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Quel est le discours que transmettent les familles algériennes sur la conquête et les guerres qui ont suivi ? Quelle est la trace au sein des familles des Subsahariens et afrodescendants au sujet des drames qui se sont abattus sur eux depuis la déportation transatlantique jusqu’à la colonisation ? Paul Ricœur propose que soit pris en compte « un plan intermédiaire de référence où s’opèrent concrètement les échanges entre la mémoire vive des personnes individuelles et la mémoire publique des communautés auxquelles nous appartenons122. » Pour lire la mémoire, l’auteur conseille de tenir compte d’une triple attribution impliquant une relation « à soi, aux proches et aux autres123 ». De fait, les textes de Djebar et de Miano mettent en scène des représentations qui permettent de lire les relations intergénérationnelles. Nous y retrouvons des histoires individuelles, c’est-à-dire une série d’événements rattachés à une même personne124, qui s’enchevêtrent dans l’histoire familiale et l’Histoire collective. Des histoires transmises pour la plupart dans l’intimité familiale, puisque les institutions officielles sont lacunaires125 et qui influencent fortement la formation de l’individu. Par ailleurs, bien que la mémoire est par nature sélective, il peut aussi arriver que cette dernière, dans une société, soit sujette à des manipulations collectives ou qu’un individu décide volontairement d’opérer une sélection de ses souvenirs. Alors se mettent en place des stratégies pour oublier, occulter ou mettre en veille certaines images de la mémoire.

Dans ce chapitre, nous lirons d’abord la relation d’interdépendance qu’il y a entre les différentes mémoires collectives, individuelle et familiale ; puis nous essayerons également de voir comment se fait la jonction entre ces mémoires et les stratégies d’oubli convoquées à l’échelle individuelle par chaque personnage, puis à une échelle collective au sein des sociétés

122 Paul Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Op cit., p. 161. 123 Paul Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Op cit., p. 163.

124 Johann Michel, Mémoires et histoires : des identités personnelles aux politiques de reconnaissance, Rennes,

Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 37.

125 Nous allons partir ici du prédicat que les histoires individuelles donnent lieu à des mémoires individuelles qui

si elles parviennent à se recouper autour d’un récit collectif peuvent permettre en retour le tissage d’une mémoire collective. Il ne s’agit pas simplement pour nous de faire la somme des mémoires individuelles et de dire qu’elles constituent ainsi une mémoire collective. Nous pensons, à la suite de Boris Cyrulnik, qu’il n’y a pas véritablement de mémoire collective mais plutôt des récits collectifs. Nous allons donc voir comment ces souvenirs individuels d’une même expérience comportent des traces qui vont permettre d’élaborer la mémoire collective dans les textes.

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représentées ; enfin nous verrons comment l’oubli pourrait contribuer à la réalisation du deuil et à l’effacement de la honte.

5.1) La mémoire individuelle, familiale et l’Histoire collective

Assia Djebar lors d’un entretien dira, au sujet des Alouettes naïves, qu’elle voulait écrire un roman qui serait une sorte de chronique sur l’expérience de la guerre et pour ce faire, elle s’était mise à écouter beaucoup de gens entre Paris et Tunis126. Omar et Rachid sont des cousins et amis proches, ils ont quasiment grandi dans la même maison, Omar est un travailleur qui se destinait à la médecine avant la guerre, à Tunis il s’occupe d’orphelinats pour des enfants algériens réfugiés. Rachid est journaliste, ex-maquisard. Séparés à la fin de l’adolescence, ils se retrouvent dix ans après à Tunis où ils sont réfugiés. Nfissa est une jeune étudiante qui décidera de suivre son fiancé au maquis. Ce dernier tombe sous les balles de l’armée coloniale, avant qu’elle-même ne se fasse arrêter. Nfissa est libérée grâce à son père, mais reste dans le collimateur de l’armée. C’est alors que l’exil sera décidé pour qu’elle échappe à la menace de la prison qui plane sur elle. À Tunis, elle rencontre les autres réfugiés algériens, dont Rachid qu’elle épouse très rapidement. C'est à partir des récits de vie d’Omar, Nfissa, et Rachid que le lecteur, à travers ce roman, découvre l’Histoire collective des Algériens, celle de la guerre pour l’indépendance :

