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p68 est un modificateur de l’interaction de MBNL1 avec les expansions CUG

1) p68 facilite l’interaction de MBNL1 sur les expansions CUG

L’étude cristallographique faite sur deux domaines à doigts de zinc de MBNL1 et un ARN de séquence CGCUGU montre que MBNL interagit avec le dinucléotide G-C en disposant ses domaines à doigts de zinc de façon antiparallèle, telle une pince (Teplova & Patel, 2008). Sachant que les expansions CUG sont stabilisées par des liaisons hydrogènes G-C entre les deux brins de la tige, les dinucléotides G-G-C sont engagés dans une liaison et ne sont donc pas ou peu accessibles pour MBNL1.

D’après les fonctions connues des DEAD-box ARN hélicases dans le remodelage des complexes ribonucléoprotéiques et les résultats obtenus au cours de ma thèse (montrant une colocalisation de p68 avec les foci CUG960 et une interaction avec les expansions CUG in vitro), nous avons proposé l’hypothèse selon laquelle p68 pourrait moduler la structure secondaire des expansions CUG pour faciliter la fixation de MBNL sur ses sites d’interaction.

Nous avons montré que p68 augmente la quantité de MBNL1 fixée sur un ARN contenant 95 répétitions CUG par pontage aux UV. De plus, nous avons observé que l’effet sur la fixation de MBNL1 est propre à p68; deux autres ARN hélicases testées (UAP56 et eIF4AIII) n’ont en effet pas cette capacité.

Nous avons montré que p68 est capable de faciliter d’une manière semblable la fixation de MBNL1 sur les expansions CAG et CUG. Cette observation est en accord avec une étude récente qui propose que les expansions CUG et CAG partageraient des similitudes

159 structurales (Kiliszek et al., 2010). De plus, des analyses de FRAP ont montré que la GFP-MBNL1 possède une demi-vie de redistribution semblable après photo-blanchiment sur les foci CAG et CUG (Ho et al., 2005) suggérant un même mécanisme de fixation de MBNL1 semblable entre ces deux structures. p68 n’augmente que faiblement la quantité de MBNL1 sur les expansions CCUG. Des analyses biochimiques ont montré que MBNL1 a une affinité deux fois plus forte pour les CCUG par rapport aux expansions CUG, alors que la structure des expansions CCUG est moins stable que les CUG (Warf & Berglund, 2007). Il semblerait donc que la stabilité de la structure secondaire soit déterminante quant à l’effet de p68 sur la fixation de MBNL1. Nous pouvons supposer que MBNL1 accède à ses sites d’interaction plus facilement sur une structure peu stable. A l’inverse, si une structure est stable, p68 pourrait être requise pour ouvrir localement la structure secondaire afin de faciliter l’accès de MBNL1 sur ses sites d’interaction.

2) L’activité hélicase de p68 est requise pour faciliter la fixation de

MBNL1

La plupart des études effectuées sur les activités de remodelage des protéines DEAD-box ont montré que l’activité hélicase ATP-dépendante est requise pour l’ouverture locale de l’ARN. Nous avons montré que l’utilisation d’AMP-PNP, un analogue non-hydrolysable de l’ATP, réduit de moitié l’effet de p68 sur la fixation de MBNL1. De plus, la mutation ponctuelle de résidus conservés dans les motifs II et IV, qui abolissent l’activité ATPase et la fixation à l’ARN ATP-dépendante, réduit également de moitié l’effet de p68. Ceci est en accord avec la bibliographie, notamment avec une étude récente de l’équipe de Jane Wu qui montre que l’activité hélicase est requise pour le remodelage d’une structure secondaire sur l’ARN pré-messager codant la protéine Tau (Kar et al., 2011). De plus, comme nous l’avons vu précédemment, une mutation dans ces deux domaines abolit la colocalisation de p68 avec les expansions CUG960. Nos résultats suggèrent donc que l’activité hélicase de p68 est requise pour moduler la structure secondaire des expansions CUG afin de faciliter la fixation de MBNL1. Cependant, des analyses supplémentaires doivent être effectuées pour démontrer de façon claire l’effet de p68 sur la structure. Nous pourrions effectuer des empreintes à ARN sur des expansions CUG en présence et absence de p68 afin d’observer de possibles changements structuraux, soit par des méthodes classiques de « footprint », soit par de nouvelles techniques comme SHAPE (Selective 2’-hydroxylacylation analyzed by primer extension) qui permet une analyse quantitative de la structure de l’ARN avec une résolution au nucléotide près (Wilkinson et al., 2006).

