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Distribution optique d’oscillateurs locaux RF

Grâce à leurs faibles pertes et autres avantages cités plus haut, les liaisons optiques hy-perfréquences permettent la distribution d’un même oscillateur local RF ultra-stable à plu-sieurs antennes distantes pour démoduler le signal qu’elles captent. On fabrique ainsi des

réseaux d’antennes mais aussi des réseaux locaux sans fil comme le WIFI (WLAN1) ou

encore des réseaux mobiles.

Bien que cela ne vienne pas immédiatement à l’esprit, la récente observation du trou noir supermassif M87* dans la constellation du zodiaque de La Vierge par la collaboration de

l’Event Horizon Telescope (EHT) [53,54] est liée au développement de cette distribution

optique d’oscillateurs locaux RF. Les impressionnantes images réalisées par l’EHT sont le

fruit d’une mise en réseau de 8 radiotélescopes situées à 6 emplacements géographiques distincts du globe. De cette mise en réseau et grâce à un traitement informatique considé-rable, la collaboration EHT a à disposition, en quelque sorte, un dispositif d’interférométrie à très longue base à l’échelle de la Terre. Cette technique permet de démultiplier la résolu-tion spatiale. Les emplacements géographiques étant très distants, il n’est pas possible pour les télescopes de partager le même oscillateur local hyperfréquence pour descendre en fré-quence le rayonnement haute fréfré-quence en provenance du ciel. Leur synchronisation repose sur la réception d’un signal GPS. Il est donc primordial pour la reconstruction de l’image de conserver la phase du rayonnement détecté. Chaque radiotélescope fonctionne donc avec sa propre référence de temps, qui se doit d’être ultra-stable. Sans entrer dans les détails, un

oscillateur local RF basé sur un maser à hydrogène ultra-stable est distribué aux différentes

antennes mises en réseau au sein de ces grandes installations que sont les radiotélescopes. Parmi les plus connues et les plus précises de ces installations, citons le grand réseau

d’an-tennes millimétrique/submillimétrique de l’Atacama (l’ALMA pour l’acronyme anglais)

situé à 5000 m d’altitude dans le désert chilien. La liaison opto-hyperfréquence s’impose pour le transport de la référence RF ultra-stable du maser lorsqu’on réalise que les 66 an-tennes peuvent être séparées d’une distance allant jusqu’à 16 km.

Et les VECSELs bifréquences dans tout ça ?

Atouts des lasers bifréquences

Tout d’abord, les VESCELs sont des lasers de puissance optique significative et de bruit d’intensité relatif quasiment limité au bruit de grenaille sur une plage spectrale de plusieurs

GHz [51]. Il sont de fait compatibles, en terme de rapport signal-sur-bruit, avec les liaisons

opto-hyfréquences comportant un modulateur de Mach-Zehnder telles que l’on vient de les décrire. En réalité, il existe une autre façon de fabriquer une modulation hyperfréquence

sur porteuse optique : en faisant battre deux fréquences optiques (voir schéma1.1). Ce

fonctionnement bifréquences a prouvé sa capacité à générer un signal RF au chapitre pré-cédent. On peut assimiler ce battement RF généré optiquement à un signal RF obtenu avec

une profondeur de modulation possible de 100% [16]. D’une part, ce signal possède une

grande pureté spectrale à laquelle nous allons accorder beaucoup d’importance par la suite. D’autre part, ce signal est largement accordable en fréquence puisqu’il ne dépend que de

la biréfringence∆Φ introduite par le cristal à l’intérieur de la cavité :

fRF = ωx−ωy /2 π = c0 2 Lcav · ∆Φ π , (2.1)

avec c0 la célérité de la lumière. En jouant sur la biréfringence (ou bien la longueur de

cavité Lcav) par des effets thermo-optiques, ou électro-optiques, ou par simple rotation du

cristal inséré dans la cavité, on exerce un contrôle sur cette fréquence. Est alors offerte

la possibilité de verrouiller en phase ce battement sur un oscillateur local RF afin de le distribuer optiquement.