C’était une journée comme les précédentes : le soleil dur sur nos têtes tandis que, dans une jeep trop vieille, nous cahotions de l’aube au couchant sur les pistes pierreuses de la frontière. Un s’arrêtait deux heures, trois à chaque camp de réfugiés... Aussi près du chauffeur, je regardais enfin les rescapés de la guerre... (AN, p.15)

La narration évolue en perspectives multiples faisant alterner des flashbacks vers un « Autrefois » visiblement plus heureux qui contraste énormément avec leur triste quotidien d’exilé.es à Tunis. Bien qu’ils viennent tous d’un même espace, ces trois personnages nous livrent une expérience singulière de la guerre, chacun mettant l’accent sur un aspect plutôt qu’un autre. Pour Nfissa par exemple, le maquis est une curiosité, un espace de liberté et de réjouissance, en dépit des pertes. Elle se plaint d’ailleurs de ne plus retrouver cette ambiance lorsqu'elle revient dans la maison familiale : « [...] les fêtes sont finies et plus seulement dans notre maison, partout, dans tous les lieux... […] Que croyiez-vous, au maquis, on riait, on 126 Assia Djebar : Entretiens avec Laure Adler en 2006 – « À voix nue » sur France Culture.

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chantait, même lorsque les hommes tombaient » (pp.111-112), s'exclame-t-elle quand elle apprend de sa famille qu’il n’y aura aucune réjouissance pour le mariage de sa sœur. Alors que pour Rachid, un combattant de l’armée de libération, le maquis est synonyme d’horreur, de douleur à oublier ; et pour Omar, cela reste un mystère, un lieu connu uniquement à travers les récits des camarades qui l’ont fréquenté. Cependant, une même réalité revient chez nos trois personnages, ils ont tous dans leurs parcours individuels vécu la guerre. Au sein de leur famille respective figure un parent proche ou éloigné qui est tombé sous les balles de l’ennemi.

Dans L’Amour, la fantasia, l’histoire de l’enfance de la narratrice se mêle à l’histoire de la conquête de l’Algérie, elle rappelle les enfumages de populations entières ; puis progressivement, le roman fait entrer sur la scène les femmes, les maquisardes et veuves de la guerre de libération. Un agencement des récits qui tendrait visiblement à souligner l’origine de la colère des indépendantistes :

En avril 1842, la zaouia des Berkani est brûlée ; femmes et enfants errent sur les neiges des pentes montagneuses ̶ cette année-là, l’hiver fut rigoureux. Les cadavres nourriront les chacals [...] Chuchotement des aïeules aux enfants dans le noir, aux enfants des enfants accroupis sur la natte, aux filles qui deviendront aïeules, le temps d’enfanter s’écoulant pour elles en parenthèse dérisoire […] Ne subsistent du corps qu’ouïe et yeux d’enfance attentifs dans le corridor, à la conteuse ridée qui égrène la transmission, qui psalmodie la geste des pères, des grands-pères, des grands-oncles paternels. Voix basses qui assurent la navigation des mots, qui rament dans les eaux charriant les morts, à jamais prisonniers… (AF, p.249).

C’est donc au sein des familles que se fait la transmission de l’Histoire du peuple avec ses victoires, ses résistances et ses défaites. La relation entre individuel et collectif dans ce roman se lit également à travers un jeu de mots que fait la narratrice : dans toute la première partie, le dernier mot du chapitre précédent sert d’amorce au chapitre suivant. Ainsi, la narratrice tient un fil rouge entre son récit autobiographique et l’Histoire collective. Kaoutar Harchi écrit que :

L’Histoire, qui n’était jusqu’à présent que celle des hommes – de France et d’Algérie –, est saisie à travers un ensemble de voix, formant la pluralité d’un « nous » féminin et solidaire. Ainsi, aux discours politiques tenus par les dirigeants algériens au lendemain de l’indépendance, Assia Djebar oppose un contre-discours poétique où la contribution de la femme algérienne à la guerre de libération est affirmée, revendiquée127.

