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Chapitre 2. Approche psychologique du parcours de greffe : généralités

1. Les différentes étapes de la greffe de moelle osseuse et leur impact sur

1.3. La période post-greffe

La santé psychologique du patient durant cette période (détresse émotionnelle), la qualité de son environnement social (soutien social), ses antécédents tels que les facteurs de personnalités ou des évènements de vie, ou encore ses représentations et croyances relatives à la maladie peuvent de façon non négligeable moduler/ influencer le vécu de cette période pré-greffe ainsi que le vécu de l’hospitalisation. Le moment choisi pour annoncer la possibilité d’une greffe n’a pas le même impact psychologique sur le patient. En effet, une greffe annoncée en première intention juste après l’apparition de la maladie pourra être reçue comme une chance. En revanche, lorsque l’allogreffe est proposée en deuxième intention suite à une rechute ou à la persistance de la maladie malgré les traitements, la greffe peut être perçue au contraire comme la solution de la « dernière chance ». Ainsi, le vécu et la manière d’aborder cet évènement peut s’en trouver complètement changé. L’importance des informations objectives sur les bénéfices/risques de la greffe s’avère être d’autant plus cruciale. En effet, les risques encourus en réalisant une greffe peuvent venir anéantir les attentes et les espoirs des patients qui voyaient ce traitement comme une « chance ». Cependant, les bénéfices liés à la greffe peuvent atténuer la détresse psychologique des patients pour qui la greffe a été proposée en seconde intention. Cette ambivalence se retrouve aussi dans l’acte même de la greffe et implique également le donneur : l’allogreffe peut (re)donner la vie mais le risque de donner la mort est aussi très présent (le taux de survie est d’un peu plus de 60 % trois années après l’allogreffe14).

L’allogreffe peut donc sauver comme donner la mort, ce qui en fait un acte très attendu et redouté à la fois pouvant perturber la santé mentale de la personne, santé mentale parfois déjà mise à mal par le vécu de la maladie et des traitements.

1.3. La période post-greffe

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La période de l’après-greffe constitue une phase également bouleversante pour le patient qui de retour à domicile retrouve un environnement certes familier mais qui n’implique plus les mêmes routines et la même normalité. Il y a une rupture radicale entre l’avant et l’après hospitalisation puisque ce retour à domicile implique un remaniement majeur des habitudes de vie en termes d’alimentation, d’hygiène (l’environnement peut être menaçant étant donné les potentiels risques infectieux). Si la période d’hospitalisation pouvait être une source de souffrance due à l’isolement, le retour à domicile peut l’être d’autant plus. En effet, la présence et les soins du personnel soignant et de l’environnement protecteur peut être rassurant tandis que le retour à domicile implique une plus grande autonomie dans la prise de traitements. Aussi, une vigilance constante face aux risques infectieux peut être encore plus difficile à vivre que l’hospitalisation pour les personnes avec un faible soutien social par exemple. Les éléments psychologiques qui caractérisent donc les personnes dans les mois qui suivent une greffe sont entre autres la fatigue, la colère, les insomnies, les problèmes de relations conjugales, la dépression et plus généralement la détresse psychologique. Par exemple, Rizzo et al. (2006) ont émis des recommandations pour détecter les éléments de dépression et d’anhédonie chez les patients qui ont subi une greffe afin d’en limiter les conséquences néfastes à long terme. L’allogreffe peut même être vécue comme un traumatisme empêchant la récupération physique et psychologique du patient (El-Jawahri et al., 2016). Cependant, cet évènement peut être une source de croissance personnelle et amener la personne à remanier ses priorités de vie (i.e. croissance post-traumatique) (e.g. Widows et al., 2005). Le processus de greffe peut donc avoir un impact sur le niveau de résilience (Schumacher et al., 2014) mais engendrer également une « croissance post-traumatique » chez des patients ainsi que chez leur famille (Cuhadar, Tanriverdi, Pehlivan, Kurnaz & Alkan, 2016). Ce lien entre détresse psychologique et croissance post-traumatique n’est tout de même pas retrouvé dans certaines études (Cordova,

