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Chapitre 1: Des projets transnationaux de solidarité juive en Afrique du Nord

C. Créer des chemins migratoires

1) Ouvrir le champ des possibles

En juin 1954, Ann Petluck, l’une des responsables de l’agence HIAS aux Etats-Unis ouvre sa présentation à une réunion rassemblant des organisations en charge de l’immigration, par cette « histoire classique » d’un réfugié qui souhaitant émigrer consulte un travailleur social : « Ils

ont devant eux une carte du monde et ils discutent des exigences à remplir pour entrer dans chacun des différents pays ». Au fur et à mesure, ils prennent conscience que le réfugié en

question ne répond à aucun critère d’entrée et ne pourra donc pas émigrer, « désespéré, il se

tourne vers le travailleur social et lui demande « Est-ce que vous n’auriez pas d’autres cartes ? »143. Cette histoire rappelle le fonctionnement des agences d’immigration établies

142 Par champ migratoire on entend « l’ensemble de l’espace parcouru, pratiqué par les migrants. La notion de

champ fait référence à un espace spécifique, structuré par des flux importants, significatifs ; appliquée au domaine international, elle englobe à la fois le pays de départ et le pays d’emploi », Gildas Simon, « Réflexions

sur la notion migratoire international », Hommes et Terres du Nord, Numéro Spécial, 1981, p. 85.

143 « There is a classic story that is told of the refugee who is discussing possible emigration with the social

worker. They have before them a map of the world and they are discussing the requirements for the various countries of immigration. As they go over the requirements for each country, it becomes apparent that this poor man would not be eligible. At last in despair he turns to the worker and says: “Haven’t you any more maps?” »,

Yivo, United HIAS Service, Main Office, N.Y., 1954- 1967, RG 245.8, dossier 34, Ann Petluck Intervention du 30 juin 1954.

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durant l’entre-deux-guerres qui s’intéresse autant à la dimension sociale de l’immigration qu’aux conditions réglementaires d’accueil144. Cet extrait met l’accent sur l’action des agents d’immigration, travailleurs sociaux pour faire entrer dans des critères déterminés, des candidats à l’émigration. Marquée par le danger réel ou supposé que les juifs d’Afrique du Nord courraient, l’agence United-HIAS-Service établit un programme ambitieux d’aide à l’émigration dont le départ au Canada de près de 10 000 personnes entre 1956 et 1980 a constitué l’aboutissement le plus évident. Mais n’envisager l’action de HIAS que sous l’angle de la migration vers le Canada revient à céder à « une illusion téléologique »145 et à ne pas interpréter correctement le processus par lequel cette politique a été établie. Le Canada ne constitue en effet qu’une destination parmi d’autres qui ont été envisagées par les responsables de HIAS et comme on l’a mentionné, les premières démarches ont été entamées dans l’idée de permettre à des juifs du Maroc de rejoindre l’Amérique du Sud et en particulier le Vénézuéla.

Développer des « opportunités d’immigration »

Dans le rapport qu’il rédige en octobre 1955, le directeur de HIAS fait la liste des possibilités d’émigration sur lesquelles son agence travaille. Ainsi, il rappelle qu’il a été demandé à l’équipe en charge du programme de faire tous les efforts nécessaires pour pouvoir obtenir des visas pour des pays d’Amérique du Sud (le Chili, le Brésil, le Vénézuéla, la Colombie et l’Argentine), du Canada et de l’Australie146. Dans la conférence qu’il donne en 1956, son successeur James Rice met sur le même plan les efforts réalisés pour faire émigrer les juifs vers le Canada et vers l’Amérique du Sud147. Par ailleurs, pendant un temps, les responsables de HIAS semblent indiquer qu’une migration aux Etats-Unis sur le quota de Français serait

144 Linda Guerry, « Mobilisations transnationales pour une approche sociale des migrations. L’International

Migration Service (1921-1939) », Monde(s), Histoire, Espaces, Relations, 2014, numéro 5, p. 219-237

145 Nicolas Mariot et Claire Zalc, Face à la persécution: 991 Juifs dans la guerre, Paris : O. Jacob, Fondation

pour la mémoire de la Shoah, 2010, p. 86.

