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Périmètre de la participation

Chapitre 2 : Le dialogue social dans les organes de décision

Section 1 Périmètre de la participation

551.Identification, articulations. – La définition du périmètre des normes européennes relatives à la participation comprend l’identification des sociétés concernées (Sous-section 1) ainsi que des règles d’articulation (Sous-section 2).

Sous-section 1 : Identification des sociétés

552.Sociétés européennes, sociétés transfrontalières. – La nécessité d’une participation des travailleurs au sein des sociétés européennes était admise dès les premiers projets de création d’une société européenne822 (§1). Elle s’est étendue aux sociétés issues de la fusion transfrontalière de sociétés de capitaux (§2).

§1. – La participation dans les sociétés européennes

553.SE, SCE. – La participation fait partie de « l’implication des travailleurs » au sein des sociétés européennes823. Comme pour les droits à l’information et à la consultation, ni la SE, ni la SCE ne peuvent être immatriculées tant que la question de la participation n’est pas réglée824.

554.Modes de constitution et participation. – La SE et la SCE sont des sociétés statutairement européennes. Les règlements qui leur donnent naissance sont d’application immédiate et d’effet direct dans chacun des Etats membres. Les directives qui s’y attachent assurent une mise en œuvre souple de la participation, tout en garantissant son existence. Règlements et directives traduisent en réalité « les orientations générales de la proposition de

1975 […], une volonté de créer un texte à la fois souple et complet »825.

555.Les modes de constitution prévus pour la SE ou la SCE peuvent influer sur la mise en place de la participation des travailleurs. La SE et la SCE peuvent être constituées par voie de fusion826, par transformation directe d’une société anonyme en SE827 ou d’une coopérative

822 K. J. HOPT, Problèmes de la participation en Europe, RTD com. 1981, p. 401. 823 Dir. n° 2001/86/CE, art. 2 h) ; Dir. n° 2003/72/CE, art. 2 h).

824

Cf. Chapitre 1, Section 2.

825 P. RODIERE, Traité de Droit social de l’Union européenne, 2ème édition, LGDJ 2014, p. 469. 826 Régl. n° 2157/2001 CE, art. 17 ; Régl. n° 1435/2003 CE, art. 19 et s.

nationale en SCE828. La SE peut, en outre, être constituée par la création d’une holding829 ou d’une filiale830.

556.Il existe, quel que soit la mode de constitution, une identité de forme et de fond presque parfaite entre le régime de la participation au sein de la SE et de la SCE831.

§2. – La participation dans les sociétés issues d’une fusion transfrontalière

557.Société européenne ou nationale ? Une autre catégorie de sociétés est concernée par la participation des travailleurs. Il s’agit des sociétés issues de la fusion transfrontalière de sociétés de capitaux. Celles-ci sont réglementées par le législateur européen au sein de la directive 2005/56/CE du 26 octobre 2005. Plus exactement, cette directive réglemente la fusion en elle-même ; elle ne régit pas la société qui en résulte. Cette dernière « se présente

comme une société de droit national régie par la loi du lieu de son siège statutaire »832.

558.Fusion transfrontalière. – Une fusion transfrontalière doit intervenir pour que la directive du 26 octobre 2005 trouve application833. Il peut s’agir d’une fusion-absorption834, d’une fusion par création d’une nouvelle société835 ou d’une fusion simplifiée836. Pour qu’elle présente un caractère transfrontalier, la fusion doit intervenir entre des « sociétés de capitaux

constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de [l’Espace

Economique Européen], si deux d'entre elles au moins relèvent de la législation d'États

membres différents »837. 828 Régl. n° 1435/2003 CE, art. 35 et s. 829 Régl. n° 2157/2001 CE, art. 32 et s. 830 Régl. n° 2157/2001 CE, art. 35 et s.

831 Sous réserve « des dispositions spécifiques [qui] doivent s'appliquer en matière de participation des

travailleurs aux assemblées générales, lorsque les législations nationales le permettent. L'application de ces dispositions n'exclut pas la mise en œuvre d'autres formes de participation, comme le prévoit la présente directive » : Dir. n° 2003/72/CE, préambule, consid. 13 et art. 9.