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Quand Assia Djebar interroge les correspondances des soldats français sur la guerre, elle souligne aussi un besoin de confronter la mémoire familiale et la mémoire officielle. Car, chaque génération au sein des familles a en quelque sorte la responsabilité de ne pas rompre la chaîne de transmission : « Nfissa riait encore, conversait avec la grand-mère redemandait le récit de l’ancêtre qu’un siècle auparavant les Français conquérants avaient tué dans une bataille, mais dont ils n’avaient jamais pu trouver la tête pour la brandir à la pointe de l’épée » (AN, p.156). Cette mémoire familiale concourt ensuite à la construction de la mémoire individuelle tendue prise là aussi dans le collectif : « Fixer la mémoire familiale grâce à l’écriture, pour certifier de l’authenticité de son existence dans le temps chronologique et biologique des générations qui se sont succédées128 » La narratrice de L’Amour la fantasia dresse un pont entre des femmes qui, contrairement à elle, n’ont pas pu échapper à l’enfermement, mais qui se sont libérées de leurs entraves grâce à leur engagement dans la guerre de libération :

La Narratrice dévoile à peine et avec difficulté ses expériences intimes. Cette impossibilité d’exprimer ses sentiments l’encourage à entreprendre une quête du passé. De ce fait, la Narratrice revient à l’évocation des femmes algériennes pour se protéger. L’auteur utilise alors une narration extradiégétique qui lui permet de se protéger et d’insérer le discours des femmes dans son récit autobiographique129.

Même lorsqu’elle souhaite simplement comme dans Le Blanc de l’Algérie rendre un hommage à la mémoire de ses amis assassinés, elle embarque le lecteur, grâce à « une construction en miroirs130 », dans le grand récit collectif et tumultueux de l’Algérie. La procession pour les morts conduit à une sorte de radioscopie de l’histoire collective qui lui permet de mettre à nu les germes de destruction plantés durant la guerre de Libération et dont la guerre civile est l’expression aboutie.

Chez L. Miano toute la transmission au sein de la famille est assurée selon les cas. C’est par sa mère qu’Amandla apprend très tôt l’histoire de son peuple : « En ce temps-là, elle n’était qu’une enfant et sa mère lui racontait l’Histoire, l’origine […]. La parole, les actes de sa mère l’avaient créée, consolidée. Durant toute sa jeunesse, elle avait entendu parler de la grandeur de

128 Giuliva Milò et Beïda Chikhi, Lecture et pratique de l’histoire dans l’œuvre d’Assia Djebar, Bruxelles, PIE-

P. Lang, 2007, p. 101.

129 Fatıma Medjad, « Identité plurielle et Histoire collective au féminin dans L’amour, La Fantasia D’Assia

Djebar », Revue d’Études Françaises (French Studies Journal), Série II, No 2, 2009, p. 219.

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l’Empire Mandingue, des pharaons noirs de Kemet, des Amazones du Dahomey. » (TAE, 2009, p.83-84). Aligossi veille donc à transmettre à sa fille une mémoire qui n’est pas enseignée dans les manuels d’histoire officielle. C’est au sein maternel qu’Amandla est allaitée par une mémoire familiale qu’elle va consolider plus tard pour créer sa propre mémoire individuelle.

