Tout d’abord, citons les travaux précurseurs pour la miniaturisation des horloges de l’équipe
de J. Kitching [68] (NIST au Colorado) mettant au point une micro-fabrication exploitant
l’interrogation CPT à 852 nm dans le césium. Il est bon d’insister sur le fait que les fa-meuses horloges CSAC, aujourd’hui massivement commercialisées par Microsemi, consti-tuent à la base une véritable prouesse technologique. Comme nous l’avons évoqué, leur
stabilité relative en fréquence est insuffisante pour les applications que nous visons. L’état
de l’art de la recherche sur les horloges atomiques atteignant un écart type d’Allan σy(1 s)
de l’ordre de 10−13va permettre de resituer notre choix d’interrogation CPT avec les deux
faisceaux de polarisations linéaires orthogonales (configuration Lin⊥Lin) issus du VEC-SEL bifréquence.
Performances démontrées 10 0 10 1 10 2 10 3 10 4 10 5 10 -15 10 -14 10 -13 10 -12 (h) (g) (e) (f) (c) (d) (b) É c a r t t y p e d ' A l l a n y ( ) (s) (a)
Figure 2.7 – État de l’art de la recherche sur les horloges atomiques présen-tant un écart type d’Allan σy(1 s) de l’ordre de 10−13. (a) Maser à hydro-gène passif (FEMTO-ST en Franche-Comté). (b) CPT dans le césium avec double modulation de la polarisation (SyRTE) [69]. (c) CPT dans le césium en configuration Lin⊥Lin (SyRTE) [70]. (d) Pompage optique en push-pull (FEMTO-ST) [71]. (e) Double résonance dans le rubidium (UNINE à Neu-châtel) [72] (f) Pompage optique impulsionnel dans le rubidium (INRIM en Italie) [73]. (g) Atomes froids (µquans) [74]. (h) Pompage optique en push-pullavec une nouvelle séquence d’horloge (FEMTO-ST) [75].
La Fig.2.7 reproduit les performances en terme de stabilité relative en fréquence de
plu-sieurs horloges en développement dans les laboratoires européens en fonction de la durée d’interrogation des atomes. Évidemment, une réduction en taille est absolument nécessaire pour toutes les horloges présentées si l’on impose dans le cahier des charges un volume de 5 à 10 L pour la partie physique de l’horloge. Ce volume doit être compatible avec l’objectif, une fois l’électronique incorporée, de tenir dans un rack de 19 pouces. Certaines
tech-nologies paraissent plus difficiles à miniaturiser, comme celle qui repose sur des atomes
froids (g). D’autres, comme les masers à hydrogène passif, présentent un réel potentiel. L’interrogation optique en push-pull développée à l’institut Franche-Comté Électronique Mécanique Thermique et Optique – Sciences et Technologies (FEMTO-ST) repose sur l’in-troduction d’une modulation RF d’un laser à l’aide d’un dispositif de Michelson (d et h). Cependant, les horloges CPT (b et c) se détachent dans notre cas car leurs limitations sont bien connues. À court terme, ces limitations relèvent des fluctuations des sources lasers
uti-lisées pour l’interrogation optique. En effet, notre partenaire pour l’élaboration de l’horloge
compacte et performante, le SyRTE, se situe à l’état de l’art pour les horloges CPT qu’ils
D’intéressantes performances sont obtenues pour l’interrogation CPT en configuration de
double modulation [69,78]. Cette configuration consiste à moduler à la fois la polarisation
du laser d’interrogation et la phase de l’oscillateur local pour la séquence d’horloge. C’est toutefois la configuration Lin⊥Lin avec la séquence d’interrogation montrée plus haut qui est, au moment de l’écriture de cette thèse, à l’état de l’art pour les horloges CPT. L’équipe
de S. Guérandel a effectivement démontré une stabilité relative de σy(1 s) = 2.3 × 10−13
[70]. Le banc optique utilisé pour la production des deux polarisations linéaires
orthogo-nales consiste en deux lasers verrouillés en phase : un laser maître et un laser esclave. On estime à approximativement 100 L le volume physique de l’horloge. Par conséquent, des
efforts doivent être menés pour remplacer cette source laser encombrante, c’est pourquoi
un VECSEL bifréquence a été proposé.