832 P. RODIERE, Union européenne - représentation du personnel dans l’entreprise - information, consultation

et participation des travailleurs, J-Cl : 611.

833 L. GAMET, Représentation des salariés dans les fusions transfrontalières, J-Cl : 15-76. 834

Dir. n° 2005/56/CE, art. 2, §2 a). 835 Ibid, art. 2, §2 b).

836 Ibid, art. 2, §2 c). 837 Ibid, art. 1.

559.Sociétés de capitaux. – Toutes les sociétés ne sont pas concernées par la directive du 26 octobre 2005. Pour la France, seules sont visées, par renvoi à la directive 68/151/CEE, la société anonyme, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée ou des sociétés qui présentent des conditions de garanties équivalentes838.

560.Participation. – Lorsqu’une participation des travailleurs existe au sein des sociétés concernées par la fusion transfrontalière, cette dernière doit être sauvegardée. Pour cela, la directive du 26 octobre 2005 prend « comme base [...] les principes et modalités prévus dans

le règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE) et dans la directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs »839.

561.Le législateur européen a structuré ces divers droits à participation des travailleurs par le truchement de règles d’articulation présentes au sein des directives.

Sous-section 2 : Règles d’articulation

562.« Les règles de droit communautaire sont en nombre très limité »840. Pourtant, des

problèmes d’articulation se posent dès lors que les définitions sont vastes et les acteurs concernés, transnationaux. Les problèmes d’articulations concernent tantôt les droits à participation entre eux (§1), tantôt les droits à participation avec des droits d’une autre nature (§2).

§1. – Articulations des droits à participation

563.SE, SCE. – Les directives 2001/86/CE et 2003/72/CE prévoient, au mot près, un dispositif identique d’articulation des droits à participation.

564.Dès lors que sont en cause ces sociétés, leur caractère européen attribue un monopole à la norme européenne correspondante pour régler les droits à participation. Ainsi, « les

838 Dir. n° 2005/56/CE, art. 2, §1. 839 Ibid, préambule, consid. 13.

dispositions en matière de participation des travailleurs dans les organes d'une société prévues par la législation et/ou par la pratique nationale, autres que celles destinées à mettre en œuvre la présente directive, ne s'appliquent pas aux sociétés constituées conformément au règlement (CE) n° 2157/2001 [ou n° 1435/2003] et relevant de[s] présente[s] directive[s] »841.

565.Filiales de SE ou SCE. – « L’immunité » dont bénéficient la SE et la SCE face aux législations nationales sur la participation ne s’étend pas leurs filiales. En effet, les directives 2001/86/CE et 2003/72/CE ne portent pas atteinte « aux dispositions en matière de

participation dans les organes, qui sont prévues par la législation et/ou la pratique nationales et applicables aux filiales de la [SE, de la] SCE ou aux SCE auxquelles les articles 3 à 7 ne s'appliquent pas »842.

566.Garanties ? – Les directives poursuivent en affirmant que « les États membres peuvent

prendre les mesures nécessaires pour garantir le maintien, après l'immatriculation de la [SE

ou de la] SCE, des structures de représentation des travailleurs dans les entités juridiques

participantes qui cesseront d'exister en tant qu'entités juridiques distinctes »843. L’on se demande cependant quel type de mesures pourront bien être prises pour garantir le maintien des structures de représentation dans des sociétés qui cesseront d’exister, du moins en tant qu’entité juridique à part entière. « Cela reviendrait à accorder des droits à une collectivité de

travail détachée de l’entité économique, ce qui est un peu difficile à concevoir »844. De la même façon, « les États membres prennent les mesures appropriées, dans le respect du droit

communautaire, pour éviter l'utilisation abusive d'une [SE ou d’une] SCE aux fins de priver les travailleurs de droits en matière d'implication des travailleurs ou [de] refuser ces droits »845.

841 Dir. n° 2001/86/CE, art. 13, §2 ; Dir. n° 2003/72/CE, art. 15, §2. 842

Dir. n° 2001/86/CE, art. 13, §3 b) ; Dir. n° 2003/72/CE, art. 15, §3 b). 843 Dir. n° 2001/86/CE, art. 13, §4 ; Dir. n° 2003/72/CE, art. 15, §4.

