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Outsiders' family : les frontières s'érigent

Dans le document Zonards. Une Famille de rue (Page 138-200)

La seule carrière et les socialisations passées ne pouvaient totalement expliquer le maintien des acteurs dans ce mode de vie et sa forme cultu- relle, ni la déviance de ses contenus. Je pense en effet que certaines interactions quotidiennes entre La Family et les normaux dans le quartier d'implantation zonard de la ville de Violet, ainsi qu'avec les professionnels sanitaires et sociaux, entretenaient des représentations clivant les acteurs en deux groupes : les zonards et les normaux. Elles empêchaient que se tissent entre ces catégories d'acteurs des rapports « ordinaires » ; elles pola- risaient la déviance des pratiques zonardes, leur identité et leur culture déviantes ainsi que les représentations et attitudes des normaux. Il s'agira donc de comprendre comment ces interactions jouaient dans la trajectoire zonarde la plus engagée. Je n'évoquerai donc plus les Zonards qui s'orien- taient vers une vie moins marginale mais les acteurs zonards qui s'enga- geaient pleinement dans la Zone et s'identifiaient à l'identité zonarde. En étudiant les rapports entre zonards et normaux, en prenant en compte le contexte écologique du quartier de la Zone et celui du travail social actuel dans la ville de Violet et son département, nous nous focaliserons, ensem- ble, sur ceux qui s'évertuaient, malgré les discriminations et les stigmatisa- tions, à revendiquer leur appartenance à la Zone et vivaient l'intégration zonarde comme une socialisation quasi primaire.

INSÉCURITÉ,MAUVAIS PAUVRE ET COMPASSION

Divers facteurs participant dialectiquement à l'élaboration de fron- tières entre normaux et zonards furent identifiés. Les pratiques, les formes de déférence et la présentation de soi déviantes des zonards dans l'espace public encourageaient les représentations négatives à leur encontre et indui- saient des interactions spécifiques : stigmatisation, répression, indifférence, charité de la part des normaux ; provocations, interactions utilitaristes, com- portements délinquants, occupation de l'espace public de la part des zonards. Ces interactions finissant par entacher la face1des acteurs, produi-

saient un malaise qui durcissait le positionnement clos des deux parties et leurs représentations dépréciatives. De plus, par son caractère hétérogène, instable et délabré, le quartier où était implantée la Zone contribuait à amplifier le phénomène.

LA ZONE,UN QUARTIER EN VOIE DE DÉSORGANISATION?

La Zone, réseau de sociabilité zonard, constituait aussi une aire géo- graphique particulière dans la ville d'enquête. À cheval sur plusieurs quar- tiers de Violet dont la rénovation était en cours, ce lieu servait le jour autant d'espace de mendicité que d'agora de La Zone. En effet, les zonards de La Family privilégiaient certains commerces de vêtements, un bureau de tabac, une viennoiserie du secteur par rapport à d'autres pourtant beau- coup plus près du squat. Ils aimaient y acquérir des vêtements car ils correspondaient à leur esthétique mais aussi parce qu'ils avaient avec les patrons et les employés des rapports cordiaux. De même, ils préféraient acheter leurs cigarettes dans un bureau de tabac tenu par « Tata Monique » plutôt que de donner de l'argent à un buraliste « mal aimable ». La sortie- dans ces lieux était donc une sorte de pèlerinage– nous rendions visite aux

1. La règle que doit respecter tout individu lors d'interactions avec d'autres consiste à préserver sa face et celle de ses partenaires, car la face est sacrée. En usant de tact, de diplomatie, de politesse, un travail de figuration assure le respect de sa face et de celle des autres.