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Cunningham, Carlson & Andrykowski, 2001 ; Powell, Rosner, Butollo, Tedeschi & Calhoun 2003). Quoiqu’il en soit, il apparait comme essentiel d’identifier les patients particulièrement vulnérables avant la greffe ou pendant l’hospitalisation afin de pouvoir les accompagner au mieux durant cette période qui suit la sortie d’hôpital (Amonoo et al., 2019). Il est important de souligner que les complications chroniques de la greffe (e.g. GvHD chronique) peuvent s’étendre des années après l’intervention ce qui fait qu’on ne peut parler de rémission que plusieurs années après la greffe. La conscience de cette réalité peut avoir un impact sur la manière dont le patient va faire face au quotidien et gérer l’après-greffe.

Dans le cadre du protocole Psy-Greffe, nous avons étudié de manière exploratoire chez 85 patients les différentes catégories de difficultés rencontrées cinq mois après une allogreffe. Il en ressort que c’est l’impact sur la vie privée (i.e. vie familiale, de couple) qui est la difficulté la plus rapportée par les patients puisque 84.4 % indiquent la rencontrer cinq mois après la greffe. Quant à la difficulté rencontrée le moins durant cette période post-greffe, elle concerne les difficultés financières (39.2 %) (Tableau 1). Il semblerait également que les difficultés d’ordre cognitif, non prises en compte dans cette étude, sont aussi source de souffrance pour les personnes qui soulèvent des problèmes de mémoire, de concentration et d’attention même des années après la greffe (Murdaugh et al., 2020).

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Tableau 1. Types de difficultés présentés par ordre d’importance en fonction de la proportion de patients ayant répondu « oui » au fait d’avoir rencontré cette difficulté

Type de difficultés Pourcentage (%)

1. Impact sur la vie privée 84.4 %

2.Difficulté gestion de la fatigue 78.8 %

3. Lourdeur de la prise en charge 78.2%

4. Impact sur l’estime de soi 77.2%

5.Peur de reprendre une vie normale 69.6 %

6. Impact au niveau social 57.7%

7. Gestion médicamenteuse 50.6 %

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Bilan et transition

Ce chapitre avait pour objectif de souligner l’impact du processus de greffe sur l’état de santé physique et psychologique du patient aux différentes étapes du processus de greffe.

Ces généralités ont fait ressortir que les particularités liées à chaque étape peuvent engendrer des complications somatiques et psychologiques se traduisant par des symptômes tels que l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil, les troubles neurocognitifs ou encore des symptômes d’état de stress post-traumatique (Amonoo et al., 2019). Ces manisfestations physiques et psychologiques, ayant un impact non négligeable

sur l’évolution du processus de greffe (i.e. altération de la qualité de vie, mortalité), amènent également à explorer les déterminants socio-psychologiques, en plus des facteurs

médicaux, qui contribuent de manière bénéfique ou délétère à la récupération physique et psychologique du patient. Ces facteurs (e.g. facteurs de personnalité, soutien social)

largement mis en avant dans le champ de la psycho-oncologie, sont de plus en plus reconnus et étudiés pour expliquer une part des variations inter-individuelles relatives à

l’évolution du cancer, et a fortiori de la greffe.

Afin de mettre en avant le rôle de certains de ces facteurs avant qu’ils ne soient opérationnalisés dans les études empiriques de cette thèse, le champ qui s’intéresse à ces

déterminants, la psycho-oncologie sera introduit à travers le modèle Transactionnel, Intégratif et Multidimensionnel de Bruchon-Schweitzer et Boujut (2014). Ce dernier sera

exploré en intégrant des recherches effectuées sur certains facteurs psychologiques largement reconnus comme étant des déterminants de la santé, en se focalisant sur ceux

qui sont, selon nous, particulièrement pertinents pour une meilleure compréhension du processus de greffe de moelle osseuse.

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Chapitre 3. Le modèle Transactionnel-Intégratif-Multidimensionnel (TIM)

de la santé (Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2014) comme base théorique

1. Présentation du modèle Transactionnel-Intégratif-Multifactoriel (TIM) appliqué à la

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