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Chapitre 3 : La problématique de la thèse

3. Quels sont les outils à concevoir dans le domaine de la gestion des couverts végétau

3.1. Cahier des charges : des outils centrés sur un ou plusieurs indicateurs

Pour répondre aux problèmes soulevés par les gestionnaires (cf. chapitre 1) (comment décrire et évaluer l’état des couverts végétaux des espaces pastoraux ? Comment suivre les impacts des pratiques mises en œuvre sur l’évolution des ressources pastorales et environnementales ? Quelles pratiques mettre en œuvre pour répondre aux objectifs définis lors des diagnostics ?) et entrer dans une perspective de gestion adaptative (cf. chapitre 2), les outils de gestion des ressources naturelles, ici du couvert végétal des espaces pastoraux, doivent donc permettre :

- de dresser un diagnostic de l’état des ressources (ici pastorales et environnementales) afin de formuler des objectifs de gestion ;

- d’en déduire des pratiques à mettre en œuvre ;

- de permettre le suivi de l’évolution des ressources et l’ajustement des pratiques en fonction des résultats observés.

Précédemment, j’ai défini un type d’outil adapté à ces tâches à savoir les indicateurs. Les outils que j’étudie se présentent donc sous la forme d’un ou de plusieurs indicateurs. Ce sont des critères à observer, accompagnés du protocole et des substrats techniques nécessaires à leur mesure, ainsi que des règles d’interprétation permettant de passer des données recueillies à des préconisations de gestion.

Pour répondre aux besoins des gestionnaires il est important que ces indicateurs :

- portent sur la ressource naturelle et son évolution et non sur d’autres composantes du système même si les informations concernant celles-ci sont plus accessibles. Ainsi, il semble peu pertinent de fonder un diagnostic et un suivi à partir d’indicateurs portant sur les

performances économique du système exploitant la ressource (Lal et al., 2001 ; Stringer et al., 2006) ou sur le temps mis par le troupeau pour rejoindre un point d’eau (Reed et al., 2006) ; - puissent être reliés à l’action puisqu’ils sont utilisés dans un objectif gestionnaire. Ce n’est par exemple pas le cas de l’indicateur « nombre d’individus d’une population halieutique » (Walters, 2000). En effet, un des postulats de la gestion adaptative étant que les systèmes évoluent constamment sous l’effet de multiples facteurs environnementaux et pas uniquement humains (Blandin, 2009 ; Hilborn et al., 1995), il est difficile de faire la part des choses entre l’impact des actions humaines et l’environnement. Dès lors, comment ajuster les pratiques si on ne sait pas si celles-ci influencent ou non le système et dans quel sens ?

- permettent l’ajustement des pratiques. Dans le cas d’objets pouvant avoir un long délai de réponse comme c’est le cas des couverts végétaux, ils doivent aider les utilisateurs à anticiper les évolutions ou du moins, à les constater suffisamment tôt pour pouvoir ajuster les pratiques avant que la situation ne soit irréversible. Pour reprendre les termes de Fraser et al. (2006), ces indicateurs doivent pouvoir jouer le rôle d’ « early warning » indicateurs : « the first signs

that land is going to lose its productive potential due to human use ».

Mais quels sont les indicateurs, qui permettent effectivement de porter un diagnostic, définir des objectifs, suivre les évolutions et ajuster les pratiques de gestion de la ressource pastorale ? Identifier ou construire de tels indicateurs est toujours problématique pour la gestion des ressources naturelles. Par exemple, dans le cas des ressources halieutiques, le suivi d’une population par comptage d’individus pose le problème de la capacité de cet indicateur à rendre compte de la population en temps réel.

3.2. L’objectif de la thèse et les questions de recherche

L’enjeu de ma thèse est de contribuer à la réflexion sur la nature et les modes de

conception d’outils pour ajuster au fil de l’action la gestion agri-environnementale des ressources naturelles. Ma contribution se situe dans le questionnement et l’analyse du lien

entre ces outils, les connaissances qu’ils véhiculent et l’action des utilisateurs en situation. Pour répondre à cet enjeu, je propose de porter un regard réflexif sur des outils existants dans le domaine de la gestion pastorale en France. Mon objectif est d’éclairer la manière

dont le contenu cognitif des outils cadre l’action des utilisateurs et la façon dont les connaissances scientifiques sur lesquelles ils reposent s’articulent avec les connaissances des utilisateurs lors de leur mise en action. Je cherche alors à formaliser, dans des situations

concrètes, les relations entre outils mobilisés, connaissances scientifiques et connaissances produites au fil de l’action dans la gestion agri-environnementale des espaces pastoraux.

Pour atteindre cet objectif, je traite deux séries de questions de recherche :

1. La première vise à renseigner sur la nature des outils et leur contenu cognitif : sur quel(s) indicateurs reposent-ils ? Quelles sont les règles d’interprétation ? Quelles sont les caractéristiques cognitives, managériales, organisationnelles de ces outils ? Quels postulats véhiculent-ils ?

En effet, pour comprendre comment les connaissances véhiculées par les outils cadrent l’action et s’articulent avec les connaissances empiriques, il est nécessaire de décrypter le contenu cognitif des outils.

2. La seconde vise à renseigner sur la manière dont les connaissances contenues dans les outils cadrent l’action des utilisateurs et s’articulent avec les connaissances de ceux-ci dans

l’action : Comment les outils cadrent-ils l’action ? Comment les utilisateurs adaptent-ils les outils à leurs situations d’action ? Quelles difficultés rencontrent-ils ? Quelles stratégies mettent-ils en œuvre pour les contourner, autrement dit, comment ajustent-ils, complètent-ils ou détournent-ils les outils en fonction de leurs propres connaissances pour les rendre plus adaptés à leurs situations d’action ?

Ces deux séries de questions ne sont pas indépendantes puisqu’il m’est nécessaire de répondre à la première avant d’aborder la seconde, d’où la structuration de ma partie résultats. Avant d’aborder celle-ci, j’explicite la stratégie de recherche que j’ai mise en œuvre pour atteindre mon objectif et répondre à mes questions de recherche.