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4. Accompagnement

4.2. Outils et modèles d’accompagnement

A présent, après avoir montré les différents contextes et enjeux d’une intervention sociale auprès d’adolescent·e·s selon les modèles actuels et normatifs d’accompagnement, il convient de s’intéresser à comment mettre en œuvre cet accompagnement et quels sont les outils mis à la disposition de l’éducateur et de l’éducatrice afin de garantir un accompagnement adéquat et une intervention adaptée.

4.2.1. Outils relationnels et éducatifs

Ainsi, pour commencer à présenter les différents outils mobilisables par l’équipe éducative dans la proposition d’un accompagnement adéquat, le premier point capital à aborder est l’écoute. En tant que professionnel·le du social, il faut être capable d’accueillir la personne sans jugement, accepter son rythme sans mettre de pression, puis accueillir la personne dans sa singularité et dans sa culture. La patience est un outil que l’on ne peut pas évincer, car le moindre pas en avant prendra du temps, et il suffira d’une maladresse pour que la méfiance revienne de plus belle. Ainsi, il faut pouvoir exprimer à l’adolescent·e que lorsqu’il·elle sera prêt·e, la possibilité d’entrer en discussion sera là. La création d’une relation de confiance prend du temps et nécessite d’avancer par étape, pour laisser le temps à la personne de revisiter son lien à autrui et lui permettre de tisser des relations de confiance. De plus, en parallèle avec l’idée d’apprendre ou réapprendre à faire confiance à autrui, il faut pouvoir restaurer sa propre confiance et estime de soi. (Mazzocchetti, 2007)

Dans ce contexte, travailler en prenant en compte la notion de « résilience » peut s’avérer utile. (Mazzocchetti, 2007, p. 125) En effet, « […] la capacité à ne pas reproduire grâce à une rencontre, un lien, une inclusion dans du relationnel, et de la confiance interpersonnelle trouve ici tout son sens », puisqu’elle permet de se reconstruire d’une autre manière, en intégrant les expériences passées, et en l’utilisant comme moteur, notamment grâce au lien. (Mazzocchetti, 2007, p. 125) Ainsi, la confiance, l’écoute, et le lien sont des outils permettant d’offrir un accompagnement adéquat.

La nécessité de responsabiliser les adolescent·e·s avec qui l’équipe éducative collabore est également essentielle. En effet, elle participe à développer l’autonomie, puis en deçà la confiance en soi, et la valorisation des démarches mises en place au fur et à mesure du placement. Responsabiliser participe donc à une démarche de (re)construction de l’estime de soi. (Mazzocchetti, 2007)

Les règles institutionnelles sont également un outil éducatif essentiel, à condition qu’elles soient utilisées de la bonne manière, c’est-à-dire qu’elles aient un sens pour l’équipe éducative et l’adolescent·e. En effet, les règles participent à la construction identitaire à l’adolescence, puisqu’elles permettent de poser un cadre et des limites, et ainsi pour l’adolescent·e de pouvoir s’insérer dans une réalité sociale. (Mazzocchetti, 2007)

Le travail autour des relations familiales est également primordial dans l’accompagnement d’adolescent·e·s en situation de placement, car il faut apprendre ou réapprendre à investir les liens familiaux. Malgré la difficulté ou complexité des liens familiaux entretenus, ceux-ci représentent l’origine et l’histoire des jeunes. Ainsi, un travail en profondeur doit se faire chez les jeunes et leur famille, pour permettre de renouer certains liens fragilisés. Finalement, l’adolescent·e a besoin de se construire dans un lien de confiance et avec une personne de confiance hors du cadre institutionnel. (Mazzocchetti, 2007)

Le projet individualisé est un outil éducatif largement utilisé, afin de permettre aux adolescent·e·s de préparer leur sortie et leur « projet de vie ». (Mazzocchetti, 2007, p. 129) En effet, sans perspectives futures, il devient difficile pour l’adolescent·e de se projeter et d’investir la phase qui survient après le placement.