844 F. MEYER, La société européenne : aspects de droit du travail, PA, 16 avril 2002 n° 76, p. 7. 845 Dir. n° 2001/86/CE, art. 11 ; Dir. n° 2003/72/CE, art. 13.

§2. – Articulations avec d’autres droits

567.Information et consultation nationales. – Participation mise à part, les directives 2001/86/CE et 2003/72/CE ne portent pas atteinte aux droits nationaux pour l’implication des travailleurs, tant pour la SE et la SCE que pour leurs filiales ou établissements846.

568.Par ailleurs, la directive du 26 octobre 2005 prévoit d’autres droits pour les travailleurs totalement indépendants de la participation. Doit intervenir une procédure nationale d’information et de consultation dans chaque société concernée par la fusion847. De plus, un rapport doit être élaboré par l’organe de décision. Il doit être transmis aux représentants du personnel848.

569.Fusion transfrontalière et autres directives. – La société issue de la fusion transfrontalière telle qu’elle résulte de la directive du 26 octobre 2005 ne porte pas atteinte aux droits attribués aux travailleurs par le législateur européen dans d’autres directives sociales849. Cette articulation n’est présente qu’au sein du préambule du 26 octobre 2005, elle n’est donc pas absolue. Cependant, la Cour de justice tend à interpréter le texte de la directive à la lumière de son préambule, expression la plus directe de la volonté du législateur européen.

846 Dir. n° 2001/86/CE, art. 13, §3 a) ; Dir. n° 2003/72/CE, art. 15, §3 a). 847 Dir. n° 2005/56/CE, art. 7.

848 Dir. n° 2005/56/CE, art. 7 : « L'organe de direction ou d'administration de chacune des sociétés qui

fusionnent établit un rapport à l'intention des associés expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques de la fusion transfrontalière et expliquant les conséquences de cette fusion transfrontalière pour les associés, les créanciers et les salariés. Le rapport est mis à la disposition des associés et des représentants du personnel ou, s'il n'en existe pas, des salariés eux-mêmes au plus tard un mois avant la date de l'assemblée générale visée à l'article 9 ».

849 Ibid, préambule, consid. 12 : « Les droits des travailleurs autres que les droits de participation devraient

rester organisés conformément aux dispositions nationales visées par la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 relative aux licenciements collectifs, la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ainsi que la directive 94/45/CE du Conseil du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs ».

570.Fusion transfrontalière et SCE ou SE. – « Les États membres peuvent décider de ne

pas appliquer la présente directive aux fusions transfrontalières auxquelles participe une société coopérative, même dans les cas où cette dernière entre dans la définition de la « société de capitaux » énoncée à l'article 2, point 1 »850. L’Etat peut donc décider d’exclure les coopératives de la règlementation issue de la directive du 26 octobre 2005. Ces dernières poursuivent en effet un objectif social et solidaire, et la directive 2005/56/CE peut apparaître comme un cadre trop souple pour l’économie collaborative de certains Etats membres. Un rapport suggère d’adopter une articulation générale entre les dispositions portant sur la SE ou la SCE et celles de la directive du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières : « les deux

textes peuvent avoir à être appliqués par la même entreprise européenne »851. Ce sera le cas si, par exemple, une société de capitaux française constitue une SE par fusion avec une autre société de capitaux allemande. En cette hypothèse, les directives 2001/86/CE et 2005/56/CE trouvent toutes deux application.

571.Conclusion de la Section 1. – « Comment faire fi du besoin des entreprises

européennes, pour affronter la concurrence internationale, de se restructurer et de coopérer entre elles, et partant d’outils aptes à cette fin ? »852. A cet égard, les directives portant sur la

SE, la SCE et la société issue d’une fusion transfrontalière constituent des textes de compromis. Les droits des travailleurs sont sauvegardés mais soumis, dans une certaine mesure, à la volonté des parties. Le recours à des normes légales subsidiaires est conçu comme l’ultime extrémité.

850 Ibid, art. 3, §2.

851

Rapport d’évaluation de la SE du 19 mars 2007 : Des pistes pour améliorer le statut social de la société

européenne, Liais. Soc. quotidien 2007.

852 M. LUBY, Impromptu sur la directive n° 2005/56/CE sur les fusions transfrontalières des sociétés de