Cette distribution d’un oscillateur local hyperfréquence ultra-stable via une liaison opto-hyperfréquence est particulièrement intéressante dans un contexte de métrologie

temps-fréquence. La prochaine partie, à une longueur d’onde optique toutefois bien différente,

s’inscrit dans cette perspective.

2 À 852 nm pour une horloge atomique compacte et

per-formante

La définition de l’unité SI de temps, la seconde, repose depuis 1967 sur la transition entre

deux niveaux hyperfins du césium 133 à l’état fondamental. En effet, la fréquence de cette

transition est fixée à exactement 9 192 631 770 Hz. Grâce à cette définition, des références de fréquence, basées sur des atomes de césium, de plus en plus stables et de plus en plus

précises ont vu le jour [55]. Aujourd’hui, les horloges atomiques à fontaine d’atomes de

césium sont les étalons primaires de temps-fréquence. Une vision vulgarisée de la remar-quable stabilité de ces horloges atomiques consiste à estimer le nombre d’années nécessaire pour observer une dérive d’une seconde complète, qui se situe vers la centaine de millions

d’années2. En fait, les records de stabilité sont détenus par des étalons secondaires dont

le fonctionnement repose sur le piégeage d’ions ytterbium et strontium dans des réseaux

optiques [56]. La stabilité de ces horloges basées sur des réseaux optiques est tellement

bonne qu’elle a rendu possible la mesure d’effets gravitationnels de dilatation du temps

prédits par la théorie de la relativité générale [57,58]. Imaginons une première référence

de temps placée au pied du Tokyo Skytree (ou, pourquoi pas, du mont Fuji) et une seconde placée au sommet, les deux étant initialement synchronisées. Le champ gravitationnel ter-restre ressenti par la première horloge est plus intense que celui ressenti par l’horloge en hauteur, en conséquence de quoi la théorie de la relativité d’Einstein prédit son retard par rapport à la seconde horloge. Plus précisément, pour chaque centimètre d’élévation de la

seconde horloge, l’horloge restée au sol retarde d’un ordre de grandeur de 10−18s quand

en hauteur il s’écoule 1 s. Ce chiffre (un milliardième de milliardième) permet de réaliser

le défi technologique conséquent relevé en termes de performances de stabilité pour mener de telles mesures (sur une durée totale d’à peine une demi-année).

Une autre problématique concerne le maintien de telles performances lors du transfert des références temps-fréquence ultra-stables sur des longues distances à travers de longues

fibres optiques [59].

En outre, de plus en plus d’applications requièrent des références temps-fréquence

per-formantes, que ce soit les systèmes de navigation par satellite (GNSS3) comme le GPS

américain, le GLONASS russe, le GALILEO européen ou encore le BEIDOU chinois,

2. Seulement deux minutes de dérive sur l’âge de l’univers ! 3. Pour global navigation satellite systems en anglais.

les réseaux de communications comme la 5G, les réseaux électriques intelligents, les ra-dars météo, les réseaux d’instruments synchronisés comme les sismomètres, les réseaux de transactions financières, les lidars des véhicules autonomes, etc.

Nous allons étudier des VECSELs bifréquences à 852 nm, longueur d’onde de la transition

D2 du césium. Leur développement s’inscrit dans l’élaboration d’une horloge atomique

compacte et stable, qui répond à des besoins que nous développons plus loin dans cette section. Les prochains chapitres mettront en lumière les propriétés de ces lasers destinés à une distribution par voie optique d’une référence RF ultra-stable. Avant de préciser davan-tage les performances et les applications visées, nous passons en revue le fonctionnement sommaire d’une horloge atomique. Nous exposerons ensuite la particularité de l’interroga-tion tout optique adoptée dans le projet de construcl’interroga-tion de cette horloge.

Ce Projet ANR est mené en collaboration avec des partenaires de Thales Recherche et

Technologie, l’observatoire de Paris/ Système Référence Temps-Espace (SyRTE), le Centre

de Nanosciences et de Nanotechnologies (C2N), le laboratoire Charles Fabry et la direction générale de l’armement (DGA).

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