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CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.2 Le tubercule

1.2.2. Périderme

Le tubercule est recouvert par le périderme. Celui-ci est appelé peau ou pelure dans le langage courant. Le périderme, comme la cuticule, sert de couche de protection contre les différents stress abiotiques et biotiques auxquels la plante fait face.

Le périderme est composé de trois types de tissus soit le phellème, le phellogène et le phelloderme (Reeve et al., 1969). Le phellème représente la couche extérieure du périderme et est formé à partir de la division des cellules du phellogène. Le phellogène donne aussi naissance au phelloderme qui se retrouve vers l’intérieur du tubercule. On retrouve aussi des lenticelles dans le périderme qui sont des ouvertures naturelles qui permettent des échanges avec l’environnement. À mesure que les cellules du phellème se développent, les parois vont se subériser formant ainsi la couche protectrice (Sabba and Lulai, 2002). Les cellules subérisées vont mourir, car le dépôt de subérine empêchera les échanges cellulaires. La figure 2 représente une schématisation du périderme.

Figure 1.2 Représentation schématique du périderme de pomme de terre adaptée de Tyner et al. (1997).

1.3 La subérine 1.3.1. Rôle et structure

La subérine est un biopolymère composé d’un domaine polyaliphatique associé à un domaine polyaromatique lié de façon covalente (Figure 3). Les deux domaines sont distincts, mais coexistent dans les cellules subérisées (Bernards, 2002).

Figure 1.3 Représentation de la subérine (Bernards, 2002).

La subérine lorsque déposée dans les parois des cellules du phellème forme des lamelles. La figure suivante représente l’organisation en lamelle de la subérine dans le périderme de pomme de terre (Solanum tuberosum) (Figure 4).

Figure 1.4 Microscopie électronique à transmission du périderme de pomme de terre. PW : paroi cellulaire primaire SW : paroi cellulaire secondaire subérisée TW: paroi cellulaire tertiaire (Beaulieu et al., 2016)

1.3.1.1 Rôle

La subérine représente une barrière entre la plante et son environnement (Graça, 2015). Elle est retrouvée principalement dans le périderme des plantes (écorce d’arbre, pelure de tubercules), dans l’épiderme et l’hypoderme des racines ainsi que dans les cellules de la gaine du faisceau (Bernards, 2002; Graça and Santos, 2007). La subérine apparaît aussi suite à des blessures tant mécaniques que dues à des pathogènes (Schreiber et al., 2005).

La subérine joue un rôle dans la rétention d’eau, mais aussi pour la protection contre les attaques d’agents pathogènes. Son rôle pour la rétention d’eau est basé sur le fait que la subérisation des

l’eau du périderme (Bernards, 2002). Serra et al., (2010) ont aussi démontré que les tubercules de pomme de terre déficients pour l’enzyme FHT (enzyme codant pour une feruloyl transférase) avaient un périderme plus perméable.

Le rôle de protection contre les agents phytopathogènes est appuyé par les travaux de Lulai et Corsini (1998). Il a été démontré que la subérisation permettait la résistance à Erwina

caratovara subsp. carotova ainsi qu’à Fusarium sambucinum. Pour ce faire, Lulai et Corsini

ont suivi la déposition des domaines aliphatiques et aromatiques lors d’essai de cicatrisation sur du périderme de blessure. Ils ont donc pu démontrer que le domaine polyaromatique était responsable de la résistance à E. carotovara tandis que le domaine polyaliphatique permettait, quant à lui, la résistance à F. sambucinum (Lulai and Corsini, 1998).

