999; Newell et al., 2004).

Les concentrations pourront tendre vers celles du milieu naturel rapidement 15 à 20 min après le rejet (Boutmin, 1986; Hitchcock et al., 1999) et pour des distances inférieures au kilomètre (Kiørboe et Møhlenberg, 1981; Hayes et al., 1984; Hitchcock et al., 1999), notamment quand le comportement du panache est principalement dynamique. Cependant d’autres auteurs montrent que des concentrations anormales persisteront plusieurs heures après le rejet (Willoughby et Crabb, 1983; Whiteside et al., 1995). Malgré des concentrations tendant rapidement vers celles du milieu naturel, ce panache peut être encore visible 1h30min après le rejet (Boutmin, 1986).

Les sables qui composent la phase passive chuteront rapidement à une distance de l’ordre de la centaine de mètres (Holmes, 1988). Au-delà, cette phase sera essentiellement composée de silts et de matière organique (Hitchcock et Drucker, 1996; Newell et al., 2004). Une modélisation numérique (HR Wallingford, 1993) montre que pour un environnement macrotidal avec des courants de 1,75 m.s-1 et une hauteur d’eau de 25 m, le panache peut persister pendant 3-4 cycles de marée.

Fischer et al. (1979) ont montré que le comportement des panaches turbides était gouverné par : (i) le nombre de Richardson Ri (équation 1) (ii) le ratio de vitesse ζ (équation 2) entre la vitesse relative des courants par rapport à la drague et la vitesse du rejet de la surverse. Le nombre de Richardson Ri, adimensionnel témoigne de la stabilité d’un écoulement. Il est le rapport de l’énergie potentielle de gravitation sur l’énergie cinétique du fluide. Si ce rapport est inférieur à 1, l’écoulement est turbulent et dans le cas contraire l’écoulement est laminaire.

2 . . i g d R W

ε

= (1) U W

ζ

= (2)

avec ε l’excès relatif de densité du panache par rapport au milieu, g l’accélération de la pesanteur, d le diamètre équivalent de la surverse à la sortie de la DAM, W la vitesse de l’écoulement de la surverse et U la vitesse relative du courant par rapport à la DAM.

A partir d’une expérimentation en laboratoire, Winterwerp (2002) propose une classification du comportement des panaches de surface en fonction de ces deux paramètres : courants de densité où le panache s’étale sur le fond à la manière d’un courant de densité, zone de mélange où le panache est entraîné par le courant ambiant et mélangé rapidement dans la colonne d’eau, ou un intermédiaire (Figure 9).

Figure 9 : Comportement des panaches de surface en fonction du nombre de Richardson et du ratio de vitesses (Winterwerp, 2002)

c. Dépôts

La nature et la géométrie des dépôts issus des panaches peuvent être déterminées selon plusieurs approches : l’observation in situ, le calcul des distances de chute en fonction des observations in situ (taille des particules et courants) et la modélisation numérique. A partir d’observations in situ, Boutmin (1986) et Gajewski et Uscinowicz (1993) calculent un rayon de dépôt maximal de 4 et 1 km. Spearman et al. (2007), observent au sonar ces dépôts et à partir d’une modélisation numérique montrent que ceux-ci peuvent atteindre 1,5 kg.m2 (soit 0,6 mm d’épaisseur) pour un seul chargement. Willoughby et Foster (1983) ont modélisé l’accumulation de dépôts pour une extraction intensive sur deux ans. Pour une distance de 500 m et 2,5 km, ces dépôts atteignent respectivement 23 mm.m2 et 6 mm.m2.

(HR Wallingford, 1993) montre que pour un environnement macrotidal avec des courants de 1,75 m.s-1 et une hauteur d’eau de 25 m, les sables grossiers et les sables très fins chuteront respectivement dans un rayon de 50 m et de 11 km.