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Les outils dérivés de la biologie moléculaire et leurs applications

Traditionnellement, les méthodes pour déterminer les abondances et activités écologiques des protistes dans les écosystèmes marins impliquent le plus souvent l’utilisation d’outils de visua- lisation, de mise en culture ou encore d’expérimentation en laboratoire avec pour but ultime de vérifier les informations observées sur le terrain. Ces approches ont permis d’établir de bonnes bases pour la compréhension d’un bon nombre des rôles écologiques des protistes dans les communautés naturelles et ont également permis de développer des modèles décrivant ces activités. Néanmoins, la documentation précise de toute la diversité des protistes dans un échantillon provenant d’une communauté naturelle est une lourde tâche, d’une part à cause de la richesse de cette diversité, d’autre part à cause de la complexité de leur taxonomie. Par ailleurs, certaines de ces techniques traditionnelles peuvent devenir limitantes lorsqu’il s’agit par exemple d’identifier rapidement et facilement des petits protistes ayant la même morpho- logie. Finalement, la compréhension des phénomènes écologiques exige de plus en plus une collecte et un traitement d’un grand nombre d’échantillons, rendant ces approches coûteuses et peu pratiques. Depuis plusieurs décennies, les approches basées sur l’analyse des séquences d’acides nucléiques (ADN) ont révolutionné l’écologie microbienne et notamment notre capa- cité à identifier et quantifier les protistes dans leur environnement. Ces approches moléculaires ont permis de développer des analyses taxonomiques applicables aux diverses technologies de séquençage en constante évolution (Caron et al.,2009). Cependant, l’utilisation de l’ADN n’est pas universellement acceptée, et ce pour de multiples raisons. Parmi celles-ci, on retrouve le cas du séquençage par amplicon des gènes ribosomaux qui nécessite une étape d’amplification par PCR au préalable lors de laquelle une affinité préférentielle des amorces pour certains groupes a été observée (Potvin and Lovejoy, 2009). Une seconde contrainte de cette métho- dologie est le nombre de copies du gène ribosomique présent dans les génomes pouvant être variable chez différents taxons, ainsi certaines espèces peuvent être favorisées lors de l’am- plification par PCR. Malgré le fait que ces critiques doivent être considérées, les approches

moléculaires restent des excellents outils pour l’exploration de la diversité et des activités des protistes. Finalement, les récentes avancées en génomique offrent de nouvelles perspectives sur ce monde microbien précédemment sous-estimé.

1.3.1 Séquençage de l’ARNr 18S

La technique de séquençage dite par amplicon permet de cibler un gène spécifique afin de répondre à une question écologique donnée. Alors que les banques de clones sont aussi consi- dérées comme des amplicons, ici nous utiliserons uniquement les techniques de séquençage à haut débit (Illumina). Le gène le plus fréquemment utilisé pour étudier la diversité des eu- caryotes microbiens est le gène 18S de l’ARN ribosomique (ARNr) qui permet de dresser un portrait de la diversité microbienne (Liu et al.,2007). En tant que composant structurel des ri- bosomes, l’ARNr est un constituant fondamental de tous les microorganismes connus à ce jour et la conservation de ce gène au cours de l’évolution permet de cibler tous les eucaryotes en uti- lisant des amorces universelles. Alors que les gènes codants pour l’ARN ribosomique (ADNr) sont fréquemment utilisés pour identifier les microorganismes présents dans les échantillons environnementaux indépendamment de leur état métabolique, l’ARNr est utilisé pour carac- tériser les microbes en croissance ou actifs. En effet, la concentration en ARN total dans une cellule est généralement proportionnelle à la concentration d’ARNr et au nombre de ribosomes. C ?est pour cette raison qu’on l’emploie comme un proxy pour caractériser une cellule active et potentiellement en croissance (Bremer et al.,1996;Kerkhof and Ward,1993). Plusieurs études supportent cette idée, parmi elles, certaines ont montré que la teneur totale en ARN et en ARNr est corrélée avec le taux de croissance pour certains microbes en culture (Kemp et al., 1993; Poulsen et al., 1993; Ramos et al., 2000). Cependant, il est important de mentionner que certaines limitations en lien avec cette technique existent. En effet, l’étape d’amplifica- tion du gène d’intérêt par PCR nécessaire au séquençage peut occasionner des biais dus à l’efficacité différentielle des amorces d’amplification sur les différents organismes. Par ailleurs, certaines espèces comme les dinoflagellés sont réputées pour avoir un contenu en ARNr net- tement supérieur aux autres ce qui pourrait biaiser les résultats obtenus. Enfin, malgré le fait que cette approche soit reconnue et répandue pour l’étude de la diversité taxonomique des microorganismes eucaryotes, elle ne permet pas d’évaluer leur diversité fonctionnelle. Afin de pallier ces limitations, nous couplerons nos résultats de séquençage par amplicon avec l’étude d’un métagénome hivernal dans le 2ème chapitre de la thèse.

1.3.2 Métagénomique

Le domaine de la génomique consiste en l’analyse de l’ADN génomique d’un organisme indi- viduel ou d’une cellule. En comparaison, la définition de la métagénomique est l’analyse de l’ADN génomique d’une communauté entière. Littéralement, la traduction la plus appropriée pour le terme métagénomique est « au-delà de l’étude du génome unique ». Cette approche est une excellente alternative pour pallier aux limitations du séquençage par amplicon puis-

qu’elle évite d’une part d’avoir à procéder à l’étape préalable d’amplification par PCR mais aussi qu’elle permet l’étude des gènes fonctionnels. Les données de métagénomique fournissent des informations sur le potentiel fonctionnel d’un échantillon, sans donner un aperçu de l’état métabolique actuel des cellules. Cette récente technique a déjà ouvert de nouvelles voies de recherche en permettant des analyses sans précédent sur l’hétérogénéité et l’évolution des génomes dans des contextes environnementaux divers et en donnant accès à une diversité mi- crobienne beaucoup plus grande que celle observée dans une boîte de Petri. La métagénomique dite de type « shotgun » est une technique dans laquelle l’ADN total a été isolé à partir d’un échantillon puis séquencé directement, sans étapes préalables d’amplification. Les résultats obtenus sont des séquences représentant l’ensemble des gènes de toutes les espèces contenues dans la communauté à un temps donné. Appuyée par des analyses bio-informatiques pous- sées, cette technique est un outil révolutionnaire permettant de répondre à d’indénombrables questions concernant les écosystèmes microbiens (Gilbert and Dupont,2011). C’est d’ailleurs grâce à l’étude d’un métagénome hivernal que nous avons pu démontrer l ?existence potentielle d ?une attaque virale de Micromonas pendant la nuit polaire dans le 2ème chapitre de la thèse.

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