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2. Chapitre 2 : Ontogénèse du contrôle postural et de la marche chez l’enfant à développement typique

2.1. Le développement du contrôle postural en station assise et en station debout

2.1.3. Les oscillations posturales reflètent la maturation du système postural

La stabilisation en posture debout nécessite le maintien de la projection du CdM à l’intérieur du polygone de sustentation. De la même manière que les synergies posturales, cette capacité s’améliore avec l’âge, depuis l’acquisition de la station debout autonome jusqu’à l’adolescence. Bien que les enfants soient capables de se tenir debout de manière indépendante à la fin de la première année post-natale (Hedberg et al., 2007; Shumway-Cook & Woollacott,

55 1985), la maîtrise de la station debout n’est pas encore aboutie et le contrôle postural va continuer à se développer tout au long de l’enfance (Assaiante, 1998; Figura et al., 1991; Riach & Hayes, 1987). D’une manière générale, les oscillations posturales diminuent avec l’âge, comme l’atteste l’évolution de nombreux paramètres de posturographie, tels que la surface de l’ellipse de confiance, l’amplitude, la vitesse ou encore la RMS des déplacements du CdP. On observe, en posture orthostatique et dans différentes conditions sensorielles, une diminution de ces paramètres (Christensen et al., 2018; Cuisinier et al., 2011; Dusing, 2016; Micarelli et al., 2019; Oba et al., 2015; Sá et al., 2018). Cette diminution va dans certaines études s’observer bien après l’adolescence, suggérant que le contrôle postural n’est pas encore mature à cette période (Goulème et al., 2014, 2018; Micarelli et al., 2019), alors que les réactions posturales en station debout ont les mêmes caractéristiques que l’adulte dès l’âge de 7-8 ans.

Une première étape importante dans le développement des oscillations posturales semble se produire vers l’âge de 7 ans. Les travaux de Riach et Starkes (1994) sur les oscillations posturales d’enfants âgés entre 4 et 13 ans, rapportent un changement notable dans les stratégies de contrôle qui se produit à l’âge de 7 ans. A cet âge, ils passent d’un mode de contrôle de la posture en boucle fermée basé uniquement sur les rétroactions sensorielles, vers un mode de contrôle proactif, basée sur l’anticipation et les rétroactions sensorielles. Cette évolution, rapportée par la suite dans d’autres études (Kirshenbaum et al., 2001; Rival et al., 2005), serait reflétée par la diminution de la vitesse du déplacement du CdP, avec d’abord des corrections rapides de ses trajectoires, puis, après une période transitoire vers l’âge de 7 ans, des corrections plus lentes avec des amplitudes réduites. La maîtrise de ce mode de contrôle proactif va permettre aux enfants d’utiliser leurs informations sensorielles pour élargir et explorer la zone dans laquelle l’équilibre est maintenu (Kirshenbaum et al., 2001). Cette évolution due à la maturation du SNC, serait particulièrement liée aux processus d’intégration et de repondération sensorielles qui se développent avec l’âge.

L’analyse de l’organisation sensorielle basée sur des posturographies dynamiques dans différentes conditions (yeux ouverts et fermés, avec le support ou l’environnement visuel fixes ou asservis aux oscillations corporelles), montrent que le développement du contrôle postural est lié à la maturation propre de chaque modalité sensorielle mais également à la capacité du SNC à repondérer ces informations en fonction des conditions de la tâche. Cette capacité, présente dès l’âge de 4 ans, se développe jusque tard dans l’adolescence (Bair et al., 2007; Barozzi et al., 2014; Cumberworth et al., 2007; Ferber-Viart et al., 2007; Hans Forssberg & Nashner, 1982; Micarelli et al., 2019; Rinaldi et al., 2009; Sá et al., 2018; Valente, 2011).