146 Yivo, United HIAS Service, Main Office, N.Y., 1954- 1967, RG 245.8, dossier 14, Rapport du Directeur

exécutif suite à son voyage au Maroc en octobre 1955, non daté.

147 « As this paper is written, our agency is using all of its ressources to meet the challenge by developing

immigration opportunities for North African Jews principally to Canada and Latin America”, Yivo, United

HIAS Service, Main Office, N.Y., 1954- 1967, RG 245.8, dossier 34, James Rice, “Paper presented to the National conference of Jewish Communal service”, St Louis, 30 mai 1956.

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envisageable pour les juifs d’Algérie et Tunisie disposant de la nationalité française148. Nous n’avons néanmoins pas trouvé de trace d’actions concrètes menées par les responsables de HIAS pour permettre l’entrée aux Etats-Unis de ces Français. Parmi les projets mentionnés, le programme d’assistance à l’émigration vers le Vénézuéla est l’un des programmes les plus avancés. Souhaité par HIAS, il s’inscrit dans le cadre de réseaux d’immigration familiaux. Dès le 19e siècle, l’Amérique du Sud a constitué une destination pour les juifs du Maroc149, tandis que HIAS a, pendant la Seconde Guerre mondiale, aidé à des départs vers Vénézuéla. Dès le début de l’année 1955, les responsables de HIAS font des démarches auprès de la communauté juive sépharade de Caracas pour permettre l’immigration d’originaires du Maroc au Vénézuéla. Après que l’envoyé de HIAS s’est adressé collectivement et personnellement à quelques membres de la communauté juive (définis comme particulièrement riches)150, il semble qu’un accord obtenu pour permettre l’arrivée de 50 juifs marocains151. La mission se révèle plus difficile en Colombie puisque les autorités « ne veu[llent]t pas d’immigration

juive »152. En ce sens, le séjour de Raphaël Spanien au Maroc s’inscrit pleinement dans le projet d’approfondir le programme d’immigration vers le Vénézuéla dont il apprend avant son départ qu’il pourrait émettre cinq visas par mois pour les juifs marocains. Le responsable de HIAS s’est ainsi entretenu avec des candidats à l’émigration dont le dossier est traité par les bureaux du Joint à Tanger. Il note par ailleurs qu’il n’a pas rencontré de candidats à l’émigration vers la Colombie. Les contacts pris à l’occasion de ce voyage ont pour objectif d’accélérer le processus d’émission des visas et Raphaël Spanien note que le Consul du

148 Yivo, United HIAS Service, Main Office, N.Y., 1954- 1967, RG 245.8, Série 3, dossier 14; “Board meeting”,

1er novembre 1955.

149 Evelyn Dean-Olmsted, « Venezuela », in Norman Stillman (dir.), Encyclopedia of Jews in the Islamic World,

Lieden : Brill, 2010, Vol. 4, pp. 598-599.

150 “He spoke to them at a meeting in their synagogue, also privately in their homes”, Yivo, United HIAS

Service, Main Office, N.Y., 1954- 1967, RG 245.8, Série 3, dossier 15, “Board meeting”, 8 février 1955.

151 « The result is an agreement with the Sephardic community of Morccoan Jews that they will furnish us with

visas for five families a month. Initially they will take 50 Moroccans Jewish families. All they ask is that we make a very special selection to see to that those sent will be able to be integrated readily into the life of the community », Id.

152 « In Colombia the conditions for bringing in Jewish immigrants are more difficult. Colombia does not want

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Vénézuéla à Tanger est lié au Président de la communauté sépharade de Caracas153. L’immigration vers ce pays semble principalement concerner des jeunes ou des hommes célibataires154. Néanmoins, en décembre 1955 le directeur de HIAS regrette que le projet d’immigration en Amérique Latine et au Canada se mette lentement en place155. Lors d’une conférence organisée à Caracas, les responsables de l’agence font état de possibilités d’immigration vers le Brésil, l’Argentine et le Chili156.

