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7 962 088Granulats marins

1.3. Impacts physiques

1.3.2. Impacts sur le fond

L’extraction de granulats marins engendre des impacts directs et indirects sur le fond. Ils concernent la morphologie des fonds, leur nature sédimentaire, l’hydrodynamisme à proximité du fond et la dynamique sédimentaire.

Les impacts directs sont produits instantanément, suite à l’excavation de sédiments par l’élinde aspiratrice ou par la benne preneuse. Ces impacts sont d’abord morphologiques. Une extraction statique engendrera une dépression circulaire. L’extraction mobile d’une DAM provoquera un sillon lors du passage isolé de l’élinde ou par la création d’une dépression plus importante induite par le passage répété de l’élinde dans un même secteur. Cette excavation de sédiments peut engendrer une modification sédimentaire du fond en fonction de l’hétérogénéité verticale des sédiments. Des modifications hydrodynamiques indirectes pourront avoir lieu au niveau des sillons et de leurs crêtes. Ces modifications directes de morphologie et de sédimentologie associées aux modifications hydrodynamiques indirectes peuvent perturber la dynamique sédimentaire en piégeant une partie du flux sédimentaire au sein des sillons ou dépressions et/ou modifier la nature et l’intensité des flux.

Des impacts indirects sont également liés à l’évolution des sillons dans le temps et aux dépôts du matériel remis en suspension. Cette évolution des sillons peut être morphologique et sédimentaire. Dès lors, les conditions hydrodynamiques et les flux sédimentaires peuvent de nouveau évoluer contribuant à l’évolution morphologique et sédimentaire des dépressions. Le dépôt du matériel remis en suspension pourra contribuer aux modifications morpho-sédimentaires au droit du sillon et donc à celles de l’hydrodynamisme et de la dynamique sédimentaire. Ces dépôts peuvent également dépasser la zone d’extraction et ainsi modifier le contexte morpho-sédimentaire et la dynamique sédimentaire à plus grande échelle.

Un approfondissement important de la bathymétrie peut localement modifier l’effet de la houle sur les fonds. Pour une extraction proche du littoral la dynamique sédimentaire peut être modifiée de manière significative.

a. Modification morpho-sédimentaire directe au droit de l’extraction

Peu d’études concernent l’impact morpho-sédimentaire au droit du sillon. La plupart des travaux ont pour objectif d’évaluer l’impact des excavations sur l’habitat, la communauté benthique et de quantifier la restauration temporelle du milieu.

La plupart de ces études basent leur description morpho-sédimentaire de ces excavations à partir de mesures in situ souvent en déphasage avec l’extraction elle-même. L’ensemble de ces descriptions est donc valable pour des objets ayant déjà subi une restauration.

Le type de drague (à benne preneuse ou aspiratrice), les caractéristiques de celles-ci (type et taille des godets ou des élindes, puissance d’aspiration), leur mobilité, l’intensité de l’extraction et la nature des sédiments dragués sont les principaux paramètres influant sur la morphologie des empreintes laissées sur le fond (Figure 10).Une drague à benne preneuse et une drague aspiratrice statique généreront des dépressions circulaires (Figure 10 A). Les DAM généreront des sillons isolés (Figure 10 B) qui se transformeront en plus vaste dépression (Figure 10 C) à la suite du passage répété de la drague dans un même secteur (Millner et al., 1977; Van Der Veer et al., 1985).

Figure 10 : Images sonar de différents types d'empreintes laissés sur le fond par l'extraction de granulats (Krause et al., 2007).

A : Dépression circulaire générée par une drague statique. B : Sillons isolés formés par une DAM. C : Surimposition de sillons isolés formant de plus vaste dépressions.

En Mer Baltique, dans un environnement homogène de sables moyens, 10 mois après l’extraction, des sillons de 2 m de large et 0,5 m de profondeur ont été observés (Krause et al., 2007). Dans des environnements mixtes sablo-graveleux, les sillons seront plus larges entre 3 et 5 m mais avec des profondeurs plus faibles, comprises entre 0,2 et 0,3 m (Cooper et al., 2007b; Birchenough et al., 2010).