Place de la cathédrale

Rue Ste Marie

Avenue de Vigny Gare Université Lycée Avenue Curry libé Place de la ration Avenue de Verdun Place Paul Gauguin Quartier Gabriel Quartier Nicolas Quartier Clémentin Quartier Lila Supermarché Tabac Monique Magasin de skate CAARUD La maison CAARUD SEIA QUAIS Marie Avenue de Vigny d Supermarché inn CAARUD SEIA M yy l M yy Quartier Libération Viennoiserie Placede la cathédrale Monii uquee e Tabac M M Magaasin de skaate c M te c M te se serie ZONE Déplacée Le virage Ancienne Zone

Plan du quartier d’implantation de la Zone et des alentours

commerçantes, juste pour dire bonjour ou sortir le chien de Tata Monique– et l'occasion de rencontrer les autres zonards de la ville. Dès que le soleil pointait, les zonards déambulaient dans les rues avec les chiens. Ils s'arrêtaient parfois sur des marches, un pas de porte ou un banc pour siroter une bière en compagnie d'autres zonards ou stationnaient devant les sorties d'un super- marché connu pour être le lieu privilégié de leurs regroupements et de leur activité de mendicité. Ces deux sorties donnaient sur la rue Ste-Marie, une rue piétonne commerçante et sur l'avenue De Vigny, un axe de passage. La rue Ste-Marie accueillait la bijouterie d'un commerçant agressé par un zonard, un magasin de perles, aujourd'hui liquidé, où travaillait une étudiante en sociologie entendue en entretien, des magasins de vêtements bon marché en provenance de Chine, de la restauration rapide type kebab et des boutiques de vêtements anciennement implantées, plutôt haut de gamme, qui fermaient peu à peu leurs portes. En quelques années l'identité du lieu s'était modifiée.

Au départ, quand je m'installais sur Violet en 1998, les coiffeurs franchisés, les boutiques de vêtements multimarques, de maroquinerie, un magasin de design occupaient cette portion de la rue. Puis ils laissèrent peu à peu place à des commerces « bas de gamme ». L'ambiance s'en ressentait. Les discours sur l'invasion chinoise et maghrébine, les propos racistes et discriminatoires se développaient, touchant toutes les populations considérées comme hors normes, rendues responsables de la dévaluation du quartier :

Marie (employée par le magasin de perles) : L'autre jour, on a eu un mec de l'immo- bilier, il venait là en repérage pour un client qui veut une boutique au centre de Violet et il est passé nous voir, voir si on connaissait des locaux libres. Et, il a vu notre vitrine taguée et il a dit : « Oui, en même temps, je ne suis pas sûr que ce soit ce que recherche mon client », etc.

Les locaux commerciaux vacants se multipliaient. On retrouvait la dyna- mique identifiée par Michel Wieviorka (1992) : les habitants d'un quartier dévalorisé socialement attribuent aux immigrés la responsabilité de son déclin. Un racisme différentialiste émergeait : le quartier n'appartenait plus aux riverains traditionnels mais aux Chinois qui s'implantaient massivement, empêchant la venue de boutiques plus chic. Par leurs marchandises bon marché, les commerçants chinois et ceux des kebabs d'Afrique du Nord drainaient des populations économiquement plus modestes. Peuples ethnici- sés de cultures perçues comme irréductiblement différentes par les riverains, ne s'investissant pas dans la vie traditionnelle du quartier et n'ayant, selon les autres commerçants, d'autre intérêt que le gain financier, ils favorisaient l'installation d'individus louches et ne participaient pas au maintien du contrôle social informel. Aucun d'eux, en effet, ne faisait partie des associa- tions de commerçants et riverains. Vécus comme une menace identitaire, ils incarnaient un libéralisme sans éthique et renforçaient chez les commerçants traditionnels le sentiment, déjà présent, d'être abandonnés par l'État :

M. Durand : Il y a plusieurs frontières à Violet, comme ça, dans la ville. Avenue de Verdun, y a une partie de la population qui dit : « De l'autre côté de l'Avenue de Verdun, c'est l'Afrique. J'y vais pas. » Et les conseillers municipaux, les maires de quartier, sont les premiers, à dire ça.

Le jeu de l'économie de marché laissée à sa seule logique semblait menacer l'identité violetienne des commerçants, à la fois bourgeoise et

populaire « franco-française » du quartier. Marie me confia les propos qu'elle entendait tous les matins :

Cette partie-là de la rue est vraiment délaissée. Bon déjà, la plupart des commer- çants de la rue Ste-Marie sont contre les commençants chinois, même les kebabs c'est limite toléré et qu'ils veulent pas non plus qu'il y ait des jeunes qui fassent la manche, etc.