Vers un prototype basé sur des VECSELs bifréquences
Les VECSELs bifréquences produisent directement deux polarisations linéaires orthogo-nales avec des bonnes propriétés de bruit. Notons de plus que Thales possède l’expertise concernant l’intégration industrielle de ces lasers. Grâce au projet ANR 2POLEVF, un
vo-lume nécessaire de 9 × 9 × 5 cm3a été identifié pour notre source laser, bien plus compacte
que l’ensemble laser maître et esclave de la référence [70]. On espère donc tirer parti au
mieux des performances de stabilité de l’horloge CPT en configuration Lin⊥Lin et de la
compacité offerte par les VECSELs.
La Fig.2.8 reproduit le schéma global de l’horloge. On reconnaît les différentes étapes
affichées à la Fig.2.3(a). Il y a l’interrogation du résonateur optique contenant la cellule
de vapeurs de césium dans son blindage magnétique en µ-métal. Un discriminateur de fréquence est réglé à la mi-hauteur de la frange centrale du signal CPT et permet une ré-troaction, via un traitement informatique, sur l’oscillateur local micro-onde. L’oscillateur
local RF de haute performance de la chaîne micro-onde est décrit dans les références [67,
79]. Une partie de l’oscillateur local est envoyée à un compteur qui délivre le signal
d’hor-loge. L’autre partie est reportée optiquement sur le battement entre les modes du VECSEL bifréquence, qui à nouveau vient interroger le résonateur optique. En amont du résonateur optique, un modulateur acousto-optique commun sert à réaliser la séquence d’horloge pi-lotée par l’ordinateur. Trois asservissements de la source laser sont nécessaires. Comme
indiqué sur la Fig.2.8, il faut mettre en place : (i) une rétroaction sur l’intensité via, par
exemple, le courant de la diode laser de pompe ; (ii) un asservissement de la longueur
d’onde du laser à 852 nm par absorption saturée sur la transition D2 du césium via une
ré-troaction, par exemple, sur la longueur de cavité en plaçant une cale piézoélectrique sur le coupleur de sortie ; (iii) une rétroaction sur la fréquence du battement RF à 9.2 GHz via un cristal électro-optique à l’intérieur de la cavité permettant de corriger la biréfringence. Le
chapitre5est spécifiquement dédié à la stabilisation du VECSEL bifréquence dans cette
(i)
(ii)
(iii)
Signal horloge DF-VECSEL EO PZT PompeCs
optique électronique OL Chaîne µ-onde∼
PC polariseur λ/2 BS PBS PBS BS BS MAO MAO IO Résonateur atomique y xFigure 2.8 – Schéma du principe de fonctionnement de l’horloge atomique CPT pompée par le VECSEL bifréquence. (i), (ii), (iii) boucles d’asservisse-ment (flèches bleues) de, respectived’asservisse-ment, l’intensité, la longueur d’onde ab-solue λ= 852 nm, la différence de longueurs d’onde correspondant à la tran-sition hyperfine à fRF= 9.2 GHz. IO : isolateur optique, BS : cube séparateur (pour beam splitter), PBS : cube à séparation de la polarisation (pour pola-rization beam splitter), λ/2 : lame demi-onde, EO : cristal électro-optique, PZT : cale piézoélectrique (pour piezo-electric transducer), OL : oscillateur local, MAO : modulateur acousto-optique.
Une étude préliminaire de ces asservissements a été réalisée au laboratoire Charles Fabry
[47]. Le verrouillage de la longueur d’onde sur la transition D2s’est révélé performant et
une contribution à la stabilité relative en fréquence de seulement σy(1 s)= 7.7×10−14a été
prédite. Cependant, dans cette référence, les fluctuations d’intensité ne permettaient pas de
respecter la stabilité d’horloge de σy(1 s)= 5×10−13du cahier des charges. Notre approche
consiste à acquérir une connaissance précise de la dynamique du laser afin d’optimiser sa stabilisation.
