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Identification de p68 comme nouveau facteur impliqué dans la DM1 au niveau des

1) Colocalisation de p68 avec les répétitions CUG dans un modèle

cellulaire mimant la Dystrophie Myotonique de type 1

La purification par chromatographie d’affinité d’extraits nucléaires sur des expansions CUG a permis l’identification des protéines DEAD-box ARN hélicases p68 et p72. Ces deux protéines appartiennent à la famille des DEAD-box et possèdent une activité hélicase permettant le réarrangement de complexes protéines sur l’ARN. Nous avons montré que les ARN hélicases p68 et p72 colocalisent avec les expansions CUG dans des cellules HeLa surexprimant la partie 3’UTR du gène DMPK contenant 960 répétitions CTG. En effet, la localisation très majoritairement nucléoplasmique de p68 dans des cellules contrôles surexprimant uniquement 5 répétitions CTG est altérée au profit d’une formation d’agrégats

155 nucléaires qui colocalisent avec les foci CUG observable par RNA-FISH. Les expansions CTG960 étant interrompues (le clonage de ces séquences ayant nécessité la présence de polylinker toutes les 30 répétitions), nous avons également montré que p68 colocalise avec des expansions CTG200 non interrompues, tout comme MBNL1. Nous avons par ailleurs observé que la protéine exogène p68 étiquetée HAmycHis ou la protéine endogène p68 réagissent de la même façon en présence de répétitions CUG, ce qui permet d’écarter tout biais quant à la surexpression de la protéine.

Nous avons également montré que p68 colocalise avec les répétitions CUG dans des cellules musculaires (C2C12) et neuronales (N1E115) murines. Ceci permet d’envisager que la colocalisation de p68 dans la DM1 pourrait avoir une conséquence pathologique au niveau du muscle et du cerveau.

2) Analyse structure-fonction de la colocalisation de p68

Nous avons observé que la mutation de résidus conservés dans les motifs Q, I et II, (impliqués dans la liaison et l’hydrolyse de l’ATP) et IV (impliqué dans la fixation à l’ARN) réduit ou abolit la colocalisation de p68 avec les foci. Ces résultats suggèrent que l’activité hélicase est requise pour la colocalisation avec les foci ex vivo.

La mutation du site de sumoylation, localisée au niveau de la lysine K53, ainsi que plusieurs sites de phosphorylation dans la partie N-terminale n’ont pas d’effet sur la colocalisation, suggérant, du moins pour ces sites, qu’une modification post-traductionnelle n’est pas requise pour l’interaction avec les foci.

La délétion de l’extrémité N-terminale, tout en conservant le core de l’hélicase, induit un phénotype très particulier. En effet, en absence de répétitions, p68ΔNt est localisée uniformément dans le nucléoplasme, tout comme la protéine sauvage. Cependant, en présence de répétitions CTG960, p68ΔNt forme des agrégats qui ne colocalisent plus avec les foci, mais qui au contraire sont localisés à la périphérie de ceux-ci, et qui sembleraient correspondre aux speckles nucléaires. La délétion de l’extrémité N-terminale étant assez importante (100 acides aminés) nous avons effectué de nouvelles constructions en réduisant la taille de la délétion. Nous avons observé que la délétion des résidus 52-76 est suffisante pour reproduire le phénotype. De plus, des délétions plus courtes dans cette zone ne reproduisent pas ce phénotype, suggérant que l’intégrité de cette séquence est requise pour la colocalisation. A part le site de sumoylation en position 53, aucun résidu ou motif conservé n’a pu être prédit par divers logiciels d’analyses bioinformatiques. L’importance de cette

156 région dans la localisation de p68 avec les foci reste donc mystérieuse. L’une des hypothèses serait que cette région corresponde à un site d’interaction avec une protéine intermédiaire qui permettrait l’adressage de p68 au niveau des foci. De manière intéressante, cette région 52-76 est totalement conservée dans p72 et pourrait de ce fait indiquer la présence d’un domaine important. Nous avons analysé la localisation d’une protéine fusion correspondant à la partie 52-76 de p68 fusionnée à la GFP. Cette courte protéine ne colocalise pas ni ne forme d’agrégats à la périphérie des foci, suggérant que ce domaine est requis mais pas suffisant pour la colocalisation avec les expansions CUG in vivo.

Enfin, la délétion de la partie C-terminale perturbe la localisation de la protéine qui se retrouve exclusivement dans le compartiment cytoplasmique. Ces constructions ont été effectuées avant une publication de l’équipe de Liu qui a identifiée deux signaux de localisation nucléaire (NLS) dont un se situe au niveau de la délétion, et qui sont requis pour la localisation correcte de la protéine (Wang et al., 2009). Du fait de son altération en l’absence de répétitions, nous n’avons pas poursuivi l’étude sur cette forme mutée de p68.