56 Les enfants âgés de moins de 7 ans semblent principalement se reposer sur la vision pour le contrôle postural (Shumway-Cook & Woollacott, 1985; Woollacott et al., 1987), malgré la capacité d’amenuir l’effet d’une manipulation du champ visuel sur les oscillations posturales dès l’âge de 4 ans (Rinaldi et al., 2009). Goulème et al. (2014) rapportent même que les oscillations ne diminuent pas avec l’âge lorsque la vision est disponible et que les informations proprioceptives de cheville sont perturbées par l’asservissement du support aux oscillations posturales. Cela suggère que dès cet âge, les informations visuelles sont suffisamment bien utilisées pour assurer la stabilité posturale de l’enfant (Goulème et al., 2014; Rinaldi et al., 2009; Sá et al., 2018). Néanmoins, des résultats viennent contester cela et montrent un effet plus marqué de l’absence de vision chez les jeunes enfants par rapport aux adultes (Ferber-Viart et al., 2007; Wolff et al., 1998). Cela suggère que depuis l’enfance jusqu’à l’adolescence, le maintien du contrôle postural repose principalement sur l’entrée visuelle (Micarelli et al., 2019; Shumway-Cook & Woollacott, 1985). Chez l’enfant, elle contribue également à la détection de la verticale gravitaire qui permet la construction du référentiel géocentré. Bien que la dépendance aux informations visuelles pour le maintien de l’équilibre diminue avec l’âge, on observe une période transitoire à l’adolescence où la vision serait surutilisée pour le contrôle postural. Cela s’expliquerait par une négligence transitoire des informations proprioceptives en raison des fortes modifications morphologiques qui prennent place pendant l’adolescence (Viel et al., 2009).

Chez l’adulte, la proprioception serait la modalité sensorielle la plus impliquée dans la détection des oscillations posturales (Fitzpatrick et al., 1992; Schmitz et al., 2002). Même en présence des informations visuelles au cours de situations non perturbées, les adultes favorisent l’utilisation des informations proprioceptives, sans pour autant négliger les informations visuelles (Cignetti, Caudron, et al., 2013). Chez l’enfant, bien que le système somatosensoriel semble fonctionnel dès 3 ans (Charpiot et al., 2010; Hirabayashi & Iwasaki, 1995; Steindl et al., 2006), la capacité à donner plus de poids aux informations proprioceptives lorsque la vision est perturbée ou absente n’est pas encore acquise (Peterka & Black, 1990) et se développe au moins jusqu’à l’âge de 12 ans (Sparto et al., 2006). L’utilisation des informations somatosensorielles pour le maintien de la posture se développe donc encore à l’âge de 12 ans. Ces dernières seraient même, comme énoncé plus tôt, négligées de manière transitoire à l’adolescence en raison des importantes modifications morphologiques à cette période (Mallau et al., 2010; Viel et al., 2009).

57 Enfin, la fonction vestibulaire semble être la modalité sensorielle dont la contribution au contrôle postural semble mettre le plus de temps à se développer, et le niveau de performance de l’adulte n’est toujours pas atteint à l’âge de 15 ans (Charpiot et al., 2010; Cherng et al., 2001; Ferber-Viart et al., 2007; Goulème et al., 2018; Hirabayashi & Iwasaki, 1995; Hytönen et al., 1993; Sá et al., 2018).

Le développement des oscillations posturales repose sur la maturation des systèmes sensoriels et sur la capacité à modifier le poids d’une ou plusieurs entrées sensorielles lorsqu’elles sont perturbées ou absentes. Cette capacité ne semble pas être totalement acquise au cours de l’enfance et cela contribuerait aux différences observées sur les oscillations posturales en comparaison avec les adultes. Des études rapportent également que la diminution des oscillations posturales avec l’âge ne serait pas linéaire (Forssberg & Nashner, 1982; Kirshenbaum et al., 2001; Riach & Starkes, 1993, 1994; Rival et al., 2005), avec des périodes transitoires observées autour de 7 et 15 ans. L’âge de 7 ans serait un âge charnière puisqu’il marque le passage d’un mode de contrôle principalement en boucle fermée à un mode de contrôle proactif. L’apparition de ce mode de contrôle contribuerait à la diminution des oscillations posturales avec l’âge.