« Même si les conditions sont difficiles, un projet est ce qui tient une personne, ce qui lui donne « l’en-vie » d’avancer ». (Mazzocchetti, 2007, p. 129)

Ces quelques outils éducatifs et relationnels sont des pistes que les professionnelles suivent pour favoriser un accompagnement adéquat auprès d’adolescent·e·s placé·e·s en institution, même si le travail d’une équipe éducative nécesite, en réalité, d’être sans cesse réajusté. A présent, il me paraît important de présenter des approches de prise en charge qui peuvent s’avérer utiles dans le travail avec des adolescent·e·s. Travailler avec des adolescent·e·s implique effectivement de les accompagner dans leur développement identitaire. Ce dernier se fait, comme cité dans le point 3.1., actuellement largement par le biais des nouvelles fonctionnalités et médias sociaux. Dans ce contexte, il paraît donc intéressant de s’intéresser à quelles sont les méthodes d’intervention adéquates à l’adolescence et comment ces différentes approches et modèles d’interventions peuvent se traduire dans l’accompagnement des adolescent·e·s dans l’utilisation des nouvelles technologies.

4.2.2. Modèles d’interventions

Cette période de transition qu’est l’adolescence exige de s’émanciper du cadre familial pour expérimenter de nouvelles relations en dehors de ce cadre, notamment avec les groupes de pairs. (Galland, 2008) Dans ce contexte, le développement de l’autonomie à l’adolescence est une notion clé dans l’accompagnement d’adolescent·e·s. Ainsi, l’approche centrée sur la personne de Carl Rogers est un modèle d’intervention qui vise à favoriser l’autonomie de la personne concernée. (Decaillon, 2012, p. 137)

4.2.2.1. Approche centrée sur la personne

L’approche centrée sur la personne, développée par Carl Rogers, développe les trois attitudes majeures à adopter dans la relation d’aide à l’autre. (Poirier, 1984) La première, la « congruence » (Poirier, 1984, p. 88) , se manifeste par une capacité d’authenticité, elle se traduit par un équilibre entre ses pensées, ses paroles et ses actes. Ainsi, en étant vrai et soi-même dans la relation, le·la bénéficiaire ressent la liberté de faire de même et de se montrer tel·le qu’il·elle est.

La seconde attitude, la « considération positive et inconditionnelle » (Poirier, 1984, p. 88), est une attitude centrale d’accueil, où le travailleur et la travailleuse social·e accepte l’altérité de la personne et ses composantes, sans jugement et dans la bienveillance.

La troisième attitude, la « compréhension empathique » (Poirier, 1984, p. 89), encourage le travailleur ou la travailleuse social·e à entrer dans le monde intérieur de la personne concernée, dans ses ressentis, sans s’identifier ni s’approprier le contenu. Il s’agit avant tout de reconnaître et comprendre les processus par lesquels passent la personne afin de travailler dans la compréhension et l’empathie, mais en veillant à conserver son individualité.

Finalement, ces trois attitudes permettent d’interagir et d’accompagner la personne de manière adéquate, afin de pouvoir favoriser la communication et l’autonomie dans la relation d’aide. Elle permet à la personne de développer ses propres potentiels et autonomie. (Poirier, 1984) Cette approche est intéressante

dans l’accompagnement d’adolescent·e·s, car elle permet de les considérer dans leur individualité et d’admettre qu’ils·elles ont des besoins identitaires différents des nôtres, durant cette période à part qu’est l’adolescence. Ainsi, apprendre à comprendre le monde intérieur des adolescent·e·s, sans moraliser ou juger d’office, et admettre qu’ils·elles sont en recherche identitaire permet d’avoir un autre point de vue sur certains comportements qui, de prime à bord, paraîtraient dérisoires. Cette approche permet également de favoriser le développement de leurs ressources et de leur autonomie, qui est l’un des besoins développementaux primordial à l’adolescence. (Coslin, 2010, cité par Loisy & Carosin, 2017)

