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Pour interpréter ces modes climatiques interannuels, des modèles conceptuels, basés sur la théorie mathématique des oscillateurs (Jansen et al., 2009) et prenant en compte les principaux couplages océan-atmosphère, les variables-clés de ce couplage et les ondes planétaires océaniques (de Kelvin et Rossby), ont été construits. Les principaux modèles conceptuels proposés pour expliquer ENSO dans le Pacifique sont l’oscillateur retardé (Suarez & Schopf, 1988), l’oscillateur du Pacifique ouest (Weisberg & Wang, 1997), l’oscillateur rechargé (Jin, 1997) et l’oscillateur advectif-réflectif (Picaut et al., 1997). Ces modèles simples, essentiellement linéaires, fournissent des solutions analytiques à la dynamique équatoriale qui ont permis de grand progrès dans la compréhension d’ENSO en tant que cycle interannuel, de ses modulations à plus long terme (An & Jin, 2000), et mis en avant le potentiel prédictif du phénomène (Meinen & McPhaden, 2000). Une combinaison des oscillateurs retardé et rechargé a été testée dans les autres océans tropicaux où existent aussi des modes interannuels équatoriaux. Elle s’est révélée inadaptable au dipôle de l’Océan Indien mais en partie valide dans l’Atlantique (Jansen et al, 2009), même si elle ne prend pas en compte toutes les spécificités de la dynamique tropicale Atlantique mises à jour récemment, notamment la

transmission d’anomalies thermiques du mode méridien au mode équatorial (figure 1.11). Nous rappelons ici les deux principaux oscillateurs qui ont été testés dans l’Atlantique tropical.

1.3.1 Oscillateur retardé

Le modèle d’oscillateur retardé est un modèle simple, d’abord proposé par Suarez et Schopf (1988) afin de mieux expliquer les oscillations d’ENSO, puis utilisé par d’autres auteurs pour expliquer les observations et les résultats de nombreux modèles plus complexes (Jansen, et al. 2009, Graham et al 2015, Sun et al., 2015). Le principal processus qui génère les oscillations dans ce modèle est la réflexion des ondes longues équatoriales (figure 1.12). Ces ondes se propagent vers l’est ou l’ouest, et se réfléchissent à l’ouest, en augmentant ou en diminuant la SST par downwelling ou upwelling (sauf dans la partie ouest où la thermocline est trop profonde).

La formulation de l’oscillateur retardé se décline en deux principales étapes, détaillées comme suit : – Modélisation de la rétroaction positive de Bjerknes identifiée pour le mode équatorial (figure 1.8) :

d

dtT (t )=α T (t) (1.1)

où T(t) représente l’anomalie de SST à l’est du bassin équatorial, α T (t) la rétroaction positive de Bjerknes avec α son taux de croissance. En solvant l’équation (1.1), on obtient un mode exponentiellement croissant, ce qui est contraire à la nature oscillatoire d’ENSO. Pour corriger une telle croissance, des effets non linéaires sont introduits dans le modèle linéaire pour donner une limite à la rétroaction positive. La nouvelle équation donne :

d

dtT (t )=α T (t)−ε T

3

(t) (1.2)

où −ε T3

(t) est le terme non linéaire qui limite cette croissance.

– Modélisation de la rétroaction négative :

Pour prendre en compte la nature quasi-oscillatoire d’ENSO, Suarez et Schopf (1988) proposent une rétroaction négative pour expliquer le passage de l’événement El Niño à l’état neutre ou à l’événement La Niña et vice versa. Cette rétroaction est représentée comme suit : Les anomalies de vent induites par une perturbation positive de SST à l’est du bassin génèrent des ondes de Rossby

d’upwelling qui remontent la thermocline. Ces ondes se propagent vers l’ouest à partir du centre du bassin et, en atteignant le bord ouest, se réfléchissent en ondes équatoriales de Kelvin de même effet thermique se propageant vers l’est. En arrivant quelques mois plus tard au bord est, où la thermocline moyenne est relativement peu profonde, ces ondes de Kelvin la remontent davantage, ce qui diminue la SST jusqu’à la faire basculer en phase opposée. Cette rétroaction introduite dans l’équation (1.2) donne ceci :

d

dtT (t )=α T (t)−ε T

3

(t)−βT (t−τ) (1.3)