En dernier lieu, et puisque nous n’y reviendrons pas, passons en revue les options possibles
l’aide d’un étalon biréfringent [80], on peut réaliser un premier ajustement de la courbe de
gain autour de 852 nm. En utilisant un étalon biseauté de YVO4 de 100 µm d’épaisseur et
avec un angle de 30 secondes d’arc, nos partenaires à Thales R&T ont mesuré un décalage de 1.23 nm pour chaque millimètre de lame introduite. Ensuite, deux solutions ont été identifiées pour la rétroaction. Soit l’utilisation d’un actionneur piézoélectrique sur l’un des deux miroirs de la cavité laser pour un contrôle fin de l’ISL. C’est l’option adoptée dans
[47] et citée plus haut. Soit l’utilisation de deux cristaux électro-optiques têtes bêches à
l’intérieur de la cavité en alignant l’axe de polarisation électrique de l’un suivant x et l’autre suivant y. On accède ainsi au contrôle de deux degrés de liberté que l’on peut décomposer
comme un contrôle séparé de la longueur d’onde absolue et de la différence de longueurs
d’onde (battement RF).
Avant de lancer la construction du prototype d’horloge CPT pompée par un VECSEL bifré-quence, les propriétés de bruit de ces lasers à 852 nm doivent être explorées. Nous verrons
II
OPTIMISATION DE LA DYNAMIQUE
POUR DES VECSELS BIFRÉQUENCES
CHAPITRE 3
CARACTÉRISATION DU BRUIT D’UN VECSEL DÉDIÉ
AUX HORLOGES CPT ET STRATÉGIES DE RÉDUCTION
La transition D2 à 852 nm du césium peut être excitée à l’aide des deux composantes
po-larisées orthogonalement d’un VECSEL bifréquence. Comme introduit dans la référence
[47] résultant des travaux préliminaires menés au laboratoire Charles Fabry (dans l’équipe
de G. Lucas-Leclin) et comme nous l’avons détaillé au chapitre2, cette proposition offre
la perspective de l’élaboration d’une horloge CPT compacte et stable. Les propriétés de bruit du laser et du battement RF sont de toute première importance pour la stabilité à
court terme de l’horloge. Le chapitre1 a résumé l’expertise acquise au fil des années sur
l’analyse de bruit des VECSELs en fonctionnement bifréquence [17–20, 22, 42, 43, 51,
81]. Les longueurs d’onde des VECSELs étudiés dans ces références sont d’abord de 1 µm
puis de 1.55 µm pour les applications aux liaisons opto-hyperfréquences.
Dans ce chapitre, nous réalisons l’alignement d’un VECSEL émettant deux polarisations croisées à la longueur d’onde de 852 nm, nous caractérisons son fonctionnement bifré-quence puis nous analysons en détails ses propriétés de bruit. Les fluctuations d’intensité et le bruit de phase du battement sont successivement scrutés, à la fois sur le plan
expéri-mental et à la lumière de la théorie développée au chapitre1. Une seconde partie est dédiée
à la détermination de l’influence de différents paramètres du laser et du pompage sur le
bruit des VECSELs bifréquences. Plusieurs longueurs de cavité sont utilisées lors des ob-servations de bruit à 852 nm de la première partie. L’étude de l’influence des paramètres sur le bruit donne plus de profondeur aux interprétations qui en découlent. Mais également, l’étude du transfert du bruit de la pompe au VECSEL permet de dégager une stratégie de réduction de bruit. L’essentiel du bruit du VECSEL provient du bruit de puissance de la pompe qui lui est transféré. Ce travail ouvre ainsi la voie vers la minimisation de bruit né-cessaire pour les applications de distribution par voie optique de références de fréquences micro-ondes ultra-stables, qu’elles concernent la métrologie ou bien les architectures radar.