1.3.1.2 Structure

La dépolymérisation de la subérine via des réactions telles que l’hydrolyse, l’alcoolyse ou l’hydrogénolyse a permis d’obtenir la composition des monomères aliphatiques composant la subérine (Graça and Santos, 2007). On retrouve principalement le glycérol, les alpha-oméga diacides à chaîne longue et les oméga-hydroxyacides à chaîne longue. Les 1-alkanols et 1- alkanoic acide ont aussi été retrouvés en petite quantité (Graça and Santos, 2007). Ces composés seraient liés entre eux avec des liens esters soit des liens esters linéaires, des liens glycéryl ester et des liens féruloyl esters (Graça and Santos, 2007). Le domaine polyaliphatique de la subérine peut être comparé à la cutine. Ce domaine est composé principalement d’acide gras -hydroxy, d’acide ,-dicarboxylique, d’acide gras oxygéné en milieu de chaîne, d’acide gras non substitué ainsi que d’alcools gras primaires (Vishwanath et al., 2015).

Pour ce qui est du domaine polyaromatique, celui-ci se compare à la lignine. On retrouve des monolignols comme dans la lignine, mais aussi des acides hydroxycinnamiques tels que l’acide férulique ou ses conjugués (Ranathunge et al., 2011).

1.3.2. Biosynthèse

La biosynthèse de subérine n’est toujours pas totalement élucidée. Cependant, certaines étapes ont été établies à l’aide de méthodes biochimiques et moléculaires en plus des études faites sur la lignine et la cutine dues à la similarité de leur structure avec la subérine.

La biosynthèse de la subérine implique l’-hydroxylation d’acide gras ainsi que l’oxydation subséquente en ,-dicarboxylique acide, l’élongation des longues chaînes d’acide gras, l’activation des acides gras en acyl-CoA thioester gras, la réduction des chaînes acyles gras en alcools gras primaires, diverses acylations impliquant l’incorporation de glycérol et de composés phénoliques, et la polymérisation des monomères (Vishwanath et al., 2015). L’ordre dans lequel les réactions se font reste à déterminer.

La figure 5 représente une vue d’ensemble de la synthèse des monomères de subérine. La synthèse des acides gras a lieu dans les plastes, ce qui produit principalement des chaînes acyles 16 : 0 et 18 : 1 pouvant être par la suite exportées et modifiées dans le réticulum endoplasmique par différentes enzymes. L’élongation des chaînes acyles gras a lieu via le complexe FAE (fatty acyl elongation) ce qui permet de produire des acides gras à très longues chaînes à l’aide d’enzymes tels que les -ketoacyl-CoA synthases (KCS). Chez la pomme de terre, l’implication de StKCS6 (une - ketoacyl-CoA synthase qui est une enzyme de condensation du FAE) dans l’élongation des précurseurs de la subérine pour des chaînes de C28 ou plus longues a été démontrée (Serra et al., 2009).

La réduction des acyles se fait par les fatty acyle réductases (FAR) qui vont produire les alcools primaires ainsi que les ,-diols. L’oxydation des acyles gras se fait par des cytochromes P450 qui produisent les acides gras -hydroxy (-OH) et les ,-dicarboxyliques. Chez la pomme de terre, StCYP86A33, une -hydroxylase d’acide gras, est important pour la production de monomère -fonctionnel. En effet, lors d’essais pour l’extinction du gène (RNA silencing)

StCYP86A33, l’équipe de Serra et al (2009) obtenait une réduction significative des 18 : 1 acides

-hydroxy et d’acides ,- dicarboxylique chez le périderme du tubercule.

L’estérification des -OH et des acides ,-dicarboxyliques acide se fait par les glycérol-3- phosphate acyltransférases (GDAT) qui produiraient des sn-2 monoacylglycérol (Vishwanath et al., 2015). Les cytochromes P450 pourraient poursuivre l’oxydation des acides gras - hydroxy en acides ,- dicarboxyliques. L’activation des acides gras en acyl-CoA gras est faite par LACS (long-chain acyl-CoA synthetase). Les étapes de transport et de polymérisation des monomères de subérine sont encore à élucider. Cependant, des transporteurs ABC pourraient être impliqués dans le transport des monomères aliphatiques à travers la membrane plasmique. Des polyesters synthases pourraient jouer un rôle dans la production de polyester à poids moléculaire élevé en liant les sn-2 monoacylglycérols avec d’autres monomères.