Où le terme −βT (t−τ ) représente l’effet des ondes équatoriales qui génèrent une rétroaction négative, avec τ le temps de propagation (aller + retour) des ondes de Rossby et de Kelvin réfléchie.

La figure 1.12 résume l’ensemble des processus inclus dans l’oscillateur retardé qui se décrivent comme suit : Des anomalies positives de SST à l’est du bassin équatorial créent des anomalies de vent d’ouest au centre (1). Ces derniers génèrent des ondes de Kelvin de downwelling (2) qui se propagent vers l’est et qui amplifient les anomalies initiales de SST. C’est la rétroaction positive de Bjerknes. Les anomalies du vent d’ouest génèrent également des ondes de Rossby d’upwelling (3), qui se propagent vers l’ouest et se réfléchissent au bord ouest sous forme d’ondes équatoriales de Kelvin (4) d’upwelling. En atteignant la partie Est du bassin quelques mois plus tard, ces ondes Kelvin réfléchies (4), de signe opposé à celles des ondes de Kelvin directement forcées (2), créent des anomalies négatives de SST à l’Est du bassin équatorial. C’est la rétroaction négative qui permet les oscillations du système couplé.

1.3.2 Oscillateur rechargé

Ce modèle a été proposé pour le Pacifique équatorial par Jin et al. (1997). Le principe fondamental de ce modèle est schématisé sur la figure 1.13. Durant la phase chaude du mode équatorial, la divergence du transport de Sverdrup associé aux anomalies du vent d’ouest au-dessus du Pacifique central et les anomalies de la SST aboutissent à une décharge du contenu thermique équatorial. La décharge du contenu thermique équatorial conduit à une phase de transition pendant laquelle l’ensemble de lathermocline équatoriale est moins profonde, ce qui permet aux eaux froides sous la thermocline de pénétrer dans la couche mélangée de surface par upwelling climatologique, résultant dans la création d’une anomalie négative de SST à l’est du bassin et une anomalie de vent d’est à l’ouest du bassin. Le transport de Sverdrup change alors de signe, sa convergence permet une recharge du contenu thermique équatorial. L’équation proposée est la suivante :

d dt

(

TE h

)

=

(

a11 a12 a21 a22

)(

TE h

)

(1.4)

où aij représentent les paramètres du modèle, TE dénote l’anomalie de SST à l’est du Pacifique équatorial et h l’anomalie de profondeur de la thermocline moyennée au-dessus du Pacifique équatorial.

Figure 1.13 : Représentation schématique des 4 phases de l’oscillateur rechargé. La phase chaude

(1), la transition vers la phase froide (2), la phase froide (3) et la transition vers la phase chaude (4). Figure tirée de Jin (1997).

Jansen et al. (2009) ont plus tard couplé ces deux modèles, obtenant le modèle de l’oscillateur linéaire retardé/rechargé proposé défini par le système d’équations suivant:

d dtTE = γTTEchE d dthE = γhhEk τ−r τ(t−δ) τ = bTE (1.5)

où γT, γh, k , r , c , b , δ sont les paramètres du modèle, TE et hE représentent respectivement l’anomalie de la SST et la profondeur de la thermocline à l’est de l’Atlantique équatorial. L’équation en TE est analogue à celle de l’oscillateur rechargé (équation 1.4), et l’équation en

hE est analogue à celle de l’oscillateur retardé (équation 1.3). Jansen et al. (2009) ont également montré que ce modèle était capable d’expliquer en grande partie le mode équatorial de l’Atlantique tropical.

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