D'après les acteurs, les préoccupations politiques locales étaient plus centrées sur le faste de la ville rayonnant sur l'image politique du maire que sur le vivre ensemble des concitoyens.

Avenue De Vigny, la politique urbaine était encore différente. D'après les commerçants, le quartier était dédié, dans l'avenir, uniquement au loge- ment. Plus de vie commerçante, plus d'âme dans un quartier déjà instable qui peinait à trouver son identité depuis déjà un certain temps. M. Durand, propriétaire du magasin Bricodispo qui appartenait à sa famille depuis le

XIXesiècle, connaissait bien l'histoire du quartier :

M. Durand : C'est pour ça que ce quartier est devenu l'un des plus pauvres de Violet pa'c'que les riches familles propriétaires ne pouvaient plus les entretenir, allaient dans des maisons. C'était le plus chic cours de Violet en 1870. Et tous ces hôtels particuliers, c'était la porte principale de Violet quand on a commencé à construire hors les murs, les gens riches ont commencé à construire de l'autre côté des murs, ils faisaient de grands hôtels particuliers avec de grands, jardins, etc., et les couvents étaient tous autour et les riches familles avaient tous leurs hôtels particuliers dans le coin. Avant qu'il y ait le troisième lot de remparts qui s'est construit plus loin, on était hors les murs quand on franchissait ce qui n'était pas le cours De Vigny mais ce qui était les fossés. Et ça jusqu'auXVIIIe.

Tristana : C'est marrant cette évolution du quartier qui est devenu, qui est actuelle- ment on va dire, un quartier plutôt populaire côté St Gabriel…

M. Durand : Ce sont les mouvements migratoires comme ici. Pourquoi les immigrés sont venus là ? Pa'c'que les riches familles ont commencé à se paupériser, donc ils sont partis habiter des endroits plus petits, des maisons, des biens immobiliers, ailleurs qui étaient plus faciles à chauffer et qui étaient plus petits où il n'y avait plus ces grands salons qui étaient inchauffables, et puis ils ont morcelé leurs hôtels parti- culiers et ils ont loué. Maintenant, c'est les commerces maghrébins qui ferment. Et puis ça ferme pa'c'que le quartier évolue et il trouve pas sa stabilité, c'est‑à-dire que les loyers deviennent très cher, dans un quartier où les gens sont pas… Donc, vous

pouvez pas ouvrir de commerces de luxe, pa'c'que ça s'y prête pas. Il n'y a pas d'enseigne moteur.

La mairie et une société d'économie mixte missionnée pour la rénova- tion urbaine étaient accusées de faire pression sur les commerçants maghré- bins pour qu'ils vendent leurs locaux insalubres afin de les préempter pour en faire des logements aux loyers trop élevés pour la population actuelle. La gentrification en cours et la désertion des populations maghrébines com- merçantes, qui donnaient encore un soupçon d'identité au quartier Gabriel, laissaient place à un vide. L'avenue De Vigny, dépeuplée de ses commerces populaires, se séparait en trois espaces :

M. Durand : C'est un des problèmes de l'avenue De Vigny, c'est qu'on a beaucoup de mal à fédérer ce cours puisqu'il est très long et qu'entre le haut et le bas, y a trois mondes. Y a les restaurateurs du bout et puis le milieu du cours qui était commer- çant et qui aujourd'hui n'est plus commerçant, c'est le problème et puis le bas de l'avenue qui est très Afrique du Nord.

L'avenue était en outre notoirement connue par toute la cité, les poli- ciers et les éducateurs, comme un endroit où l'on pouvait se procurer des stupéfiants, rencontrer des jeunes SDF en train de faire la manche ou de boire en groupe avec leurs chiens, des prostituées, des dealers caribéens et turcs, des clochards. C'était l'une des rues perçues comme les moins sûres du centre-ville :

Habitant 1 (lors d'une réunion de concertation à la marie sur l'implantation d'un foyer pour jeunes SDF) : Il faut une mixité dans d'autres quartiers. On recueille tous les pauvres dans un même territoire. Il y a une instabilité permanente dans ce quartier.