Sans que nous puissions établir la date à laquelle ont débuté les démarches, une communication de l’agence annonce en décembre 1955 l’émission des premiers visas pour le Brésil. Les responsables de l’agence se déclarent confiants sur la poursuite du mouvement d’immigration après le départ des 25 migrants en Amérique du Sud157. Afin de montrer la réussite de ce projet, un mémorandum de HIAS du 30 avril 1956 indique que les migrants arrivés à la fin du mois de janvier 1956 « s’ajustent de manière satisfaisante dans leur nouvel

environnement avec l’aide de notre bureau brésilien ». En rappelant les fiançailles de l’un

d’entre eux avec « une jolie juive brésilienne »158, le mémorandum souligne qu’au-delà de la réussite économique des nouveaux arrivants, le contexte brésilien est propice à une installation durable et à l’intégration au sein de la communauté juive établie. Le programme à destination du Vénézuéla devait quant à lui concerner dans un premier temps l’installation de dix familles d’Afrique du Nord. L’année 1956 voit une augmentation du nombre de visas

153 « related to the President of the sephardi community of Caracas », Yivo, United HIAS Service, Main Office,

N.Y., 1954- 1967, RG 245.8, Série 3, dossier 13, Rapport de Raphael Spanien sur son voyage au Maroc entre le 6 et le 23 février 1955, Mars 1955.

154 « Mr Albo stated that Venezuela is mainly looking for farmers. This we know, and he suggested it would be

wise, at the start to send young or single men. We told him an action was being taken in Venezuela, following which he would probably receive instructions for the issuance of individual visas », Id.

155 CJCCC, JIAS Canada Collection, KC 3, 1956-1959, box 1, n° 1-18. Memo d’Arthur Greenleigh, Directeur

Executif, 9 décembre 1955.

156 Id.

157 « We are assured that visas will continue to be forthcoming for our applicants in that area accompanied by

regular movements. Congratulations to both offices, and keep us the good work ! », CJCCC, JIAS Canada

Collection, KC 3, 1956-1959, box 1, n° 1-18, Memo 17, 23 janvier 1956.

158 « Word recently reached us concerning the first group of our North African emigrants who left for Brazil at

the end of January, and by and large,. Among this group is one enterprising young man who, all in the space of less than three months, has opened a workshop of his own in Belem […], is sending for his family who are still in Casablanca, and to crown it all, has already become engaged to a nice Brazilian Jewish girl. Certainly a fast worker ! We have been well aware that most of our applicants from North Africa are highly skilled, -but this is one skill we did not reckon with », CJCCC, JIAS Canada Collection, KC 3, 1956-1959, box 1, n° 1-18, Memo

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brésiliens émis pour les migrants d’Afrique du Nord et l’émission des premiers visas pour l’Uruguay, le Vénézuéla et l’Argentine159.

Le séjour effectué par le dirigeant de la branche uruguayenne de HIAS en octobre 1955 vise à stimuler l’immigration vers ce pays. Le rapport, qui semble répondre à une volonté de convaincre les membres du Conseil d’administration de poursuivre le projet, insiste sur l’enthousiasme suscité par la rencontre du représentant uruguayen avec des candidats à l’émigration : « M. Leinwhol était tellement impressionné par ce qu’il a vu et entendu qu’il est

retourné en Uruguay prêt à faire une croisade pour obtenir des visas pour nos coreligionnaires nord-africains. Il m’a dit […] que notre agence devait tout mettre en œuvre pour sauver autant que nous pouvons et que nous devons obtenir des visas pour le Canada, pour les pays d’Amérique latine par tous les moyens »160.

Enfin, les représentants de HIAS font des démarches pour permettre l’émigration vers l’Australie et en mars 1956, le secrétaire général de l’Australian Jewish Welfare Society se rend en Tunisie161. Au mois de janvier, l’agence avait indiqué que des « cas tests » étaient considérés pour l’immigration en Australie qui souhaitait principalement recevoir des Européens. En avril 1956, l’agence annonce que les premiers cas de migrants marocains ont été acceptés162 et les visas sont émis en juillet par le Consulat britannique à Casablanca163. Par ailleurs, des demandes de Tunisie et du Maroc sont déposées pour émigrer aux Etats-Unis164.