Une étude focalisée sur la morphologie des sillons (Davies et Hitchcock, 1992) distingue des sillons en fonction du type de tête d’élinde utilisé. Pour des élindes standards, de type « fixed visor » la largeur sera de 2 m et la profondeur de 0,5 m alors que pour une élinde de type « california » les sillons seront plus larges environ 3,5 m (1 m de plus que la largeur de l’élinde) mais moins profonds environ 0,35 m. Quatre types de morphologies de sillon induites par une DAM sont également différenciés (Figure 11):

- T : trapézoïdale, sillon marqué par deux flancs relativement abrupts et dont la pente est orientée vers le centre du sillon. La partie centrale est relativement plane Leur profondeur est d’environ 0,55 m et la largeur d’environ 2,8 m ;

- M : avec levée latérale, ici les parties externes du sillon sont marquées par de petites levées d’environ 0,25 m de haut. La largeur totale (sillon et levées) d’environ 3,9 m est plus importante et les pentes des flancs sont d’environ 11° ;

- W : avec levée latérale et crête centrale. La profondeur d’environ 0,35 m est moins importante mais la largeur total d’environ 4,80 m et les pentes des flanc d’environ 18° sont plus importantes ;

Davies et Hitchcock (1992) montrent que le volume de sédiment remobilisé sur le fond est de 3 à 6 fois le volume du chargement dont le tiers par la création de levées.

Figure 11 : Les différentes morphologies de sillons isolés (d’après Davies et Hitchcock, 1992 in Hitchcock et al., 1999).

Une intensité d’extraction plus élevée impliquera le cumul du passage de l’élinde dans un même secteur. Ce cumul engendrera des dépressions plus profondes et plus larges que les sillons isolés (Cooper et

al., 2007b; Krause et al., 2007; Le Bot et al., 2010).

Des changements de nature sédimentaire ont été observés au sein de ces sillons et dépressions. Des sédiments plus grossiers sont mis à jour par le décapage de la couverture superficielle (Kenny et Rees, 1996; Le Bot et al., 2010).

Les dragues stationnaires, travaillant au mouillage, engendreront des morphologies différentes. Les dépressions seront plus ou moins circulaires, avec des diamètres et des profondeurs plus ou moins importants en fonction de l’intensité de l’extraction. En Mer Baltique, dans des sables moyens, 6 mois après une extraction stationnaire des dépressions de 4 m de profondeur sur 10-40 m de large ont été observées (Krause

et al., 2007). En Bassin oriental de la Manche, au large de Shoreham, des dépressions pouvant atteindre 1300

m de large et 5 m de profondeur ont été cartographiées dans un environnement mixte constitué de sables et de graviers (Birchenough et al., 2010).

b. Modification hydrodynamique et effets à la côte

Le courant sur le fond est en général atténué au centre du site d'extraction, et s’accélère latéralement. Cependant, si le site d'extraction est allongé dans la direction du courant et de grande taille devant la profondeur d'eau, le courant sera canalisé, c'est-à-dire accéléré au centre du site (Klein, 1999). Ceci est vérifié pour la souille du CNEXO située en Baie de Seine, sous 17 m d’eau, longue de 2,5 km et large de 400 m, allongée WSW-ENE, excavée dans des sables fins (Lemoine et al., 1999).

Une modification de la houle au droit du creusement mais aussi à distance de ce creusement peut être observée. Si le site d'extraction est au large de la zone de déferlement, la houle sera atténuée dans l’ombre (derrière le creusement) et sera accentuée de part et d’autre de cette ombre (Cayocca et du Gardin, 2003; Du Gardin et Cayocca, 2008).

Dès lors une extraction pourra interagir avec le littoral et l’érosion pourra être accentuée dans les cas suivants (Du Gardin et Cayocca, 2008; Latteux, 2008) :

- le site d'extraction est large et volumineux sous une faible tranche d'eau, proche de la côte,

- le littoral, du site d'extraction jusqu'à la côte, est caractérisé par des houles de grande amplitude, de longue période, de faible étalement directionnel, des courants importants et des sédiments marins mobilisables en abondance et de petites tailles.

Par l’intermédiaire d’une simulation numérique, Armède (1999) montre que la réfraction d’une houle est nulle sous une forte tranche d’eau (29 m) contrairement à la zone de déferlement où la réfraction serait exagérée ainsi que les taux de sédimentation et d’érosion.

Une modélisation numérique a montré que l’extraction sous une faible tranche d’eau (< 20 m) au large de Dieppe n’avait pas d’incidence sur le régime naturel des houles et donc pas d’impact sur l’érosion du littoral situé à 3 km (Baas et Lafite, ).