3) Absence de colocalisation de p68 dans des lignées cellulaires issues

de biopsies de patients DM1, ni dans des tissus provenant de

modèles de souris DM1

Une grande partie des altérations d’épissage dans la pathologie DM1 est due à la séquestration du facteur d’épissage MBNL1 par les expansions CUG. MBNL1 colocalise avec les foci CUG des modèles cellulaires exprimant les répétitions CTG960, dans des lignées cellulaires musculaires issues de biopsies de patient et dans les tissus humains ou murins provenant de modèles de souris DM1. Sachant que p68 colocalise avec les expansions CUG960, nous avons étudié la localisation de p68 dans ces différents modèles. Nous avons montré par immunofluorescence que la localisation de p68 n’est pas altérée dans les lignées cellulaires DM1, ni dans des coupes de tissus de souris DM1. Plusieurs protocoles de fixation ou de démasquage des épitopes ont par ailleurs été testés, sans résultats. Ces observations suggèrent donc que p68 ne serait pas séquestrée dans la pathologie.

L’absence de séquestration de p68 dans les foci CUG soulève de nombreuses questions, notamment celle du rôle de p68 dans la pathologie. S’il on admet que la déplétion de MBNL1 due à sa séquestration dans les cellules DM1 est à l’origine de la dérégulation de l’épissage de plusieurs transcrits, le fait que p68 ne soit pas séquestrée suggère que p68 ne serait pas déplétée dans la cellule et qu’ainsi son activité ne serait globalement pas altérée

157 dans la DM1. Comment expliquer alors le fait que p68 colocalise dans ce modèle cellulaire surexprimant les expansions CUG960 ?

p68 et p72 sont toutes les deux impliquées dans de nombreuses voies de signalisation et fonctions cellulaires, comme nous l’avons abordé dans l’introduction. De plus, des analyses phénotypiques de souris dont les gènes codant p68 et p72 ont été inactivées montrent le développement d’un phénotype très sévère entrainant une létalité embryonnaire (Fukuda et

al., 2007). Il semble donc difficile d’imaginer une déplétion nucléaire de p68 dans la DM1 qui

entraînerait probablement une non-viabilité des patients.

L’une des hypothèses que nous avons formulées serait que la colocalisation de p68 et p72 avec les foci CUG soit transitoire. Des résultats préliminaires obtenus au laboratoire montrent que la colocalisation de p68 serait maximale dans des temps courts après la transfection des répétitions CTG (18-24h) plutôt que dans des temps long (48-96h). Ceci suggère que p68 pourrait interagir avec les expansions CUG dans les premières heures de la formation des foci et être relarguée par la suite après avoir rempli une certaine fonction. Ceci pourrait expliquer l’absence de colocalisation dans des lignées cellulaires DM1 ou dans les modèles murins, qui pour leur part expriment continuellement l’ARN mutant. L’équipe de Denis Furling a récemment développé une lignée cellulaire exprimant des expansions CTG960 sous le contrôle d’un promoteur inductible. Il serait donc judicieux de tester la localisation de p68 et p72 dans ce modèle au cours du temps et des différentes étapes de la formation des foci.

Une autre hypothèse est que cette colocalisation pourrait être due au niveau d’expression des expansions CUG qui est relativement élevée lors de la transfection transitoire. D’une manière générale, les foci CUG dans des cellules transfectées de façon transitoire sont plus nombreux et plus larges en comparaison avec des lignées cellulaires de patient. On peut imaginer qu’il est plus facile d’observer un évènement transitoire dans des cellules lorsque l’expression du transgène est maximale. Ainsi, une colocalisation de p68 avec les foci ne pourrait être observable que dans certaines conditions.

Enfin, la dernière hypothèse fait suite au modèle récemment proposé qui suggère que les expansions CUG pourraient existent sous deux formes : soluble et non soluble (Junghans, 2009). Les formes insolubles de l’ARN DMPK mutant pourraient être visualisées par RNA-FISH grace à son agrégation nucléaire. Au contraire, les formes solubles pourraient être localisées de manière uniforme dans le nucléoplasme et interagir avec des complexes protéiques. Nous pouvons supposer que p68 aurait une affinité pour l’une de ces structures et que le ratio entre forme soluble et forme insoluble serait modifié suivant les lignées cellulaires

158 utilisées. De plus, nous pouvons aussi imaginer que p68 aurait un rôle dans la transition de ces formes, de par son activité hélicase, ce qui expliquerait sa colocalisation transitoire avec les foci CUG.

Nous avons montré que p68 interagit de façon directe avec les expansions CUG par expériences de retard sur gel et pontage aux UV. Ces expériences in vitro pourraient être renforcées par des expériences ex vivo. Outre les analyses de localisation cellulaire, nous pourrions utiliser des méthodes de RNA immunoprécipitation (RIP) avec un anticorps dirigé contre p68 et regarder si l’ARNm DMPK est associé. Ceci confirmerait de manière claire une interaction, aussi transitoire soit-elle, entre p68 et les expansions CUG.

C) p68 est un modificateur de l’interaction de MBNL1 avec les