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CHAPITRE 4 EFFET DU SOLVANT SUR LA SYNTHÈSE DE NANOPARTICULES PAR

4.3 Informations additionnelles sur l’influence du solvant

4.3.1 Oxydation des NPs

L’oxygène est dissout naturellement dans les solvants à des concentrations qui varient selon la nature du liquide utilisé. Les liquides sont donc caractérisés par une constante appelée coefficient d’Ostwald qui est une mesure du ratio entre le volume du gaz absorbé sur le volume du liquide absorbant. Ces valeurs ont été tabulées dans la littérature [153,154] et sont représentées dans le tableau ci-dessous pour les solvants que nous utilisons.

Tableau 4.2: Constante d’Ostwald de O2 à la température de la pièce.

Solvant Constante d’Ostwald Température (°C)

Eau 0.0347 20

Acétone 0.2794 25

Méthanol 0.246 20

2-propanol 0.2463 25

On remarque que le volume d’oxygène dissout est important et que l’eau est le solvant qui en contient le moins. Afin d’évaluer l’impact de l’O2, nous avons effectué l’ablation femtoseconde de Co avec une puissance de 125 mW (60 minutes dans un volume de 30 mL, les autres conditions étant identiques à celles de l’article) dans l’eau préalablement bullée une heure par un flux d’air comprimé ou d’azote afin de retirer l’oxygène dissout en saturant la solution de N2. Nous avons ensuite déterminé le ratio d’atomes d’oxygène sur celui de cobalt à partir de la spectroscopie EDXS du TEM.

Tableau 4.3: Ratio normalisé d’oxygène sur cobalt pour des NPs produites dans une solution d’eau préalablement dégazée.

Gaz utilisé pour dégazer Diamètre (nm) de la NP étudiée

10 50 100

Air comprimé 1 0.4 0.35

Le tableau précédent montre les résultats obtenus et l’on constate que le remplacement de l’oxygène dissout par l’azote a permis de limiter l’oxydation. De plus, le ratio diminue lorsque la taille des NPs augmente ce qui indique que l’oxydation s’est produite principalement sur la surface et que le centre des grandes NPs n’a pas été significativement affecté. Cependant, le retrait de l’oxygène dissout n’a pas complètement cessé l’oxydation des NPs car l’eau a pu se décomposer par contact avec les agrégats chauds ou avec la plume du plasma libérant ainsi de l’oxygène. En revanche, la faible variation de la fraction d’oxygène entre les NPs de 50 et 100 nm produites en présence du flux de N2 (bien que la fraction d’atomes à la surface ait diminué par deux) est biaisée par la présence d’oxygène provenant du film de carbone qui impose une limite inférieure au seuil de détection. Il est aussi envisageable que la formation d’un oxyde surfacique se produise lorsque nous faisons sécher les NPs en présence d’air. La figure 4.5 montre de grandes NPs observées par TEM sur lesquelles nous remarquons clairement une structure de type cœur-couronne ce qui confirme que l’oxydation s’est produite de façon importante sur la surface des particules et sur de grandes épaisseurs. De plus, étant donné que la croissance des agrégats en NPs durant l’ablation s’effectue dans la bulle de cavitation, il est possible qu’une fraction d’oxygène soit présente dans le cœur. Le dégazage par l’azote permet aussi de limiter l’oxydation de cette phase et ainsi préserver le cœur magnétique des particules.

Figure 4-6: Distribution de taille de NPs de Co produites dans l’eau dégazée à l’air comprimé ou à l’azote. Les paramètres mean et st.d. indiquent respectivement la moyenne et la déviation standard qui décrivent la distribution log-normale de diamètre. L’erreur correspond à un intervalle de confiance de 95% déterminé numériquement.

Le dégazage de l’eau a aussi produit une modification importante de la distribution de taille des NPs comme le montre la figure 4.6 en doublant le diamètre moyen. Dans l’eau, l’oxydation contribue donc à stabiliser la coalescence des NPs.

Le procédé de fragmentation par laser permet, quant à lui, à l’oxygène libre d’interagir plusieurs fois avec une NP étant donné que celle-ci se fera briser à maintes reprises exposant ainsi de plus en plus les atomes de son cœur. Afin de caractériser la vitesse d’oxydation durant la fragmentation, des NPs de Co ont été produites par des ablations à 690 mW (60 minutes dans un volume de 30 mL, les autres conditions étant identiques à celles de l’article) dans une solution d’acétone. Par la suite, cette solution fut séparée en échantillons de 17 mL sur lesquels une fragmentation à 690 mW a été effectuée pour diverses durées tout en étant dégazée par un flux d’air comprimé ou d’argon. Le volume de la solution colloïdale ainsi obtenu fut ensuite réduit à 1 mL par évaporation et finalement mélangé à une solution de polystyrène dissout dans du toluène et séché sur une lamelle de silicium. Les NPs ainsi formées se retrouvent figées dans une matrice de polystyrène qui limite l’interaction directe entre l’air et les NPs tout en prévenant l’agrégation des NPs.

La vitesse d’oxydation peut alors être mesurée à partir de l’aimantation des NPs car l’oxydation du cobalt change son état ferromagnétique vers un état antiferromagnétique. Étant donné que la température de Néel de l’état antiferromagnétique du CoO est de 291 K et que les mesures d’aimantation ont été effectuées à la température de la pièce 295 °C, le CoO a une réponse

paramagnétique de faible amplitude comparativement au cœur de Co. Les courbes d’aimantations sont donc corrigées en effectuant une régression linéaire à haut champ afin de ne conserver que l’aimantation de l’état ferromagnétique. Une réduction de l’aimantation à saturation (aimantation sous un champ de 7500 Oe) durant la fragmentation correspondra alors à l’accroissement du volume occupé par l’oxyde comparativement au volume non oxydé initial.

Figure 4-7: Aimantation normalisée de NPs de Co en fonction du temps de fragmentation et dégazée par un flux d’air comprimé ou d’argon. Les lignes pointillées correspondent à des décroissances exponentielles.

La figure 4.7 montre le ratio d’aimantation à saturation en fonction du temps de traitement selon le type de gaz utilisé. Les lignes pointillées représentent une régression exponentielle exp(-t/τ) dont les temps caractéristiques sont de τair = 27 ± 5 min et τargon = 142 ± 10 min. Bien que le diamètre moyen ait évolué de 28 à 12nm, aucune modification significative du rayon ne fut observée au-delà de 30 minutes (équilibre entre fragmentation et coalescence). Néanmoins, le volume oxydé de la NP continue d’augmenter car elle continue de se briser et d’être exposée à de l’oxygène.

Autant dans le cas de l’ablation que de la fragmentation, la présence d’oxygène dissout dans la solution entraîne une vitesse d’oxydation environ 5 fois supérieure que lorsque la solution est saturée d’argon ou d’azote bien que la concentration d’oxygène soit nettement inférieure à celle du solvant. Ceci s’explique par le fait que la diffusion de l’oxygène dissout par mouvement brownien est beaucoup plus grande que celle du solvant et qu’il ne requiert pas d’être décomposé, comme le solvant, pour pouvoir interagir avec les NPs.