Des extractions de granulats plus proches de la côte ont montré un comblement des souilles concomitantes à une érosion des côtes :

- au Japon, pour une souille située à 100 m de la côte, de 200 m de longueur et de largeur, sous 7 à 8 m d'eau, creusée de 4 m dans du sédiment sableux (Uda et al., 1986);

- en Nouvelle-Zélande, pour une souille située à 1km de la côte, de 10 km de longueur, 200 m de largeur, creusée de 0,1 à 0,5 m, sous 5 à 8 m d'eau, dans des sables moyens à fins (Hilton et Hesp, 1996).

Des expériences sur modèle réduit (Migniot et Viguier, 1979; Migniot et al., 1983) ont montré que ce comblement serait lié aux dimensions de la souille, à la hauteur d'eau, la hauteur des houles et aux courants.

c. Restauration

La restauration physique est considérée totale lorsque les empreintes de la drague ne sont plus détectables par les techniques d’imagerie et lorsque la composition des sédiments est redevenue celle qui précédait l’activité d’extraction ou est similaire à un point de référence (Boyd et al., 2004).

L’évolution morphologique des sillons et dépressions se traduit par un élargissement et une diminution de la profondeur. Pour des substrats mixtes composés de sables et de graviers, les temps de restauration sont variables. Des temps de restauration rapide de 2-3 ans ont été plusieurs fois observés mais ne sont pas généralisables à tout type d’environnement (De Groot, 1979; Desprez et Duhamel, 1993; van Moorsel et Waardenburg, 1993; Kenny et al., 1998a; Newell et al., 1998; Desprez, 2000; Van Dalfsen et al., 2000; Boyd et al., 2003). Des temps très rapides peuvent être observés comme sur le Klaverbank ou seulement 8 mois ont été nécessaires pour restaurer des sillons de 0,3-0,5 m (van Moorsel et Waardenburg, 1993). A contrario, d’autres études ont montré des temps beaucoup plus longs. La restauration n’était toujours pas complète 7 ans après l’extraction au large de North Norfolk (Limpenny et al., 2002), 8 ans après sur le Hasting Shingle Bank (Boyd et al., 2004), 10 ans après dans l’estuaire de la Tamise (Boyd et al., 2004) et au large de Dieppe en Bassin oriental de la Manche (Desprez et al., 2010; Le Bot et al., 2010).

La vitesse de restauration va évoluer au cours du temps. Au large de Dieppe, la largeur des sillons évolue essentiellement la première année, d’environ 1-3 m (Le Bot et al., 2010). Sept ans après l’arrêt de l’extraction, un élargissement de 2,5 m et une diminution de la profondeur d’environ 0,15 m sont observés (Cooper et al., 2007b). Pour des dépressions circulaires formées par une extraction stationnaire, la vitesse de restauration diminue de 5 à 1,2 cm.mois-1, respectivement une année et 5 ans après l’arrêt des extractions (Kubicki et al., 2007).

Les sillons et dépressions vont se remplir progressivement de matériels sableux issus du transit naturel ou de la remise en suspension par la surverse, le criblage et ou le passage répété de l’élinde sur le fond. Au niveau de l’estuaire de la Tamise, dans un environnement mixte de sable et de gravier, un enrichissement en gravier est observé pour une intensité de l’extraction faible et à contrario, un enrichissement en sable est observé pour une intensité forte. Ces différences sont induites par une balance négative en sable entre les rejets de criblage et de surverse et l’extraction dans un contexte d’intensité faible (Boyd et

al., 2003).

Figure 12 : Sable ridés dans un sillon (Crown Estate, 1994 ).

Toujours dans des environnements mixtes sablo-graveleux, dans des sillons isolés, des sédiments plus grossiers sont mis à jour mais présentent une accumulation de sédiments fins (Birchenough et al., 2010). Des accumulations de sables ridés (Figure 12) ont été également observées dans ce type d’environnement mixte (Davies et Hitchcock, 1992; Kenny et Rees, 1996; Le Bot et al., 2010).

Une synthèse bibliographique sur les temps de restauration a permis de proposer des temps moyens (Foden et al., 2009) par paysage sous-marin (Connor et al., 2006). Cette synthèse confirme que ce temps de restauration est dépendant de l’environnement, à savoir la profondeur d’eau, les courants tidaux et le substrat (Figure 13).

Les temps de restauration physique seront les plus élevés de l’ordre de la 20ne d’années pour des environnements situés entre la côte et la limite d’action des vagues de tempête (LAVT), constitués de sédiments grossiers et soumis à des courants modérées. Pour le même type d’environnement mais avec des sédiments mixtes, les temps de restauration sont en moyenne compris entre 10-12 ans.

Figure 13 : Synthèse des temps de restauration étudié en fonction du milieu étudié (traduit d’après Foden et al., 2009).