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Dans les années 2000, les historiens français voient apparaitre deux nouvelles études de l’Histoire, l’Histoire globale (Global history)78 et l’Histoire mondiale (World

History)79 qui ouvrent leurs frontières aux autres pays. Tandis que la Global history pose son regard sur les interactions entre des évènements de même nature dans le temps et l’espace, la World history juxtapose différentes histoires nationales. Par ce changement

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GAVIGNAUD-FONTAINE Geneviève, La révolution rurale dans la France contemporaine. XVIIIe-XXe siècle, Paris, L’Harmattan, 1996, 224 p.

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Idée développée par le sociologue Henri Mendras dans son ouvrage La fin des paysans, innovations et changements dans l’agriculture française, Paris, SEDEIS, 1967, 364 p.

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ALARY Éric, L’Histoire des paysans français, Paris, Perrin, 2016, 376 p. 78

MAZLISH Bruce et BUULTJENS Ralph, Conceptualizing Global History, Boulder, Westview Press, 1993, 259 p.

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d’échelle, les chercheurs français sont amenés à s’intéresser à d’autres pays et à collaborer avec les historiens internationaux. Même si des études françaises sur d’autres pays ont lieu dès les années 194080, les liens entre historiens français et internationaux sont renforcés au début du XXIe siècle.

Depuis quelques années, l’histoire rurale française est plus intégrée dans des réseaux scientifiques européens et fait de la place au comparatisme. Cette nouveauté est largement poussée par le programme européen COST PROGRESSORE, de 2005 à 2008, sous la direction du Français Gérard Béaur. Ce travail donne lieu à la publication de douze livres, sous la collection « Rural History in Europe » aussi dirigée par Gérard Béaur, tel que Markets and Agricultural change in Europe from XIIe to the XXe century81 qui s’interroge sur l’implication des populations et communautés rurales dans l’évolution de la gestion des terres rurales en Europe dans différents types de marchés.

Cette collaboration est aussi visible par la création, entre 2012 et 2015, d’un Groupement de recherches internationales, rassemblant plusieurs laboratoires étrangers, au sein du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Le Crises and changes in the

European Countryside est consacré aux crises dans les sociétés rurales européennes.

Ces travaux montrent que les historiens français s’impliquent de plus en plus dans des recherches externes à l’Hexagone.

Après un silence partiel de l’histoire rurale, plusieurs historiens ruralistes décident de rénover ces études en collaborant au niveau national à travers l’association Histoire & Sociétés rurales et au niveau international dans diverses collaborations. Ce renouvellement passe aussi par la volonté des historiens de relier le présent au passé et par un attrait nouveau pour la modernisation agricole de la fin du XIXe siècle.

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Pierre Vilar s’intéresse à l’agriculture catalane pendant l’époque moderne (VILAR Pierre, La Catalogne dans l’Espagne Moderne. Recherches sur les fondements économiques des structures nationales, Tome II, Paris, École pratique des Hautes études, VIe section, 1962, 586 p. ; Des historiens étudiant d’autres continents : François Chevalier étudie les grands domaines mexicains entre les XVIe et XVIIe siècles (CHEVALIER François, La formation des grands domaines au Mexique. Terre et société aux XVIe-XVIIe siècles, Paris, Institut d’Ethnologie, 1952, 480 p.)

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PINILLA Vicente (dir.), Markets and Agricultural change in Europe from XIIe to the XXe century, Turnhout, Brepols, 2009, 247 p.

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Partis d’analyses juridiques au milieu du XIXe siècle, les historiens ruralistes étudient aujourd’hui tous les aspects de la vie rurale. Cela va de l’économie (mode de production) à la vie des familles, à travers par exemple l’examen de leur composition, en passant par des recherches sur l’agronomie et les pouvoirs politiques des paysans. Cette diversification de sujets vient de plus d’un siècle d’évolution de l’historiographie française qui a connu plusieurs générations d’historiens et qui s’est, petit à petit, rapprochée des autres disciplines. La forme des travaux d’historiens a aussi évolué vers des études thématiques après avoir connu l’ère des monographies et celle des grandes synthèses. Plus récemment, les ruralistes commencent à se pencher sur une histoire rurale plus contemporaine, commençant à la fin du XIXe siècle, afin de comprendre la ruralité d’aujourd’hui dans un contexte de remise en cause de l’agriculture française.

Même si l’histoire rurale s’est ouverte à toutes les perspectives, la question de l’agriculture biologique reste encore écartée des recherches historiques ; mais cela peut changer grâce, en partie, à l’introduction de l’histoire environnementale, depuis une dizaine d’années, dans les recherches rurales. Venues des États-Unis, cette histoire s’intéresse à la nature et aux relations des Hommes avec leur environnement, qui sont aussi des questionnements de l’agrobiologie.

Chapitre 2 : Faire une étude historique de l’environnement

« Ce qui environne, ce qui entoure »82, « ensemble des éléments et des phénomènes physiques qui environnent un organisme vivant »83, « l’atmosphère matérielle, morale, intellectuelle dans laquelle l’homme vit et se meut »84. Cette multitude de définitions pour un seul terme engendre des difficultés de compréhension entre les chercheurs français qui n’utilisent pas tous la même interprétation. Cette complexité peut être l’un des facteurs de la légitimité tardive de l’histoire environnementale en France alors qu’elle naît aux États-Unis au début des années 1970 et qu’elle s’internationalise dès 1990. Le lien entre l’Homme et l’environnement est visible en agriculture, et s’appuie fortement sur l’environnement naturel, puisque le producteur utilise la nature pour vivre. Même si l’étude de ce lien ne semble pas développée auprès des historiens français, certains ont tout de même lié l’histoire rurale à l’histoire environnementale comme nous allons le faire.

I.

La naissance graduelle de l’histoire environnementale

L’histoire environnementale existe depuis les années 1970, voire même depuis plus longtemps si sont pris en compte les travaux dont les historiens environnementalistes se sont inspirés. Elle naît aux États-Unis, dans un contexte de conscience écologique, mais plusieurs facteurs font que cette histoire rencontre des critiques en Amérique et dans d’autres pays. En France, sa reconnaissance est tardive alors que certains historiens font remonter sa naissance à l’époque des Annales.