Tout comme Amandla, Shrapnel aura le bonheur de recevoir de sa grand-mère l’histoire de son groupe : « Il avait vécu dans le sillage d’une authentique passeuse de mémoire, une femme fière de l’histoire des siens, et désireuse d’en assurer la transmission. C’était elle, sa grand-mère qui lui avait dit son nom. Elle lui avait précisé sa position dans la lignée de son peuple. Elle lui avait fait comprendre la nécessité de sa participation à la continuité » (TAE, p.62). C’est grâce à cette mémoire familiale que Shrapnel et Amandla se forgent des personnalités fortes et refusent la fatalité dans un intra-muros où la couleur est l’élément déterminant pour l’individu. Ces deux personnages montrent que « la mémoire fonctionne comme un refuge, un espace où l’on peut trouver un soi authentique et stable et qui délimite la zone qui le distingue des autres131. » En revanche, Amok n’a pas la possibilité de se réfugier dans cet espace puisqu’il n’a pas connu cette transmission intergénérationnelle au sein de sa famille :

Un jour, leur père […] les avait emmenés dans la chambre pour leur raconter une histoire qu’il avait inventée. Il avait beaucoup d’imagination. Il aimait faire rire les enfants. Amok ne savait plus pourquoi il avait tenu à faire sortir les armes de sous le lit. Il les avait posées dessus. Avec précaution. Il avait ôté les élastiques maintenant l’emballage […]. Il avait dit que son père qui était mort alors qu’Amok avait trois ans, s’en était servi pendant la guerre. Il avait reçu la Légion d’honneur à titre militaire. Amok avait demandé de quelle guerre il était question. Son père lui avait répondu qu’il s’agissait de la Deuxième Guerre mondiale. Ce jour-là et ce jour-là seulement, ils avaient entendu parler du grand-père. Tout ce qu’ils en savaient c’est qu’il fallait le respecter. Il était celui qui avait donné ses lettres d’or au patronyme. Une sorte de commencement du monde… (p.46)

Le père d’Amok en racontant ce récit monté de toute pièce, invente la mémoire familiale. Sa transmission est un échec, car elle ne donne pas à la descendance toutes les clés nécessaires à la compréhension du récit fondateur. C’est seul qu’Amok entreprend l’élucidation des silences qui entourent son histoire familiale, à partir de suppositions :

131 La mémoire historique : interroger, construire, transmettre actes du Colloque du 17 au 19 mars 2005, éd.

Groupe de recherche inter-langues de l’Université d’Angers, Angers, Presses de l’Université d’Angers, 2006, p. 148.

198 Amok associait les fusils sous le lit des parents les fusils du grand-père à la tragédie familiale. Ils en étaient l’arcane aussi bien que la clé. Ils étaient ce Golgotha au-dessus duquel le couple de ses parents avait été crucifié sans qu’il ne sache jamais pourquoi. Eux le savaient et l’acceptaient. À lui, on ne voulait qu’un nom et des obligations. On ne voulait pas lui révéler le sens du phénomène qui l’avait produit […]. Au pays, les secrets demeuraient emmurés au sein d’une classe d’âge. Ils n’étaient pas transmis. Seuls leurs effets traversaient les époques. » (p.47-48)

Ces non-dits contribuent à faire du jeune homme un sujet à la mémoire trouée, un être égaré, dépossédé de lui-même. Il convient d’ailleurs que le problème se niche « dans le fait qu’une part importante de l’histoire des hommes soit laissée à l’imagination. La vérité qui ne savait pas se dire engendrait les fabrications les plus anarchiques de lui-même et du monde » (TAE, p.209). Comme Amok, les habitants d’Eku ont aussi été privés de la transmission familiale, les aînés optant pour le silence face à certaines zones d’ombre de l’histoire :

Ayané cherchait la réponse à des questions que, en dehors d’elle, nul ne se posait. Quelle chose d’obscure rongeait l’âme des habitants du cœur du continent ? [...] Ayané pressentait, en ce lieu précis de l’origine du monde, une faille innommée. Ici, l’existence reposait sur un gouffre ». (AE, p.18-19).