Le détail de ces mouvements d’immigration est difficile à établir et l’analyse du parcours des migrants déborde le cadre de cette étude. Au-delà du faible nombre de personnes concernées, les démarches réalisées par les responsables de HIAS en Afrique du Nord permettent

159 CJCCC, JIAS Canada Collection, KC 3, 1956-1959, box 1, n° 1-18, Memo 22, 25 juillet 1956.

160 « Mr Leinwhol was so impressed with that he saw and heard that he returned to Uruguay a crusader for visas

for our North African co-religionists. He told me […] that our agency must go all out to rescue as many as we can and that we must obtain visas in Canada, and in Latin American countries, by any means possible », Yivo,

United HIAS Service, Main Office, N.Y., 1954- 1967, RG 245.8, dossier 14, Rapport du Directeur exécutif suite à son voyage au Maroc en octobre 1955, non daté.

161 CJCCC, JIAS Canada Collection, KC 3, 1956-1959, box 1, n° 1-18, Memo 18, 12 mars 1956. 162 CJCCC, JIAS Canada Collection, KC 3, 1956-1959, box 1, n° 1-18, Memo 20, 30 avril 1956. 163 CJCCC, JIAS Canada Collection, KC 3, 1956-1959, box 1, n° 1-18, Memo 22, 25 juillet 1956.

164Yivo, United HIAS Service, Main Office, N.Y., 1954- 1967, RG 245.8,dossier 129, “Staff meeting”, 7 août

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d’éclairer les pratiques de l’agence. La construction d’un champ migratoire entre l’Afrique du Nord, principalement le Maroc, et le Canada, s’inscrit dans une politique plus vaste de HIAS. Ces expériences permettent de souligner la manière dont HIAS conçoit son rôle. Ayant repéré un espace d’action, et s’étant assurée de l’accord des autorités (communautaires et politiques), l’agence mobilise autour d’elle ses bureaux à l’étranger et ses interlocuteurs dans les pays d’accueil. Cette période d’essais, de tâtonnements au cours de laquelle plusieurs hypothèses ou possibilités sont envisagées, s’inscrit dans la pratique des agences d’immigration de l’entre-deux-guerres165. Le travailleur social doit rechercher pour le candidat à l’émigration un pays adéquat, et tisse des liens avec des correspondants dans d’autres pays. Mais ce travail de prospection migratoire ne constitue pas l’unique modalité par laquelle s’exprime l’action de l’agence en Afrique du Nord. Ainsi, celle-ci se trouve, dans une situation ambiguë concernant les départs vers la France.

HIAS et la migration vers la France

Alors qu’elle considère la migration vers d’autres pays qu’Israël comme une nécessité, l’agence HIAS entretient vis-à-vis de la France une attitude difficile à définir qui dépend, semble-t-il, des pays d’origine. Dans le cas marocain, rien n’indique une volonté de favoriser le départ des juifs vers la France. Dans son rapport de février 1955, Raphaël Spanien explique cette migration par l’attrait que constituerait le système français des allocations familiales166. Afin d’illustrer cette idée, il cite l’exemple d’un père de six enfants hésitant entre l’installation en France et l’immigration en Israël. L’explication qui justifie la migration en France par une analyse des avantages attachés au système de protection sociale est exprimée à plusieurs reprises par les responsables des associations juives comme ici par le représentant de HIAS. Dans l’argumentation de Raphaël Spanien, l’arrivée de juifs du Maroc en France, une « infiltration » qui s’ajoute à l’arrivée de juifs d’Algérie, serait mal perçue par les institutions juives de France (« cela cause des soucis à la communauté juive de France »167). Sans que l’auteur développe ce point qui mériterait d’être précisé, ces mentions témoignent de l’orientation choisie concernant la migration vers la France. Ainsi, tout en reconnaissant que

165 Linda Guerry, art. cit.

166 « The family allowance program in France is one of the main fascinating reasons », CADC, Fonds Maroc

1944-1955, n°95. “Memorandum on the situation of the Jewish Communities in Tunisia and Morocco to French Ambassador in the United States”, 8 octobre 1954.

