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S'agissant cette fois des travailleurs ou de leurs représentants ayant une fonction spécifique en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, l’article 11, §

Chapitre 1 : Le dialogue social au service de la protection du corps du travailleur

Section 1 : La protection générale établie par la directive du 12 juin

98. S'agissant cette fois des travailleurs ou de leurs représentants ayant une fonction spécifique en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, l’article 11, §

prévoit que ceux-ci “participent de façon équilibrée, conformément aux législations et/ou

pratiques nationales, ou sont consultés au préalable et en temps utile par l’employeur… ».

Cette mystérieuse participation équilibrée aurait en définitive assez de consistance pour suppléer la consultation des représentants ayant une fonction spécifique en matière de santé et de sécurité.

99.Malgré tout, la directive 89/391/CEE ne définit pas la participation équilibrée. Dans le procès-verbal d’adoption de la directive, une déclaration précise que « la notion de

participation équilibrée comprend une gamme de plusieurs formes de participation des travailleurs, qui varient considérablement d'un État membre à l'autre. La présente directive ne comporte aucune obligation pour les États membres de prévoir une forme déterminée de participation équilibrée »147. La notion de participation implique une gamme de plusieurs

formes de …participation.

146 B. TEYSSIÉ, Union Européenne, exécution des relations de travail : J-Cl. 92-40. 147 Document du Conseil 9869/88 restreint soc. 282, 12 déc. 1988, p. 22.

100.Suppression souhaitable. – La directive se doit de laisser une marge de manœuvre suffisante aux Etats membres ; mais laisser une marge de manœuvre implique à tout le moins un cadre et dans le meilleur des cas un objectif. A la lecture du texte de la directive, rien ne permet de connaître le cadre de cette participation dont il est affirmé qu’elle doit être équilibrée.

101.Le droit à consultation et le droit de proposition paraissent plus palpables et, en matière de santé et de sécurité, il n’est pas envisageable que la consultation – éminemment utile et nécessaire – puisse être remplacée par une obligation aussi peu déterminée que la

« participation équilibrée ». Rappelons ce qui n’est pas encore une évidence pour bien des

législateurs, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »148.

102.Exemples : Italie, Espagne. – Dans son « testo unico di sicurezza sul lavoro »149, nonobstant une section abondante intitulée « Consultazione et Partecipazione dei

rappresentanti dei lavoratori », l’Italie n’a pas su donner à la participation son propre

contenu. Elle se résume à d’autres obligations. Ainsi, les représentants des travailleurs sont informés sur de nombreux thèmes reprenant la directive ; ils sont consultés de la même manière, notamment quant à la pertinence des formations reçues, la désignation des responsables en cas d’incendie et surtout « preventivamente e tempestivamente »150 quant à

l’évaluation des risques, l’individualisation, la programmation, la réalisation et la vérification de la prévention en place dans l’entreprise et dans l’unité de production. En outre, ils formulent des observations et des propositions. La participation en tant que telle demeure un mystère, la doctrine italienne se bornant à souligner à quel point le rôle des représentants des travailleurs est fondamental en ce qu’ils constituent une « véritable interface avec le

personnel »151. De la même façon, la loi de transposition espagnole considère que la participation n’est autre que le terme chapeautant l’ensemble des moyens relatifs au dialogue

148 Montesquieu, De l’Esprit des Lois.

149 Décret législatif n°81/2008, art. 50, « texte unique sur la sécurité au travail ». Unique car le législateur italien a accompli ce que le législateur européen n’a pas encore réalisé : un texte unique regroupant toutes les dispositions générales en matière de santé au travail dans première partie, accompagné de dispositions sectorielles adaptées dans une seconde partie.

150 préventivement et promptement.

151 A. MURATORIO, La protection de la santé au travail et la loi en Italie, SSL supplément, 8 décembre 2014, n°1655.

social152. Envisager la participation équilibrée en remplacement éventuel de la consultation est dépourvu de sens : le texte même de la directive est contraire à son esprit.

103.Un droit, un devoir ! – Plus qu’une obligation pour l’employeur, la participation est un devoir du travailleur153. En effet, la participation trouve sa traduction la plus exacte dans la section III de la directive portant sur les obligations des travailleurs. Il y est prévu que les salariés ont l’obligation de communiquer à l’employeur ou aux travailleurs ayant une fonction spécifique en matière de santé et de sécurité tout danger grave et immédiat qu’ils pourraient craindre ainsi que l’obligation de concourir à leur sécurité à plus long terme154.

104.Conclusion de la Section 1. – Réécrire la directive ? Près de vingt-sept ans après, l’heure d’une directive de « codification » est peut-être venue, remodelant la directive du 12 juin 1989 à l’aune des évolutions législatives et jurisprudentielles mais aussi techniques, scientifiques et culturelles, notamment concernant les représentants des travailleurs. Il faut noter à ce sujet que les obligations de participation et de consultation des représentants ayant une fonction spécifique en matière de santé et de sécurité « se distingue[nt] de l'obligation

générale pour les employeurs de consulter les travailleurs et/ou leurs représentants sur ces questions »155. Néanmoins, même si la vision qu’a la CJUE des obligations imposées par les directives est extensive, cela n’exclut pas une unification des acteurs. En effet, ce sont bien les obligations qui sont spécifiques et qui se distinguent nécessairement de l’obligation générale de consulter les représentants des travailleurs, pas les représentants eux-mêmes. Il n’est donc

152 Loi 31/1995 du 8 novembre 1995 de prévention des risques professionnels, dite « LPRL ». Cette analyse est confirmée par la doctrine espagnole, voir G. BARRIOS BAUDOR, La prévention au travail en Espagne, SSL supplément, 8 décembre 2014, n°1655.

153 qui devient « acteur de sa propre sécurité », S. LAULOM, Contexte et apports de la directive cadre du 12

juin 1989, SSL supplément, 8 décembre 2014, n°1655.

154 Dir. n°89/391/CEE du 12 juin 1989, art. 13§2 d), e), f). Cependant, cette obligation demeure modeste : ce n’est qu’une obligation de moyens car le salarié n’a pas les possibilités de prendre d’autorité toutes les mesures nécessaires. L’article L.4122-1 du Code du travail français transpose la directive en affirmant que l’obligation du salarié est appréciée selon les instructions données par l’employeur. Le droit français rend net la subsidiarité des obligations du travailleur en la matière qui n’apparaît qu’en filigrane dans la directive. Mme Everaert-Dumont parle de « devoir de prudence » (D. EVERAERT-DUMONT : J-Cl 20-10) empruntant à l’expression d’Alain Coeuret sur le « devoir de vigilance » (La responsabilité du salarié en matière de sécurité et prévention des

risques professionnels, rapport annuel de 2002 de la Cour de cassation,

https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2002_140/deuxieme_partie_tudes_d ocuments_143/tudes_theme_responsabilite_145/matiere_securite_6108.html).

pas exclu que ces obligations spécifiques puissent être attribuées aux représentants habituels des travailleurs dès lors que les obligations demeurent distinctes et que ces représentants sont en mesure de jouer plusieurs rôles différents156.