Sa mère l’ayant tenue à l’écart après le décès de son père parce qu’elle était le sosie parfait de l’aimé disparut, Ayané n’a jamais eu que des interrogations sans réponses. La nuit où les rebelles sont arrivés dans le village, ne se trouvant pas sur la place avec les autres, personne n’a voulu lui faire le récit des évènements. Ié qui était devenue la doyenne du village impose à tout le monde le silence. Elle perpétue ainsi la culture du silence, car à Eku, suite à la disparition « de huit hommes du clan dans la brousse » (AE, p.222), des interdits régulent la vie des habitants depuis de nombreuses années sans jamais que ne leur ait été révélés les raisons de telles restrictions. Les habitants sont face à une mémoire oblitérée, un interdit pèse sur la transmission, tous ces silences animent un désir d’ailleurs chez les jeunes comme Ayané et Epa. Or Patrick Chamoiseau explique que ce type de réaction de la part des anciens est logique dans la mesure où « chez les êtres humains confrontés à un malheur extrême, un extrême de l’horreur, l’instinct de vie s’exacerbe et actionne, en réflexe, les médecines du silence132. » Cette béance dans l’histoire va pousser Epa à chercher ailleurs ses réponses. Les discours propagandistes et faussement révolutionnaires des rebelles vont s’inscrire en lui, il s’imprégnera facilement de 132 Patrick Chamoiseau, Le déshumain grandiose, Paris, Gallimard, 2010, p. 7.

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leur lecture de l’histoire et ralliera leur rang « pour offrir aux autres ce dont il avait été privé : la connaissance et l’honneur » (p.20). Le lien vivant des générations133 est ainsi rompu par cette absence de transmission puisque l’histoire des uns fait écho à celle du groupe : « Une nuit, peu après qu’on avait enterré sa mère, les combattants massés alentour s’étaient présentés aux villageois. Prônant le retour à un âge d’or précolonial, la restauration de liens anciens entre les peuples de cette région du continent, ils s’étaient longuement adressés aux Ekus » (AE, p.18). La mémoire familiale d’Ayané ne peut séparer son histoire personnelle de celle du clan bien qu’elle s’en soit détachée depuis plusieurs années.

L’enchevêtrement des récits se lit aussi à travers l’histoire personnelle d’Ayané qui recoupe celle de la communauté d’Eku. Mais le roman, à partir de l’histoire de ce petit village, dont la quiétude sera perturbée, une nuit, par l’intrusion d’une bande armée, se charge aussi de nous décrire la grande Histoire du continent : celle de la déportation transatlantique des Subsahariens et leur colonisation. C’est pour éradiquer le mal causé par la colonisation que les rebelles prétendent avoir pris les armes et se mettent à terroriser les populations démunies du pays sans jamais s’en prendre aux responsables politiques du Mboasu. Le même schéma se retrouve également dans ses deux autres romans à l’étude. La saison de l’ombre, centré sur la vie d’une communauté de l’intérieur des terres africaines nous ramène progressivement vers l’histoire de la déportation transatlantique. Déterminée à comprendre ce qui est advenu de son fils et des autres membres de la communauté, Eyabe conduira le lecteur à la découverte du système de razzias piloté par certaines tribus africaines pour fournir la marchandise humaine aux négriers. C’est donc ici la mémoire collective des Africains sur ce drame qui est interrogée, une invite à ce que « les souvenirs des uns se mêlent à ceux des autres, pour tisser une histoire » (SO, p.226). Une histoire collective à partir de laquelle se dégagera une mémoire collective parce que comme le souligne Jean-Claude Guillebaud, « une collectivité véritable ̶ celle capable de “faire société” ̶ est structurée par un “récit” commun, lui-même inséparable d’un projet134. » Le même phénomène se dessine, dans Tels des Astres éteints où les trois personnages ont en commun leur relation à l’Afrique à travers une couleur de peau qui les regroupe :

Amok avait un peu élevé la voix à la fin. Il avait pensé au jour où Amandla et Shrapnel s’étaient rencontrés. Ils n’avaient parlé que de la Cause. L’une avait fait la promotion du retour à soi. L’autre, celle du renforcement par la diaspora des racines du grand arbre. Il les avait approuvés l’un et l’autre. Précisant qu’il n’y avait pas de Cause noire. Il y avait tout

133 Maurice Halbwachs, La mémoire collective, éd. Gérard Namer, Paris, Albin Michel, 1997, p. 50.

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