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« l’aspiration normale »168 des juifs du Maroc est de venir en France, il explique les difficultés rencontrées pour disposer d’un passeport et d’un visa (« Les visas de résidence

permanente pour la France sont très rarement délivrés aux juifs marocains »169). Mais dans les propositions qu’il fait pour favoriser l’immigration des juifs du Maroc dans les pays occidentaux, il ne mentionne aucune action pour leur permettre de rejoindre plus facilement la France. En Algérie, après avoir mené une étude préparatoire, l’agence décide de ne pas ouvrir de bureau en raison du faible nombre de demandes d’immigration. Dans les cas marocain et algérien, HIAS ne soutient pas activement le mouvement migratoire vers la France. Cette situation pourrait répondre à une volonté de ne pas encourager les juifs d’Afrique du Nord à s’installer en France et à favoriser l’installation en Amérique (du Nord et du Sud) ou en Israël. Mais le cas tunisien offre une autre modalité d’action que l’on ne retrouve pas dans les autres pays considérés.

En avril 1956, HIAS annonce l’ouverture d’un bureau à Tunis en raison de l’augmentation des demandes d’aide à l’immigration170. Ainsi, à Tunis, l’agence s’engage dans une action d’assistance à la migration vers la France. Un mémorandum interne de HIAS présente le programme comme une aide pour les juifs « dans le besoin »171. Sans préciser le nombre de personnes concernées, en juillet 1956, le mémorandum indique que « des vagues

d’immigration ont été couronnées de succès qui ont à leur tour stimulé de nouveaux demandeurs »172. L’agence se félicite des possibilités offertes en Tunisie pour obtenir rapidement des informations sur les revenus réels des personnes qui demandent une assistance : « D’excellents dispositifs existent ici à Tunis pour un contrôle rapide de

l’indigence de nos demandeurs, afin que nous soyons assurés de mener une action précoce

168 « the normal aspiration », Id.

169 « Visitors visas are granted for reasons of health or studies, or through some round about means. Permanent

residence visas to France are very seldom issued to Moroccan Jews”, Yivo, United HIAS Service, Main Office,

N.Y., 1954- 1967, RG 245.8, Série 3, dossier 13, Rapport de Raphael Spanien sur son voyage au Maroc entre le 6 et le 23 février 1955, Mars 1955.

170 « Due to the growing demands for emigration assistance emanating from Jews in Tunisia », CJCCC, JIAS

Canada Collection, KC 3, 1956-1959, box 1, n° 1-18, Memo 19, 16 avril 1956.

171 « needy Jews to resettle in France has already », Id.

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sans dépenser les fonds de l’agence inutilement »173. Ces mentions permettent d’éclairer en partie la manière dont l’agence envisage son travail. Elle ne se préoccupe pas des détails réglementaires des candidats au départ mais se contente de procéder à des vérifications grâce au réseau assistanciel tunisien. Evaluer les besoins, la situation socio-économique des personnes qui demandent un secours constitue un élément central des pratiques de travail social174. Ce qui frappe dans cette présentation est le processus de sélection fondée sur « l’indigence » réelle ou supposée des candidats. Les projets d’immigration mentionnée par HIAS dans le cas marocain concernent des populations occidentalisées appartenant à la classe moyenne. Ils visent à permettre à des candidats qualifiés d’émigrer vers le Canada dans l’idée que leur installation sera plus facile. Dans ce type de programmes d’immigration qui concernent des pays procédant à des sélections d’immigrants avant leur départ, l’agence veille à ce que les candidats aux départs présentent des garanties ou appartiennent à des catégories sociales plus élevées. Favoriser les populations les plus pauvres comme semble l’indiquer la présentation des programmes pour la France constitue à ce titre un élément difficile à analyser. Cela peut s’expliquer par le fait que l’agence estime que les migrants qui partent rejoignent des membres de leur famille et seront aidés par eux.

Si le projet d’aide à la migration vers la France est clairement formulé en 1956, son fonctionnement au cours des années fait l’objet d’une forme de flou comme le montrent les éléments collectés dans le cadre de l’enquête d’histoire orale. Lors de l’entretien que nous avons réalisé avec une ancienne salariée de l’agence entre 1959 et 1961, cette dernière met l’accent sur la volonté de HIAS de permettre aux juifs d’émigrer en Israël. Elle se rappelle avoir aidé au départ vers la France dans le but que les familles se rendent après en Israël. La population des usagers était composée de « gens qui voulaient faire leur alyah, mais qui