Si pour les uns, ce regroupement d'individus marginaux était « pra- tique » – les travailleurs sociaux y repéraient facilement les zonards et les consommateurs de stupéfiants– pour d'autres, il était problématique. En effet, les citadins vivaient mal ce lieu désorganisé et souillé qu'il était diffi- cile cependant de contourner car c'était un carrefour très empruntée qui desservait quatre quartiers du centre-ville :

– le quartier Libération, un haut lieu des fêtes étudiantes où était implantée l'université des Sciences humaines ;

– le quartier Gabriel, un quartier populaire multiculturel en voie de gentrification ;

– le quartier Nicolas plus embourgeoisé ;

– le quartier Clémentin, réputé pour son passé sulfureux en matière de trafics de stupéfiants et qui s'était reconverti en lieux commerçants, artistiques et festifs.

Cette aire peut attrayante se trouvait pourtant très fréquentée par la plupart des citadins contraints de l'emprunter de par sa fonction de mise en lien entre les différents quartiers du centre-ville. De plus, le supermar- ché implanté détenait, en partie, le monopole de la grande distribution du secteur. Malgré la création en amont de plusieurs brasseries et les tentatives de valorisation de l'espace par la rénovation récente des luminaires et des trottoirs (2005-2007), cet espace n'était pas réellement investi. En aval du cours, aucun bar, aucun restaurant, aucune terrasse n'avait pu s'implanter malgré la largeur des trottoirs. Nombre de boutiques fermèrent : leurs façades étaient taguées, blanchies ; certaines vitrines étaient brisées. Quelques magasins assez délabrés et en fouillis alternaient entre épiceries de quartier nord-africaines et turques, coiffeurs et perruquiers afro, bou- tiques de vêtements très bon marché entassés sur des portants à même le trottoir, et des sandwicheries désertes. Durant mes années d'observation, j'ai pu noter qu'une frontière s'était établie entre le haut de l'avenue plus cossue et le bas plus détérioré. Non que les travaux d'urbanisation aient été différents, mais l'investissement des lieux par la population s'était fait de manière hétérogène. La saleté des trottoirs en bas de l'avenue en témoi- gnait. Le magasin de bricolage de M. Durand était situé à cette frontière, le bureau de tabac de Monique et la pharmacie juste avant, dans la partie la plus propre. La boutique de M. Durand, en déménageant pour un empla- cement situé plus haut, laissa derrière elle des bas-côtés davantage souillés par les déchets et les excréments de chiens qui renforcèrent l'atmosphère de désordre, d'abandon. Le supermarché, par des mesures d'intimidation, réussit à se débarrasser lui aussi de la vingtaine d'indigents qui « campait » devant sa porte pour n'en conserver, les jours de clémence, qu'un ou deux.

Néanmoins, si cette situation se poursuivit deux années durant, depuis peu les zonards semblaient de retour. Les réactions policières, fré- quentes et parfois musclées, n'eurent, dans un premier temps, aucune influence sur leur comportement. Ainsi, malgré des contraventions pour incivilités (alcool, présence sur la voie publique), des gardes à vue (pour

insultes, bagarres), les zonards continuèrent d'occuper l'espace et la popu- lation riveraine n'était pas plus rassurée. Au contraire, les mesures pour les repousser– présence de cars de CRS, de policiers municipaux et nationaux et de la Brigade anti-criminalité– accentuaient chez les habitants la sensa- tion de désorganisation et d'insécurité ambiante :

Marion : Justement on en discutait quand on avait les CRS devant la boutique. Les gens nous disaient : « Fermez la porte et tout. » Les gens ont vraiment peur, quoi.

Ce sentiment d'insécurité n'était pas tant lié aux exactions commises par les zonards qu'à l'identité des lieux :

M. Durand : Ils étaient jamais méchants, jamais agressifs, mais au bout d'un moment ça fait un verrou et il faut que ça s'arrête.