Figure 1.5 Vue d’ensemble représentant la biosynthèse de la subérine (Vishwanath et al., 2015)

Les précurseurs de la partie aromatique de la subérine sont synthétisés à partir de la voie des phénylpropanoïdes qui a bien été étudiée dans le cadre de la biosynthèse de la lignine, mais qui est peu connue pour son rôle dans la synthèse de la subérine.

Le point d’entrée dans le métabolisme des phénylpropanoïdes est catalysé par la phénylalanine amonia-lyase (PAL) qui transforme la phénylalanine en p-coumaroyl-CoA, le précurseur de la voie des flavonoïdes donc de la synthèse de lignine (Valiñas et al., 2015). Le p-coumaroyl-CoA

différents précurseurs de la synthèse de subérine telle que l’acide caféique et l’acide férulique (Valiñas et al., 2015). La figure 6 représente les différentes étapes et enzymes impliqués dans le métabolisme des phénylpropanoïdes qui mènent à la biosynthèse de la partie polyphénolique de la subérine.

Figure 1.6 Vue d’ensemble de la synthèse du domaine polyaromatique de la subérine à partir de la voie des phénylpropanoïdes (Valiñas et al., 2015).

Les composés phénoliques produits sont par la suite transportés à la membrane plasmique (mécanisme inconnu à ce jour) et vont stimuler l’activité d’une NAD(P)H oxydase dépendante de la membrane plasmique (Bernards et al., 2004). Lorsque la quantité de composés phénoliques sera assez élevée, celle-ci induira la production de O-

2 et de H2O2, ce qui permettra la polymérisation des phénoliques grâce aux différentes peroxydases présentes (Bernards et al., 2004).

Les deux domaines de la subérine sont liés par trois types de liaisons, soit les liaisons au glycérol des acides gras à longues chaînes, l’estérification tête-à-queue de deux acides gras à longues chaînes et les liaisons férulate--hydroxy acide (Graça et al., 2015). Les liaisons férulate-- hydroxy acide joueraient un rôle dans la liaison des deux domaines de la subérine. L’extinction du gène FHT codant pour une acyltranférase de la famille BAHD qui catalyse la formation de - -hydroxy acide férulée, apporte des changements au niveau de la structure de la subérine (Serra et al., 2010).

1.3.3. Dégradation

La subérine représente un biopolymère récalcitrant. Malgré tout, sa dégradation a été répertoriée chez certains champignons tels que Fusarium, Apergillus nidulans, Coprinopsis cinerea et

Rosellinia desmazieresii (García-Lepe et al., 1997; Kontkanen et al., 2009; Ofong and Pearce,

1994). Par ailleurs, Beaulieu et al. (2016) ont démontré la capacité de dégradation de la subérine de Streptomyces scabies (discuté dans la section 1.5.2).

1.4 Streptomyces scabies

Les espèces du genre Streptomyces possèdent un cycle de vie complexe qui commence par la germination d’une spore. La spore forme un ou deux tubes germinatifs. Les tubes germinatifs poussent par croissance apicale afin de former le mycélium végétatif. Suite à différents stress, une différenciation morphologique se produit puis la production d’hyphes aériens est enclenchée et s’accompagne généralement de la production de métabolites secondaires. Les hyphes aériens doivent briser la tension de surface afin de croître dans l’air et éventuellement, les hyphes se fragmentent pour former les spores. Le métabolisme secondaire chez les Streptomyces correspond donc au développement des hyphes aériens (sur milieu solide) ou à la phase stationnaire (en milieu liquide) (Bibb, 2005). Plusieurs régulateurs pléiotropiques sont retrouvés chez les différentes espèces de Streptomyces ainsi que des régulateurs spécifiques à certains

métabolites tels que les antibiotiques étant donné que leur métabolisme secondaire est complexe et diversifié.

Parmi les régulateurs du métabolisme secondaire, on retrouve en autres les gènes bld, whi, et les gamma-butyrolactones. Les gènes bld sont des gènes impliqués dans la formation du mycélium aérien et sont nommés ainsi, car les mutants sont d’apparence chauve (bald) due à leur incapacité à former un mycélium aérien. Il a été démontré que les gènes bld ne sont pas seulement impliqués dans la formation du mycélium aérien, mais aussi dans la production d’antibiotiques et certains mutants semblent aussi influencer l’utilisation du carbone (Pope et al., 1996).