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3) Quel est le mécanisme d’action de p68 sur la fixation de MBNL1 ?

Plusieurs questions restent à éclaircir, notamment le mécanisme d’action de p68 et son rôle dans la séquestration de MBNL1. Il semble clair que p68, via son activité hélicase, puisse se fixer de façon directe aux expansions CUG. Maintenant, quel pourrait être l’enchainement des étapes qui conduisent à une augmentation de la fixation de MBNL1 ? Plusieurs hypothèses peuvent être proposées :

- p68 et MBNL1 sont dans des complexes séparés. p68 pourrait cibler les expansions CUG et modifier leur structure secondaire. MBNL pourrait ensuite être recruté au niveau de ses sites d’interaction. Le changement conformationnel dû à la fixation sur l’ARN pourrait entraîner une perte d’affinité de p68 pour l’ARN qui serait alors relargué. Sachant que p68 ne colocalise pas avec les foci CUG dans les cellules de patients DM1, il semblerait que p68 se détache des foci une fois son action terminée.

- p68 et MBNL1 pourraient appartenir à un même complexe protéique. D’après une récente étude Oncomine, MBNL1 est le deuxième gène le plus souvent co-exprimé avec

DDX5 et le treizième avec DDX17 (Wilson & Giguère, 2007), suggérant que p68, p72 et

MBNL1 pourraient appartenir à une voie de signalisation commune. Cependant, de nombreuses expériences de co-immunoprécipitation, de GST-pull down ou d’interaction de protéines recombinantes traduites in-vitro ont été effectuées au laboratoire et indiquent uniquement une très faible interaction entre p68 et MBNL1. Le fait qu’une interaction directe entre p68 et MBNL1 ne semble exister ne signifie pas pour autant que les deux protéines ne puissent exister dans un complexe commun. En faveur de cette hypothèse, la purification des partenaires protéiques de MBNL1 au laboratoire à partir d’une lignée stable de cellules 293T-rex a permis l’identification de p68. De plus, plusieurs partenaires intermédiaires entre MBNL1 et p68 pourraient intervenir. Selon cette hypothèse, p68 pourrait cibler les expansions CUG et moduler leur structure secondaire. Le fait que MBNL1 soit stériquement proche de ses sites, étant dans un même complexe protéique que p68 lui permettrait d’être immédiatement recruté et ainsi séquestré. p68 pourrait être ensuite relarguée de l’ARNm pour remplir d’autres fonctions.

Au sujet de la séquestration de MBNL1, quel est le rôle exact de p68 ? Plusieurs expériences ont été effectuées au laboratoire pour tenter de répondre à cette question. Nous avons tout d’abord inactivé conjointement p68 et p72 dans des cellules DM1 et observé le nombre de foci. Aucune différence significative sur le nombre de foci par rapport à des

161 cellules DM1 non inactivées n’a pu être observée, ce qui suggère que p68 n’est pas une protéine requise pour l’intégrité des foci. D’autres analyses sont en cours au laboratoire pour déterminer si p68 est impliqué dans le recrutement in vivo de MBNL1 au foci CUG par des méthodes de FRAP en inactivant p68/p72. Nous testons également si l’inactivation de p68/p72 entraine une diminution de la colocalisation de MBNL1-GFP et MBNL1 endogène dans les foci CUG960 par RNA-FISH.

Les conclusions de ces études permettront de confirmer un rôle in vivo de p68 dans le recrutement de MBNL1 au niveau des expansions CUG. Si tel est le cas, p68 pourrait être la première protéine identifiée comme modificatrice d’inclusion ribonucléoprotéiques ou foci dans des maladies à triplets. Son implication dans la DM1 pourrait être un élément aggravant de la séquestration de MBNL1 et ce qui pourrait constituer une piste intéressante pour le développement d’outils thérapeutiques.

D) p68 régule l’épissage alternatif de l’exon 5 du transcrit