Comme l'expliquent Wilson et Kelling (1982), les désordres matériels, comme les ordures qui jonchent le sol, et le regroupement de personnes déviantes suffisent à inquiéter les habitants car ils signalent un affaiblisse- ment du contrôle social. L'occupation par diverses populations déviantes entachait donc l'image de ce quartier. Les passants fuyaient alors cet espace, les habitants se retranchaient dans leur logement, évitaient d'emprunter cette voie au profit de rues annexes. Le désinvestissement progressif et l'abandon de ces lieux aux individus déviants facilitèrent l'installation plus avant de toutes les populations marginales, parmi lesquelles les zonards (Wilson, Kelling, 1982). Les entrepreneurs de morale, « […] ceux qui créent les normes et ceux qui les font appliquer » et ceux qui militaient et poussaient à leur création – les habitants et les commerçants réunis en associations– s'en plaignirent lors d'une réunion à la mairie (Becker, 1963, p. 171) et furent très en colère lorsqu'ils apprirent la possible implantation d'un foyer pour jeunes en errance :

Habitant 5 : Passé l'Avenue de Vigny, il y a un tel climat d'insécurité qu'on ne peut plus venir. Il n'y a plus un chat le soir.

Habitant 7 : Le climat s'est dégradé.

L'heure était au conflit. Les habitants se fédérèrent en associations de riverains et de commerçants pour faire pression sur la mairie. Pour éviter toute interprétation sécuritariste, je souligne que le sentiment d'abandon éprouvé par les habitants ne se référait pas à un manque de présence poli- cière.

M. Durand : Et il y avait la police municipale, la police nationale qui faisaient entre cinq et dix contrôles d'identité par jour à raison d'une heure de contrôle d'identité, vous imaginez ça leur fout pas la paix longtemps.

La demande se situait ailleurs, dans la mise en place d'une gouvernance de proximité, d'une collaboration avec les politiques locales afin d'amélio- rer le vivre ensemble quotidien d'un quartier qui devait se reconstruire identitairement sans devenir pour autant un lieu « bobo » comme le quar- tier Clémentin, ni une terre d'accueil pour tous les publics précarisés.

LES ZONARDS:DES MAUVAIS INDIGENTS AUX PAUVRES JEUNES

À ce climat territorial particulier s'ajoutaient des représentations qui alimentaient et provenaient aussi d'interactions spécifiques.

Les commerçants, qui avaient vu la population des jeunes toxico- manes, alcooliques, et sans domicile baisser depuis la mise en place d'arrêtés municipaux et de lois relatives aux chiens, s'étaient un peu apaisés. Et à Violet, c'est tout un arsenal réglementaire qui se développa pour gérer l'occupation massive de certains espaces publics par les zonards. Par ces réglementations municipales, répondant aux demandes de ses habitants et non le fait de décisions purement politiques déconnectées du terrain, les autorités, sous prétexte de maintenir l'ordre public, pouvaient sanctionner tout zonard qui enfreignait ces règles.

Les zonards souffraient aussi de la mauvaise image, véhiculée par les discours anti-drogue, de jeunes en difficulté stigmatisés comme dangereux. La loi de 1970 relative aux stupéfiants incarne cette idée d'un consomma- teur de drogue délinquant et malade capable de tout pour s'en procurer. Les vifs débats de l'Assemblée nationale sur les shooting rooms, l'ouverture d'une mission parlementaire sur cette question en 2010, la difficulté à faire

accepter les traitements de substitution à l'héroïne comme partie intégrante du soin au toxicomane1, et le rapport Cabal (2002) relatif à la toxicité

neurologique des drogues, indiquent un modèle de gestion encore prohibi- tionniste en matière de stupéfiants même s'il tend malgré tout à s'assouplir : « Autoriser ces centres [d'injection], c'est en effet ouvrir la porte à d'autres pratiques, encore plus contestables. L'ordre croit en la force des interdits […] » (M. Patrick Romestaing, compte rendu du Sénat, 09.03.2011, à propos des salles d'injection). Encore à cette époque, la peur de la contami-

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