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2. Application de modèles oscillatoires à l’Atlantique tropical

2.2 Estimation des couplages du mode méridien

Carton et al. (1997) et Chang et al. (1997, 2001) ont recherché les mécanismes pouvant expliquer la variabilité du mode méridien. Ils ont trouvé que les flux atmosphériques, notamment le vent et le flux de chaleur latente (évaporation) interagissaient avec le gradient inter-hémisphérique de SST. Ils montrent que ce couplage SST – vent – évaporation est dû à une rétroaction thermodynamique où les anomalies initialement créées s’amplifient par une chaîne de processus qu’elles ont généré. Une anomalie chaude de SST dans l’un des hémisphères entraîne un gradient nord-sud de SST, et par

conséquent de pression, les deux variables étant fortement liées en zone tropicale. Le gradient de pression accélère alors les alizés dans l’autre hémisphère et les ralentit localement. L’évaporation qui est directement proportionnelle à la vitesse du vent diminue dans l’hémisphère local et augmente dans l’autre l’hémisphère. Cela réduit la perte de chaleur latente à la surface de l’océan dans l’hémisphère anormalement chaud et inversement dans l’autre hémisphère. Ce flux de chaleur induit par le vent tend donc à renforcer le gradient initial de SST nord-sud, ce qui renforce encore les anomalies de vent. Ce renforcement mutuel et thermodynamique, appelé « WES (Wind- Evaporation-SST) feedback » en anglais (Mahajan et al., 2009), constitue la rétroaction positive du mode méridien et se subdivise en trois couplages à savoir :

● Couplage entre la SST et le vent

● Couplage entre le vent et le flux de chaleur latente ● Couplage entre le flux de chaleur latente et la SST

En se basant sur la méthodologie d’estimation des paramètres de couplage du mode équatorial (figure 8, chapitre 1), nous avons quantifié ces couplages impliqués dans la rétroaction positive du mode méridien au printemps boréal (Figure 2.1).

La Figure 2.1a présente les anomalies de vent associées aux anomalies de SST du mode méridien. Cette figure résulte de la projection du champ de vent sur l’indice en SST du mode méridien défini par Servain et al. (1991 & 1998). Cet indice est égal à la différence entre l’anomalie de SST moyennée dans l’hémisphère nord (5°N-20°N) et celle moyennée dans l’hémisphère sud (5°N- 20°S) qui quantifie le gradient inter-hémisphérique du mode méridien. La Figure 2.1.a montre que pour un gradient de 1 °C (l’équivalent d’un dipôle, avec un réchauffement de 0,5 °C dans l’hémisphère nord et un refroidissement de -0,5°C dans l’hémisphère sud, par exemple) entraîne une intensification des alizés du sud-est de 1,6 à 2 m.s−1 au sud de l’équateur et une relaxation

simultanée des alizés du nord-est de l’ordre de -0,6 à -1,6 m.s-1 dans la partie nord entre 10°N et

20°N. Cette dynamique du vent correspond à un déplacement de l’ITCZ vers le nord suite à un renforcement de l’anticyclone de St-Hélène et un affaiblissement de l’anticyclone des Açores. Ces modifications du vent s’expliquent par le fait que le réchauffement de la SST dans l’hémisphère nord crée un flux d’air chaud ascendant, et donc une zone de dépression atmosphérique qui attire les vents lointains (selon la théorie du modèle de Gill, 1980), d’où des anomalies de vent qui convergent vers l’hémisphère nord.

Figure 2.1 : (a) Coefficient de régression linéaire des anomalies de vent (flèches) et de module du

vent (couleurs) en chaque point du bassin sur l’indice du gradient inter-hémisphérique de la SST (différence entre anomalies de SST moyennées dans la bande 5°N-20°N et dans la bande 5°N- 20°S). (b) Coefficient de régression linéaire en chaque point des anomalies du flux de chaleur latente sur celles du module du vent. (c) Coefficient de régression linéaire en chaque point des anomalies de SST sur celles du flux de chaleur latente. Les régressions sont faites sur les anomalies moyennées au printemps boréal, correspondant à la saison principale du mode méridien. La variance expliquée significative pour chaque couplage est superposée sur les cartes (isolignes). Les données sont issues des réanalyses océaniques GODAS et atmosphérique NCEP/NCAR. Le flux de chaleur est positif de l’océan vers l’atmosphère.

Pour le deuxième couplage, une régression locale entre les anomalies du module du vent et celles du flux de chaleur latente a été faite. La Figure 2.1b représente les coefficients de couplage entre ces deux variables. Ainsi, on observe que l’océan perd 20 à 40 w.m-2 de sa chaleur par évaporation à la

suite d’une variation de 1 m.s−1 de la vitesse du vent au sein du bassin.

Le dernier couplage (Figure 2.1c) montre qu’une augmentation de 10 W.m−2 du flux de chaleur

latente entraîne d’une façon générale un refroidissement de -0,14°C dans la majeure partie du bassin

a

c

à l’exception des régions d’upwellings côtières (régions au large des cotes sénégalaises et Angolaises) et équatoriale (région de la langue d’eau froide) où la variabilité de SST est plus liée aux processus dynamiques de l’océan que thermodynamiques (Jouanno et al., 2017). Donc, en faisant le lien avec la SST, on peut dire que les anomalies positives de SST dans l’hémisphère nord et négatives dans l’hémisphère sud durant un mode méridien entraînent une structure dipolaire de signe opposé dans les flux de chaleur latente ; c’est-à-dire que les anomalies de flux sont négatives dans l’hémisphère nord et positives dans l’hémisphère sud. Les études de Chang et al. (2001) ont aussi observé ce lien étroit entre la SST et le flux de chaleur latente durant le mode méridien.

De cette analyse, il ressort qu’un réchauffement de la température de surface de la mer dans l’hémisphère nord entraîne une intensification des vents méridiens vers le nord au sud de la position moyenne de l’ITCZ, correspondant au déplacement de celle-ci vers le nord (Figure 2.1a). Cette intensification des vents entraîne une augmentation du flux de chaleur latente (Figure 2.1b) qui produit un refroidissement de SST au sud de la position moyenne de l’ITCZ (Figure 2.1c). Ce refroidissement au sud entraîne donc un renforcement du gradient méridien de température initié par le réchauffement au nord, qui peut à son tour renforcer le vent, et constitue donc la rétroaction positive du mode méridien.

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