Les gènes whi sont impliqués dans la sporulation. Ils sont nommés ainsi dû à la couleur blanche des spores chez les mutants cependant les mutants whi sont capables d’ériger un mycélium aérien. Plusieurs gènes whi sont retrouvés et ils peuvent être divisés en 2 groupes selon le moment où ils sont retrouvés lors de la sporulation. Les gènes whiA, whiB, whiG, whiH, whiI et whiJ sont classés dans la phase précoce tandis que whiD, whiE, whiL, whiM et whiO sont impliqués dans la phase tardive de la sporulation (Chater, 2001).

En plus des gènes bld et whi, les gamma-butyrolactones ont été démontrées comme des régulateurs de la production d’antibiotiques et de la différenciation morphologique chez les

Streptomyces. Les gamma-butyrolactones sont des molécules de signalisation qui ressemblent

aux acylhomosérine lactones (AHL) des bactéries à Gram négatif à l’exception de la chaîne latérale de carbone (Takano, 2006).

Les systèmes de régulation par les gamma-butyrolactones sont retrouvés chez plusieurs espèces de Streptomyces. Il est possible de diviser les gamma-butyrolactones en trois groupes soit les virgina butanolide (possède un groupe - hydroxyle, identifié chez S. virginiae), les composés IM-2 like (-hydroxyle en position 6, identifié chez S. lavendulae) et les substances A-factor like (possède un 6-keto group, identifié chez S. griseus et S. coelicolor) (Rabyk et al.,

lié au métabolisme secondaire et à la différenciation morphologique chez S. griseus. Il est produit de façon dépendante de la croissance et il a été démontré qu’une concentration aussi faible que 10-9 M permettait au facteur A de déclencher la différenciation morphologique (Horinouchi and Beppu, 1992).

Très peu d’espèces pathogènes sont retrouvées chez les Streptomyces. Parmi celles-ci, on retrouve Streptomyces scabies, l’agent causal de la gale commune de la pomme de terre.

S. scabies est un agent phytopathogène retrouvé un peu partout dans le monde. En plus

d’infecter la pomme de terre, S. scabies peut aussi causer des symptômes de gale commune chez les plantes ayant des racines pivotantes telles que le radis, la betterave, les arachides (Bignell et al., 2010a). La gale commune est une maladie esthétique du tubercule de la pomme de terre qui n’affecte pas la santé humaine. La maladie est caractérisée par la présence de lésions plus ou moins subérisées à la surface du tubercule (Figure 7). Ses lésions peuvent être superficielles, surélevées ou profondes.

Figure 1.7 Tubercules de pomme de terre avec différents niveaux d’infection à la gale commune (photo prise par Iauhenia Isayenka)

Cette maladie engendre de lourdes pertes économiques au Canada qui étaient estimées en 2003 aux environs de 15 et 18 millions de dollars par an (Hill and Lazarovits, 2005).

Figure 1.8 Cycle de vie et d’infection de S. scabies (Agrios, 2005)

S. scabies pénètre les tubercules en croissance via les lenticelles ou des blessures. La pénétration

directe du périderme a aussi été suggérée (Loria et al., 2003). Après la pénétration du tubercule,

S. scabies pousse dans les tissus du périderme. En réponse à l’infection, la plante va produire

rapidement plusieurs couches de cellules subérisées ce qui a pour effet de repousser les bactéries vers l’extérieur (Agrios, 2005). Les symptômes peuvent par la suite s’aggraver si les bactéries parviennent à pénétrer les nouvelles couches de cellules subérisées jusqu’à la récolte des tubercules. Grâce à sa capacité à sporuler, S. scabies peut donc survivre (automne et hiver) jusqu’à ce que les conditions soient favorables (printemps et été) pour infecter de nouveau les tubercules.

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