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2. Chapitre 2 : Ontogénèse du contrôle postural et de la marche chez l’enfant à développement typique

2.2. Le développement d’un équilibre dynamique : le cas de la locomotion

2.2.5. Ontogénèse des stratégies de stabilisation segmentaire au cours de la marche

Le développement de la stabilisation segmentaire chez l’enfant à partir de 3 ans et jusqu’à l’âge adulte a fait l’objet de nombreux travaux dont ceux proposés par Assaiante et ses collaborateurs (Assaiante & Amblard, 1993, 1995; Assaiante & Chabrol, 2010; Assaiante et al., 2005). Dans ces études, les différentes stratégies de stabilisation ont été analysées lors de tâches locomotrices variées à plusieurs niveaux de difficulté : marcher sur un sol plat, marcher sur une ligne au sol, marcher sur une poutre de 10 cm de large ou encore marcher avec des lunettes obstruant la vision périphérique. Afin d’analyser les modes de contrôle de la tête et du tronc, les auteurs ont utilisé l’indice d’ancrage, un outil mathématique basé sur les dispersions angulaires, qui permet de déterminer si un segment est préférentiellement stabilisé par rapport

à l’espace (stratégie de contrôle articulée impliquant une libération sélective des ddl) ou par

rapport au segment sous-jacent (stratégie de contrôle en bloc impliquant un gel des ddl)

(Amblard, 1998). Ils ont pu ainsi déterminer 4 grandes phases pour le développement des coordinations tête-tronc pendant la marche (Figure 22).

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2.2.5.1. De l’émergence de la locomotion jusqu’à la stabilisation de la tête : un

développement caudo-céphalique

Dès les premières semaines de marche, on observe une stabilisation du bassin sur l’espace, suggérant qu’elle est un prérequis nécessaire à l’émergence de la locomotion. Il faudra attendre environ deux mois d’expérience de marche pour voir les épaules se stabiliser par rapport à l’espace. En revanche, même après 1 an d’expérience de marche, la tête n’est pas stabilisée par rapport à l’espace et on observe un fonctionnement en bloc de l’ensemble

tête-tronc, avec un gel des ddl. Du point de vue de l’organisation temporelle de l’équilibre

locomoteur, on observe une séquence ascendante, depuis le pelvis vers la tête. Le pelvis constitue donc la référence spatiale mais également temporelle.

2.2.5.2. Les débuts de la stabilisation de la tête sur l’espace

A partir de l’âge de 3 ans et jusqu’à environ 6 ans, la stabilisation de la tête sur l’espace va émerger. Cependant, lorsque la difficulté augmente, par exemple en marchant sur un support étroit, la stabilisation de la tête va disparaitre pour laisser place à une stratégie de contrôle en bloc de l’ensemble tête-tronc. Ce gel de l’ensemble tête-tronc permet de diminuer le nombre de

ddl à contrôler pendant le déplacement en condition difficile. L’organisation temporelle est

similaire à celle des plus jeunes, à savoir ascendante, depuis le bassin vers la tête.

2.2.5.3. La maîtrise de la stabilisation de la tête sur l’espace

A l’âge de 7 ans, l’augmentation de la raideur de l’ensemble tête-tronc avec l’augmentation de la difficulté est de moins en moins importante et à 8 ans les coordinations segmentaires sont similaires à celles de l’adulte. On observe une libération de l’ensemble tête-tronc et la stratégie en bloc est remplacée par une stratégie articulée. La maîtrise de cette stratégie en condition difficile coïnciderait avec une amélioration de la capacité à contrôler

simultanément plusieurs ddl (Assaiante & Amblard, 1993; Bernstein, 1967). Ce comportement

est précédé par une régression transitoire, vers 6 ans, où les enfants, bien que maîtrisant les stratégies articulées, vont favoriser les stratégies en bloc. Du point de vue de l’organisation temporelle, on commence à observer une organisation descendante, depuis la tête vers le bassin.

2.2.5.4. La stabilisation sélective de la tête sur l’espace

Lors de l’émergence de la stabilisation de la tête sur l’espace, cette dernière se fait de manière indifférenciée dans les trois plans de l’espace. A partir de 8-9 ans, l’enfant va

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Figure 22. Modèle ontogénétique de l’organisation posturale depuis la station assise jusqu’à la marche chez l’enfant à développement typique. En station assise, l’organisation est descendante et sans gel des ddl. Puis, à l’émergence de la station debout, la stratégie est ascendante mais avec un contrôle tête-tronc en bloc. Lorsque l’enfant a acquis une certaine expérience de marche, l’organisation sera globalement descendante avec une stratégie de contrôle articulée de l’ensemble tête tronc. Enfin, l’adulte sera capable de stabiliser sa tête par rapport à l’espace de manière sélective (stratégie articulée dans le plan sagittal mais articulée dans le plan frontal par exemple).D’après Assaiante (1998)

La stabilisation de la tête sur l’espace se ferait principalement à partir des informations vestibulaires. En effet, chez l’adulte, elle apparait même en l’absence des informations visuelles (Assaiante & Amblard, 1993). De plus, les réflexes vestibulo-colique et cervico-colique d’origine vestibulaire participent à la stabilisation et à l’orientation de la tête dans l’espace et par rapport au tronc. Dans le même sens, il a été rapporté que les individus ayant des déficits vestibulaires avaient des difficultés à stabiliser la tête sur l’espace lors de perturbations externes imprévues (Bronstein, 1988). Enfin, chez l’enfant, la maîtrise de la capacité à maintenir une tête stabilisée sur l’espace même en situation difficile coïncide avec une diminution transitoire de la contribution des informations visuelles périphériques au contrôle de l’équilibre associée à une prédominance des informations vestibulaires (Assaiante, 1998).

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Chez l’enfant à développement typique, le contrôle postural se développe depuis la

petite enfance et mature jusqu’à la fin de l’adolescence.

Si une part d’innée réside dans la capacité à se stabiliser, avec notamment la présence

de réactions posturales direction-spécifiques dès les premiers mois de l’existence, les caractéristiques des réponses posturales maturent avec l’âge et l’expérience. Les réactions posturales sont similaires à celles de l’adulte vers l’âge de 7 ans.

Le contrôle des oscillations posturales se développe lui plus lentement, et on observe

encore des différences par rapport à l’adulte lors de l’adolescence.

Le développement du contrôle postural repose en partie sur une maturation du SNC, et

plus particulièrement sur la capacité à intégrer et repondérer les informations sensorielles.

Le développement de la locomotion est indissociable du développement du contrôle

postural. La première étape du développement locomoteur sera la maîtrise de la station debout et de la stabilisation du pelvis sur l’espace. Puis, l’enfant devra apprendre à utiliser le vecteur gravitaire pour créer une dynamique entre le CdM et le CdP qui permettra la production des forces propulsives nécessaires à la progression du corps vers l’avant.

La maturation du pattern de marche et de l’équilibre locomoteur est en partie reflétée

par la diminution de la puissance négative de cheville pendant la phase de mise en charge. En effet, cette absorption représente le rôle fonctionnel des fléchisseurs plantaires qui vont venir freiner l’avancée du CdM et lutter contre sa chute en début d’appui.

Le développement de l’équilibre locomoteur repose sur le contrôle des degrés de liberté

entre le pelvis, le tronc et la tête. La coordination spatiale et temporelle des segments axiaux reflète la construction des stratégies posturales au cours d’activités posturocinétiques.

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3. Chapitre 3 : Contribution des segments axiaux au contrôle postural