4.2.2.2. L’empowerment

Durant l’adolescence, le·la jeune acquiert de l’autonomie et ressent le besoin de contribuer comme il·elle le peut à la société, ceci en établissant un projet de vie qui permettra de s’insérer. Dans ce contexte, il faut pouvoir permettre aux jeunes d’explorer leurs potentialités et de développer leur autonomie. En parallèle, la notion d’« agentivité personnelle » ou « capacité à se diriger » veut être développée pour favoriser chez les adolescent·e·s « une agentivité responsable qui organise leur vie en termes d’actions dirigées vers un but, de projets et de carrière » (Young & Valach, 2008, p. 655, cité par Loisy & Carosin, 2017, p.5) Cette notion est initalement associée à l’orientation scolaire et professionnelle, mais se rapproche étroitement aux exigences de l’établissement d’un projet de vie en institution. (Mazzocchetti, 2007) Finalement, cette exigence à l’adolescence de s’insérer et contribuer à la société encourage à développer le pouvoir d’agir à l’adolescence, qui se rapproche de l’idée et du besoin d’engagement, facteur de construction identitaire. (Marcia, 1966, cité par Loisy & Carosin, 2017, p.7)

L’empowerment, traduit par la notion de « pouvoir d’agir », fait référence à un « mouvement d’acquisition de pouvoir qui débouche sur un résultat tangible ». (Le Bossé, 2008, p.138, cité par Loisy & Carosin, 2017, p.8) Cette notion peut être utilisée pour caractériser des populations fragilisées afin d’« augmenter la capacité des personnes, individuellement ou collectivement, à influencer leur réalité selon leurs aspirations » (Le Bossé, 2003, p. 34, cité par Loisy & Carosin, 2017, p.8). Ainsi, cette approche permet aux jeunes de se recentrer dans la problématique et la recherche de solutions, dans un élan de recherche d’épanouissement dans les divers projets à accomplir pour accéder au monde des adultes. Le pouvoir d’agir contribue à considérer l’adolescent·e comme acteur, actrice ou sujet actif de sa vie, et le laisser agir de manière autonome afin d’accéder à ses intentions ou buts. Le rôle de l’accompagnant·e dans l’approche liée au pouvoir d’agir correspond à faire émerger les conditions nécessaires à la personne à développer son pouvoir d’agir. Les bénéficiaires sont responsables de définir leurs objectifs et les étapes à franchir pour les atteindre, à être acteurs et à développer leur autonomie. La relation d’accompagnement se caractérise dans deux dimensions : à la fois éthique, pour soutenir la personne et valoriser les étapes mises en place et l’évolution, et d’autre part pour veiller à ne pas s’interposer ou s’approprier le cheminement de la personne. L’accompagnant·e aide à développer les ressources des bénéficiaires, sans les diriger, et en considérant l’individualité de chacun·e, afin de leur permettre de s’identifier comme expert·e·s de leur propre vie. (Loisy & Carosin, 2017)

Finalement, accompagner des adolescent·e·s en utilisant l’approche du pouvoir d’agir implique pour le·la professionnel·le de donner accès aux jeunes aux différents champs des possibles et les étapes à mettre en place pour l’atteinte de ces objectifs, mais également de favoriser l’autonomie et la mise en place de projets de vie, qu’ils soient d’ordre personnel ou professionnel. (Loisy & Carosin, 2017)

4.2.3. Lien avec l’utilisation des médias sociaux

Si l’on conjugue les objectifs du pouvoir d’agir et de l’approche centrée sur la personne spécifiquement à l’accompagnement dans l’utilisation des médias sociaux, cela se traduirait de telle manière. Premièrement, il ne s’agirait point d’opérer un contrôle constant et incisif dans la vie des jeunes. Effectivement, il s’agirait plutôt de transmettre aux adolescent·e·s les outils nécessaires à une bonne gestion et utilisation des médias sociaux, et de les laisser expérimenter cela de manière autonome. Le but serait ainsi de les responsabiliser quant aux opportunités et risques des médias sociaux, tout en leur laissant la possibilité d’expérimenter librement, en toute connaissance de cause. Finalement, la prohibition ou la répression, surtout à l’adolescence, peuvent souvent être des incitateurs à la transgression, Ainsi, il ne s’agit pas d’abandonner le jeune à son propre sort, ou au contraire d’imposer un contrôle tyrannique, mais plutôt de lui donner les moyens de développer les bonnes formules afin d’utiliser les nouvelles technologies en toute sécurité et responsabilité. Cela serait ainsi donner la possibilité au jeune de développer son autonomie et de s’affranchir du monde de l’enfance, dans son individualité, et en respectant ses besoins identitaires à l’adolescence.

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